LONDRES, 1er juin (Reuters) - La Grande-Bretagne a ouvert une procédure devant la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) pour contester la compétence donnée au nouveaux régulateurs financiers européens d'interdire les ventes à découvert contre la volonté britannique.

C'est la deuxième fois en l'espace d'un an que le gouvernement dirigé par les conservateurs engage une procédure contre l'Union européenne, une mesure grave qui reflète aux yeux de nombreux observateurs la peur croissante des parlementaires d'un déclin de la Grande-Bretagne dans les débats communautaires et d'une perte de souveraineté dans le domaine de la régulation.

Les ventes à découvert permettent de vendre un titre sans le détenir dans l'espoir de l'acheter à un prix plus bas à l'avenir afin de réaliser un bénéfice.

Reuters a appris que le ministère britannique des Finances avait adressé une demande à la CJUE afin qu'elle livre des éclaircissements sur la compétence confiée à l'Autorité européenne des marchés financiers (Esma) d'interdire les ventes à découvert dans les 27 pays qui composent l'Union européenne.

La Grande-Bretagne estime que ces nouvelles règles, qui doivent entrer en vigueur en novembre, donneront une influence injustifiée à l'Esma et elle argue d'une décision de justice vieille d'un demi-siècle sur l'équilibre des pouvoirs institutionnels au sein de l'Union.

Un porte-parole de la CJUE, basée à Luxembourg, a déclaré n'avoir encore reçu aucune demande de la part de la Grande-Bretagne.

La Grande-Bretagne assure néanmoins qu'elle soutient l'action de l'Esma et la régulation des ventes à découvert mais elle veut savoir s'il est légal que l'Esma puisse les interdire et empêcher les pays de remettre cette interdiction en question.

Le précédent gouvernement britannique, travailliste, avait approuvé la création de l'Esma et de deux autres organes de surveillance sans la foulée de la crise financière de 2008.

Selon des experts, la démarche actuelle de la Grande-Bretagne traduit la volonté d'un gouvernement "eurosceptique" de recouvrer du pouvoir.

"Cela illustre le glissement du pouvoir hors du Royaume-Uni en tant qu'Etat membre vers les autorités européennes, qu'il n'a le même pouvoir d'influencer en coulisse comme il avait l'habitude de le faire", commente Michael McKee, spécialiste de la réglementation des marchés financiers chez DLA Piper.

La Grande-Bretagne s'est parfois retrouvée en opposition avec les autres grands pays européens, comme la France ou l'Allemagne, sur des questions de réglementation financière.

Ces dernières années, cela a entre autres été le cas au sujet du niveau des ratios de fonds propres des banques ou sur la taxe sur les transactions financières qui risque, selon les Britanniques, de remettre en question la place de Londres sur l'échiquier financier mondial. (Nicolas Delame pour le service français)