Washington (awp/afp) - L'économie américaine qui montre des signes avant-coureurs de ralentissement et les incertitudes créées par la guerre commerciale déclenchée par Donald Trump ont forcé la Banque centrale à signaler qu'elle allait augmenter le coût du crédit moins vite qu'initialement envisagé.

Le taux de chômage est resté stable en novembre, à 3,7%, pour le troisième mois d'affilée. Mais les créations d'emplois ont été moins fortes que prévu, a annoncé vendredi le département du travail.

"L'économie américaine a ajouté 155.000 emplois en novembre, en-deçà des attentes, ce qui n'est pas une grande surprise puisque nous attendons une certaine modération dans la maturation du marché de l'emploi", a commenté Gregory Daco, chef économiste chez Oxford Economics.

Selon lui, le nombre de créations d'emplois de novembre préfigure même le rythme plus modéré attendu pour 2019 à mesure que la croissance économique des Etats-Unis va ralentir. Au cours des 12 derniers mois, la moyenne mensuelle des créations d'emplois s'est établie à 204.000 dans une économie en plein boom, rappelle-t-il.

Si cette année la croissance économique des Etats-Unis devrait atteindre voire dépasser les 3%, ce qui serait la meilleure performance depuis la crise financière de 2008, le Fonds monétaire international (FMI) prévient depuis des mois qu'elle va ralentir à mesure que le stimulus budgétaire et fiscal va s'estomper et dans un contexte de guerre commerciale avec la Chine.

Certes, la directrice générale du FMI, Christine Lagarde, a souligné jeudi qu'elle ne voyait "pas les éléments d'une récession à court terme". Certes Donald Trump et son homologue chinois Xi Jinping ont enterré, au moins pour 90 jours, la hache de guerre.

Pour autant, Christine Lagarde a estimé que la Banque centrale américaine allait afficher une position plus accommodante, avec peut-être moins de hausses des taux prévues pour 2019.

"Attendons de voir"

La Réserve fédérale a relevé les taux d'intérêt trois fois d'un quart de point de pourcentage cette année. Et son comité monétaire, qui doit se réunir les 18 et 19 décembre, devrait, de l'avis d'une grande majorité d'analystes, donner un nouveau tour de vis en augmentant son taux directeur d'un quart de point de pourcentage.

Pourtant, le ton des ténors de l'institut d'émission, et notamment celui de son président Jerome Powell, s'est quelque peu adouci ces dernières semaines, laissant les économistes moins certains du nombre de hausses des taux de la Fed pour l'année prochaine.

"Les responsables (de la Fed) pensent toujours que l'orientation générale des taux d'intérêt à court terme sera à la hausse en 2019, selon de récents entretiens et déclarations publiques. Mais à mesure qu'ils relèvent les taux directeurs, ils sont de moins en moins sûrs du rythme auquel ils doivent agir et jusqu'où ils doivent aller", a écrit le Wall Street Journal jeudi soir.

"Ils veulent évaluer la réaction de l'économie aux mesures qu'ils ont déjà prises", a ajouté le journal.

Les investisseurs ont vu dans l'article l'écho fidèle de la pensée du comité monétaire et la bourse est aussitôt remontée en flèche.

"L'approche +attendons de voir+" (wait-and-see approach) semble désormais être de mise.

Ces derniers jours, Jerome Powell a continué de signaler que l'économie américaine devrait s'accroître à un rythme soutenu tout en soulignant l'importance de scruter finement les données économiques avant de prendre une quelconque décision sur les taux d'intérêt.

Il a ainsi tempéré cette semaine l'enthousiasme autour de la hausse récente des salaires: +0,2% en novembre par rapport au mois d'octobre, +3,1% sur un an.

"Même s'il y a eu des avancées récemment dans la croissance des salaires, les basses rémunérations ont augmenté très lentement ces dernières décennies", a-t-il relevé dans un discours à Washington.

"Les bénéfices de la solide économie et de la santé du système financier n'ont pas touché tous les Américains", a-t-il ajouté, regrettant que "les statistiques tendent à masquer d'importantes disparités au niveau des revenus, des races et des zones géographiques".

En novembre, le taux de chômage des Noirs (5,9%) était ainsi bien supérieur à celui des Blancs (3,4%), des Asiatiques (+2,7%) et des Hispaniques (+4,5%). Par ailleurs, 4,8 millions de personnes, après 4,6 millions en octobre, étaient employées à temps partiel, faute de trouver un travail à temps complet.

afp/rp