* 315 millions d'euros de réparations demandés

* Le trader incrimine sa hiérarchie

* "Je n'ai pas fraudé", dit-il (Actualisé avec suite de l'audience)

par Thierry Lévêque

PARIS, 3 décembre (Reuters) - Le procès d'un ancien trader de la Caisse d'Epargne, Boris Picano-Nacci, s'est ouvert lundi en correctionnelle à Paris pour abus de confiance dans l'enquête sur une perte de trading de 751 millions d'euros subie par le groupe en 2008.

Les avocats de la banque ont fait savoir avant l'audience qu'ils demanderaient 315 millions de réparations au prévenu, la part des pertes qu'ils pensent résulter d'actions abusives sur les marchés.

Le prévenu a nié tout délit au début de l'audience. "Je veux assumer ce que j'ai fait mais je ne comprends pas pourquoi je suis là, je n'ai pas fraudé", a-t-il dit à la barre.

Il s'agit de la deuxième affaire de ce type jugée en France après celle de l'ancien trader de la Société générale Jérôme Kerviel, frappé en octobre en appel de trois ans de prison ferme pour une perte de 4,9 milliards d'euros en 2008. (voir )

Boris Picano-Nacci, 37 ans, a été arrêté en 2008 après une plainte de la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance (CNCE), qui fait aujourd'hui partie de Groupe BPCE, rapprochement des Banques Populaires et de Caisse d'Epargne.

L'affaire avait permis au grand public de découvrir que l'établissement emblématique du placement de père de famille, "L'Ecureuil", se livrait aux activités spéculatives de marché avec ses fonds propres, appelées "trading en compte propre".

Du fait de la crise financière, la Caisse d'épargne avait décidé en avril 2008 l'arrêt de cette pratique à risque. Boris Picano-Nacci aurait donc dû liquider ses positions d'ici décembre 2008.

Le trader, qui était responsable du portefeuille dérivés-actions, se voit reprocher d'avoir enfreint l'interdiction en misant secrètement en septembre-octobre sur le marché des produits dérivés, continuant malgré plusieurs alertes.

Il en a informé ses supérieurs le 10 octobre 2008, avant que ses positions ne soient dénouées sept jours plus tard, produisant la perte de 751 millions d'euros.

LACUNES DE CONTRÔLE

L'accusation soutient que le prévenu a dissimulé ses opérations par des mensonges. Relevant de "graves lacunes" de contrôle, la Commission bancaire a frappé l'établissement de 21 millions d'euros d'amendes et d'un blâme. Le Conseil d'Etat a annulé pour vice de forme la plus grande partie des amendes.

Le problème était cependant réel, a souligné la présidente du tribunal, lisant les conclusions des enquêtes disant qu'il n'y avait "pas de mesures de suivi des risques de marchés".

Le président de la Caisse d'épargne Charles Milhaud a été contraint à la démission sans "parachute doré" après cette affaire. Deux autres responsables, le directeur général Nicolas Mérindol et Julien Carmona, chargé des risques, avaient été limogés.

Pour sa défense, Boris Picano-Nacci, qui admet une faute professionnelle mais pas d'infraction pénale, a dit que ses opérations avaient été approuvées par sa hiérarchie et que l'ordre de mettre fin à son activité n'excluait pas à ses yeux une stratégie "agressive".

Toutes ses opérations ont été enregistrées dans les bases de données de la banque et ne pouvaient être ignorées de sa hiérarchie, dit-il. Il encourra jusqu'à cinq ans de prison ferme et l'imputation éventuelle de la totalité du préjudice, c'est-à-dire l'obligation de le rembourser dans la mesure de ses moyens, comme Jérôme Kerviel.

Dans les deux cas, les banques ont été sanctionnées par la commission bancaire pour contrôle défaillant.

Le procès Kerviel avait montré à cet égard un certain mode de fonctionnement des salles de marché. Des épisodes de ce type se sont aussi produits à l'étranger.

Kweku Adoboli, ancien trader de la banque suisse UBS , a ainsi été condamné le 20 novembre à Londres à sept ans de prison pour avoir fait perdre 2,3 milliards de dollars (1,8 milliard d'euros) à son employeur. ( )

Le gouvernement français entend imposer aux banques qu'elles isolent leurs activités pour compte propre et mettent fin à des pratiques jugées trop risquées, tout en prenant soin de préserver le modèle de "banque universelle". (édité par Gilles Trequesser)