(Actualisé avec précisions)

* Deux missiles ont été détectés avant l'accident, selon des données

* 63 Canadiens figurent parmi les victimes

* L'Iran rejette des informations "illogiques"

par Steve Scherer et David Shepardson

OTTAWA/WASHINGTON, 10 janvier (Reuters) - L'avion de ligne ukrainien qui s'est écrasé mercredi près de Téhéran, tuant les 176 personnes à son bord, a probablement été abattu par un missile iranien, a déclaré jeudi le Premier ministre canadien Justin Trudeau, disant s'appuyer sur les informations du renseignement canadien et d'autres sources.

Un représentant américain a déclaré que Washington avait conclu à ce scénario avec un haut degré de certitude, en se fondant sur des images satellite montrant des taches de chaleur caractéristiques de deux missiles sol-air qui auraient été tirés deux minutes après le décollage du Boeing 737 d'Ukraine Airlines de l'aéroport Imam-Khomeini.

L'Iran récuse cette thèse.

"Nous avons des renseignements de sources multiples, provenant notamment de nos alliés et de nos propres services. Les éléments indiquent que l'avion a été abattu par un missile sol-air iranien", a déclaré Justin Trudeau, soulignant sa volonté de faire toute la lumière sur l'accident de l'appareil qui transportait notamment 63 Canadiens.

S'exprimant lors d'une conférence de presse à Ottawa, le Premier ministre canadien a indiqué que le tir de missile iranien pouvait avoir été effectué de façon "involontaire".

Trois représentants américains ont dit à Reuters que le gouvernement américain estimait que l'Iran avait abattu l'avion par erreur.

Le New York Times a dit avoir obtenu et vérifié l'authenticité d'une vidéo qui semble montrer un missile iranien atteindre un avion près de l'aéroport de Téhéran.

Le porte-parole du gouvernement iranien a rejeté "l'ensemble des ces informations qui sont une guerre psychologique contre l'Iran".

"L'ensemble des pays dont des ressortissants se trouvaient à bord de l'avion peuvent envoyer des représentants et nous incitons Boeing à envoyer un représentant pour prendre part au processus d'enquête de la boîte noire", a ajouté Ali Rabiei dans un communiqué.

PROBLÈME TECHNIQUE, DISENT LES AUTORITÉS IRANIENNES

Dans un rapport préliminaire publié jeudi matin, l'aviation civile iranienne écrit que l'appareil d'Ukraine Airlines, vieux de trois ans et dont le dernier contrôle technique datait de lundi, s'est écrasé six minutes après son décollage, près de la localité de Sabashahr, au sud-ouest de Téhéran.

L'avion a rencontré un problème technique peu après son envol de l'aéroport international de Téhéran et a commencé à se diriger vers un aéroport proche avant de s'écraser, dit le rapport, sans préciser la nature de l'avarie.

Donald Trump a dit ne pas croire à un problème technique pour expliquer l'accident.

"Quelqu'un a pu commettre une erreur", a déclaré le président américain devant les journalistes à la Maison blanche.

Selon Rick Ellison, un expert en matière de défense, la signature radar de ce modèle de Boeing pourrait avoir été similaire à celle d'un gros appareil de transport militaire américain.

Les Iraniens "étaient en état d'alerte total pour abattre tout ce qui ressemblait à un avion américain. Quelqu'un a fait une erreur en identifiant l'appareil comme un avion de guerre", a-t-il estimé.

L'accident s'est produit quelques heures seulement après des tirs de missiles de l'armée iranienne sur des bases militaires abritant des soldats américains en Irak, des frappes menées en représailles à l'assassinat ciblé vendredi dernier du général Qassem Soleimani, l'un des personnages les plus influents de la République islamique.

KIEV EXAMINE QUATRE SCÉNARIOS

A Téhéran, le responsable de l'aviation civile, Ali Abedzadeh, a balayé le scénario d'un tir iranien, jugeant "scientifiquement impossible qu'un missile ait touché l'avion ukrainien", selon des propos rapportés par l'agence de presse semi-officielle Isna.

L'Iran a formellement convié la commission américaine de sûreté des transports (NTSB) à prendre part à l'enquête et la NTSB a accepté d'envoyer un enquêteur, a déclaré à Reuters un représentant iranien. La NTSB s'est refusée à tout commentaire.

Il n'y a eu aucune communication radio de la part du pilote et l'avion a disparu des écrans radars à 8.000 pieds d'altitude (un peu moins de 2.500 mètres).

L'appareil transportait 146 Iraniens, 10 Afghans, 11 Ukrainiens, cinq Canadiens et quatre Suédois, selon le rapport iranien, qui souligne cependant qu'un certain nombre d'entre eux avaient probablement une double nationalité.

D'après les autorités ukrainiennes, il y avait à bord 82 Iraniens, 63 Canadiens et 11 Ukrainiens.

La liaison Téhéran-Toronto via Kiev est régulièrement empruntée par les Canadiens d'origine iranienne se rendant en Iran en l'absence de vols directs.

A Kiev, le président ukrainien Volodimir Zelenski a déclaré que le gouvernement envisageait plusieurs causes plausibles expliquant l'accident de l'appareil. Dans une allocution télévisée, il a invité ses compatriotes à ne pas céder aux spéculations, théories du complot ou conclusions hâtives.

Oleksiy Danilov, secrétaire du Conseil ukrainien de sécurité nationale et de défense, a écrit sur Facebook que l'Ukraine examinait quatre principales théories : tir de missile, collision, explosion d'un moteur ou acte de terrorisme.

Il a ajouté que les enquêteurs ukrainiens arrivés mercredi soir en Iran souhaitaient fouiller le site de l'accident afin de chercher d'éventuels débris d'un missile russe dont les médias sociaux iraniens ont évoqué l'existence. (avec Mark Hosenball, Jonathan Landay et Phil Stewart à Washington, Alexander Cornwell à Dubaï, Pavel Polityuk à Kiev, Tim Hepher et Laurence Frost à Paris, Allison Lampert à Montréal; version française Jean Terzian, Bertrand Boucey, Marine Pennetier et Simon Carraud)