Il y a quelques jours, le Wall Street Journal avait fait le tour des popotes pour tenter de trouver un successeur au concept TINA, qui a fait fureur pendant des années sur les marchés financiers. TINA, c'est l'acronyme utilisé pour dire que les investisseurs n'avaient d'yeux que pour les actions. En anglais, There Is No Alternative, ou il n'y a pas d'alternative aux placements en actions, qui ont écrasé toutes les autres formes d'investissement entre 2009 et 2021. Concrètement, TINA signifiait qu'en dépit des essais de diversification qu'ils ont tenté, la plupart des investisseurs sont revenus aux actions, avec succès au vu des progressions affichées sur la dernière décennie. Et avec une certaine dose de panurgisme en vertu d'un autre concept célèbre, le FOMO (Fear Of Missing Out, l'angoisse de passer à côté de la fortune en manquant le bon wagon). Il aura fallu attendre 2022 pour que le bidule se dérègle. Plusieurs banques d'investissement ont depuis tenté de coller aux investisseurs une nouvelle étiquette marketing digne de TINA. Mais avaient-ils besoin d'une nouvelle héroïne ? C'est la question que nous allons nous poser un peu plus bas après avoir passé en revue les propositions du moment.

Les financiers n'ont pas eu beaucoup d'imagination et sont globalement restés assez proches du modèle. Il s'agissait en somme de trouver une formule adaptée à l'ambiance 2023 pour prendre la succession de TINA. Goldman Sachs s'est contenté de TARA "There Are Reasonables Alternatives" soit "il y a des alternatives raisonnables". C'est d'ailleurs l'objet de notre dessin de la semaine, sur Zonebourse. Insight Investment a préféré TIARA, "There Is A Realistic Alternative", soit il y a une alternative réaliste. Personnellement, je préfère la proposition de la Deutsche Bank, qui ne dit pas grand-chose d'autre mais qui est un peu créative : TAPAS, pour "There Are Plenty Of Alternatives" soit il y a plein d'alternatives. Les alternatives évoquées par les banques d'affaires sont diverses, il peut s'agir d'obligations, de liquidités ou d'actifs plus exotiques. Si vous n'êtes pas convaincu(e)s et que vous voulez prendre du recul, je vous propose le concept ATEPALP. "Arrêtez Tout et Partez A La Pêche".

Tout ça pour dire que le passage de TINA à TARA n'est pas forcément évident. En dépit d'un contexte de taux plutôt incertain et du risque de récession qu'il induit, les investisseurs ont du mal à se détacher de leurs chères actions. Alors évidemment, il y a eu une purge sévère l'année dernière, qui a raboté les valorisations et créé de nouvelles opportunités présumées. C'est pourquoi les actions ont rebondi au cours des dernières semaines. Mais cela s'accompagnait de signaux favorables pour une détente de la politique monétaire dans un avenir proche et sur un réveil de la dynamique économique chinoise. En mars 2023, la donne a un peu changé : le marché n'en a pas fini avec les hausses de taux et les performances de la seconde économie du monde restent médiocres. Tout cela devrait pénaliser les actions, en tout cas un peu plus fort que ce qu'elles subissent actuellement. Mais en réalité, ce n'est pas vraiment le cas, ce qui montre que TINA rôde toujours, même quand le patron de la Fed Jerome Powell refait les gros yeux en expliquant aux investisseurs que le job n'est pas terminé sur les taux, qui vont encore grimper. Et même si le marché obligataire s'est retendu après le creux du début de l'année.

Illustration hier à Wall Street où les indices se sont finalement plutôt bien sortis du retour d'une banque centrale américaine plus pessimiste. Le Nasdaq 100 a même repris 0,5%, alors que c'est un peu la jauge des actifs à risque, lesquels sont en général affectés par des taux plus hauts. En Europe, le tableau était plus mitigé à cause du CAC40 français et du SMI suisse qui ont baissé, pendant que le DAX allemand et tout une kyrielle d'autres indices se sont retrouvés dans le vert. La question qui se pose maintenant est de savoir si c'est un nouveau défi du marché actions à la Fed ou si c'est juste que le marché actions comprend vite, mais qu'il faut lui expliquer longtemps. La réponse pourrait intervenir dès demain. Si les chiffres de l'emploi aux Etats-Unis en février montrent que l'économie américaine est toujours dynamique, rien ne devrait retenir la Fed de continuer à relever ses taux vigoureusement, en tout cas plus haut que la zone de confort des investisseurs. Si le marché interprète les données dans l'autre sens, TINA va pouvoir reprendre la place de TARA.

Le début de la séance de jeudi est surtout rythmée par les résultats des sociétés, avec en Europe Deutsche Post, Dassault Aviation, Aviva ou JCDecaux. L'agenda macroéconomique contenait deux statistiques chinoises, qui montrent que le pays est encore en phase d'hibernation. L'inflation de février était singulièrement plus faible que prévu (1% annoncé pour 1,9% pronostiqué. Mal pronostiqué donc) et les prix à la production se sont légèrement plus contractés que ne l'anticipaient les économistes. L'un dans l'autre, ça ne cadre pas très bien avec une activité qui s'envole après la reprise post-politique zéro-covid. Le marché n'a toujours pas le second moteur de la fusée de la reprise des actions qu'il espérait. Aux États-Unis, la proposition de Joe Biden de taxer plus lourdement les grosses fortunes fait couler beaucoup d'encre aujourd'hui.

En Asie Pacifique, ça monte à Tokyo (+0,6% pour le Nikkei 225), à Hong Kong (+0,4% pour le Hang Seng) et une chouïa à Sydney (+0,1% pour l'ASX200). Ça baisse en revanche à Séoul (-0,5% pour le KOSPI) et à Bombay (-0,2% pour le SENSEX). Shanghai est entre deux-eaux (-0,1% pour le CSI300). Les indicateurs avancés européens sont hésitants mais plutôt baissiers. Le CAC40 perdait 0,14% à 7314 points à l'ouverture.

Les temps forts économiques du jour

Encore de la statistique sur l'emploi aux Etats-Unis, avec l'enquête Challenger de février (13h30) et les inscriptions hebdomadaires à l'allocation chômage (14h30). Tout l'agenda ici. L'inflation chinoise s'est limitée à 1% sur un an en février, contre 1,9% anticipé par les économistes. Les prix à la production ont poursuivi leur contraction.

L'euro a repris quelques cents à 1,0550 USD. L'once d'or remonte un peu, à 1815 USD. Le pétrole se stabilise après son recul, avec un Brent de Mer du Nord à 82,66 USD le baril et un brut léger américain WTI à 76,77 USD. Le rendement de la dette américaine sur 10 ans reste proche de 4%. Le bitcoin recule à 21 740 USD.

Les principaux changements de recommandations

  • ABN Amro : KBW passe de sousperformance à performances de marché en visant 19,50 EUR.
  • Adecco : Goldman Sachs reste neutre avec un objectif de cours relevé de 33 à 33,50 CHF.
  • Aryzta : Credit Suisse reste à sousperformance avec un objectif de cours relevé de 0,88 à 1,04 CHF.
  • Ashtead : Liberum reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 6200 à 6550 GBp.
  • AutoStore : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 24 à 28 NOK.
  • DiaSorin : Exane BNP Paribas passe de neutre à sousperformance en visant 95 EUR.
  • Eurazeo : AlphaValue reste à accumuler avec un objectif de cours relevé de 84,30 à 85 EUR.
  • Geberit : Oddo BHF reste à sousperformance avec un objectif relevé de 375 à 400 CHF.
  • Gerresheimer : J.P. Morgan passe de neutre à surpondérer en visant 144,10 EUR.
  • LVMH : AlphaValue passe d'alléger à accumuler en visant 1006 EUR.
  • Norsk Hydro : RBC démarre le suivi à surperformance en visant 90 NOK.
  • Saab : Citigroup passe d'acheter à neutre en visant 643 SEK.
  • Schweiter : Research Partners passe d'acheter à conserver en visant 800 CHF.
  • SRP Group : GreenSome Finance reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 2,12 à 2,54 EUR.
  • STMicroelectronics : Bryan Garnier démarre le suivi à vendre en visant 32 EUR.
  • Symrise : Credit Suisse reste à surperformance avec un objectif de cours réduit de 117 à 107 EUR.
  • Technip Energies : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 22 à 25 EUR.
  • Vimian : Handelsbanken passe de conserver à acheter.
  • Wavestone : Portzamparc passe d'acheter à conserver en visant 52 EUR.

En France

Résultats des entreprises (les commentaires sont donnés à chaud et ne préjugent pas de l'évolution des titres)

  • Dassault Aviation : les revenus vont baisser en 2023, avec 15 Rafale et 35 Falcon à livrer.
  • JCDecaux : vise une croissance organique de 2,5% au T1 2023. Il n'y aura pas de dividende au titre de l'année 2022.
  • SES-imagotag : prévoit une nouvelle amélioration de sa rentabilité en 2023.
  • Vivendi : le groupe accuse des pertes en 2022. Il souligne des discussions "constructives" avec les régulateurs de l'UE au sujet de l'opération Lagardère, malgré une déclaration d'objections. Et estime que les offres pour le réseau fixe de Telecom Italia sont insuffisantes.

Annonces importantes (et moins importantes)

  • Stellantis va construire un site de production en Afrique du Sud.
  • Slawomir Krupa a présenté au conseil d’administration de Société Générale la future gouvernance exécutive et l’équipe de direction qu’il prévoit de mettre en place.
  • EssilorLuxottica et ERG signent en Italie un contrat d'achat à long terme pour la fourniture d'électricité provenant de sources renouvelables.
  • En Australie, Veolia accélère la récupération des ressources et la décarbonation à travers le premier contrat de gestion intégrée des déchets du pays.
  • Eutelsat signe un contrat multi-orbite avec Intelsat pour améliorer la connectivité avec les services OneWeb.
  • Electricité de France aurait embauché des conseils pour évoquer l'avenir de sa filiale italienne Edison.
  • Euronext a annoncé une baisse annuelle du total des transactions sur le marché au comptant et du total des capitaux levés en février.
  • Voltalia fournit à Telefonica une première tranche d'énergie solaire au Brésil.
  • Wavestone vise désormais une marge opérationnelle courante annuelle de l’ordre de 14,5%, contre 15% initialement.
  • Aurea a signé un protocole d'acquisition sous conditions suspensives de deux entreprises spécialisées dans les métiers de l'aluminium.
  • Ils ont publié aussi / ils sont sur l'agenda : JCDecaux, GL Events, Neurones, SES-imagotag, Frey, Savencia, Maisons du Monde, Sword, Compagnie Lebon, Chargeurs, SRP Groupe, Verimatrix

Dans le monde

Résultats des entreprises (les commentaires sont donnés à chaud et ne préjugent pas de l'évolution des titres)

  • Deutsche Post : enregistre une hausse de son bénéfice attribuable pour l'exercice 2022.
  • Hugo Boss : prévoit un ralentissement de ses ventes en 2023.
  • Rieter : affiche un bénéfice en baisse en 2022.

Annonces importantes (et moins importantes)

  • Le Credit Suisse retarde la publication de son rapport annuel à la suite d'un appel de la SEC : les emmerdes, ça vole toujours en escadrille, pour reprendre la citation de Jacques Chirac.
  • ASML estime que ses perspectives pour l'exercice 2023 ne seront pas affectées par les nouveaux contrôles sur les exportations de puces.
  • Apple va revoir toute sa chaîne d'approvisionnement hors des États-Unis pour la recentrer sur l'Inde.
  • Partners Group étoffe sa direction et son conseil d'administration.
  • Selon Bloomberg, Uber envisage de scinder sa division de fret logistique.
  • Eli Lilly annonce que l'étude A4 sur le solanezumab pour le traitement préclinique de la maladie d'Alzheimer n'a pas atteint ses objectifs.
  • Leonardo obtient de nombreuses commandes lors du salon Heli-Expo.
  • Stadler Rail livrera 17 trains à la compagnie ferroviaire publique norvégienne.
  • Dormakaba conclut un partenariat avec Scheidt & Bachmann.
  • Silvergate Capital envisage de mettre fin aux activités de Silvergate Bank. Le titre perd plus de 40% hors séance.
  • Les principales publications du jour : Oracle, com, Ping An, Deutsche Post, Hannover Re, Dassault Aviation, Aviva, DocuSignTout l'agenda ici.

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