par Tom Esslemont

LONDRES, 17 janvier (Thomson Reuters Foundation) - Une commission d'experts des Nations unies estime que les applications pour smartphones, l'industrie du football ou de riches donateurs des pétromonarchies pourraient contribuer au financement de l'aide humanitaire mondiale, dont le déficit atteint 15 milliards de dollars.

En dépit d'une augmentation de la richesse mondiale, le système d'aide est "dépassé" et incapable de faire face à tous les besoins de la planète découlant des crises financières, des catastrophes naturelles ou de la violence terroriste, estiment les neuf membres de cette commission dans un rapport.

Parmi les idées en discussion figurent des micro-paiements prélevés sur des transactions dites massives en volume, comme les billets d'avion, déclare Kristalina Georgieva, vice-présidente de la Commission européenne qui a co-présidé ce groupe d'experts.

Kristalina Georgieva souligne d'ailleurs que de tels systèmes existent déjà en prenant l'exemple d'Unitaid, organisation internationale d'achat de médicaments qui finance la lutte contre le paludisme, le sida ou encore la tuberculose grâce à une contribution de solidarité sur les billets d'avion.

Avant de publier son rapport, la commission d'experts onusienne a pris contact avec la Fédération internationale de football (Fifa) et envisagé comment des fonds pourraient être levés grâce à une "taxe mondiale sur le luxe" ou des micro-prélèvements sur des achats de loisirs ou des courses en taxi, par exemple sur les utilisateurs de l'application Uber.

"Un niveau (...) de cinq centimes sur un volume massif, nous pensons que c'est possible", estime l'ancienne économiste de la Banque mondiale.

Mais la commission d'experts, qui regroupe des cadres du secteur bancaire, des responsables de la société civile et des ministres, n'est pas parvenue à un consensus sur des propositions spécifiques, ajoute la responsable bulgare.

FINANCE ISLAMIQUE

Certains membres sont en effet totalement hostiles à la taxation comme source de financement et le débat reste donc ouvert sur les moyens de lever de nouveaux fonds.

Le rapport souligne également la nécessité de mieux coordonner la part croissante de l'aide publique versée par les riches pétromonarchies du Golfe, surtout si l'on considère les besoins énormes des populations affectées par les conflits dans le monde arabe.

Vingt et un des 33 conflits actuels dans le monde sont situés dans des pays à majorité musulmane, note le rapport, où il n'existe pourtant pas d'objectif officiel d'aide au développement, comme dans les pays occidentaux.

"Nous travaillons sur des produits très concrets pour puiser dans différents secteurs de la finance islamique", précise Kristalina Georgieva.

L'une des idées explorées dans le rapport est l'utilisation de l'aumône obligatoire, ou zakat, que la Banque islamique de développement évalue annuellement entre 232 et 560 milliards de dollars.

La vice-présidente de la Commission estime que 3 à 5 milliards de dollars, sur les 15 milliards de dollars qui manquent à l'aide humanitaire, pourraient provenir de la finance islamique.

Les conclusions du rapport devront être entérinées par le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon dimanche (13h00 GMT) aux Emirats arabes unis, avant le premier Sommet humanitaire mondial, qui aura lieu en mai prochain en Turquie.

Les 5.000 délégués à ce sommet, où seront présents des gouvernements, des agences de l'Onu, des organisations caritatives et le secteur privé, seront ensuite invités à transformer ces propositions en objectifs, qui ne seront cependant pas contraignants.

Outre l'examen de nouvelles sources de financement, le sommet devrait également chercher à harmoniser le système de comptabilisation de l'aide afin de réduire les frais administratifs et les procédures de demande d'argent. (Jean-Stéphane Brosse pour le service français; Thomson Reuters Foundation est la fondation caritative de Thomson Reuters dédiée à la couverture des sujets humanitaires et liés aux droits des femmes, à la lutte contre la corruption et au changement climatique.(http://www.trust.org)))