par Ellen Francis et Tom Perry

BEYROUTH, 5 avril (Reuters) - Un rebelle syrien a décrit mercredi l'attaque aérienne menée par l'aviation syrienne contre le village de Khan Cheikhoune qui a provoqué la mort de plusieurs dizaines de personnes, dont des enfants, tuées par un agent chimique.

Hussam Salloum, un volontaire participant au service d'alerte contre les attaques aériennes, se trouvait sur une colline dominant la petite localité tenue par les rebelles lorsqu'un avion syrien est entré en action mardi matin.

L'appareil, un Soukhoï 22, a largué trois bombes conventionnelles qui ont explosé au sol en provoquant des nuages de fumée noire et une quatrième qui a fait peu de bruit à l'impact et a dégagé un nuage de fumée blanche.

"La fumée était blanche et épaisse", a-t-il raconté à Reuters. "La fumée a commencé à se répandre à travers la ville jusqu'à former une couche", a-t-il expliqué, transmettant une vidéo tournée depuis son point d'observation.

Au moins 70 personnes ont péri dans cette attaque qui aurait impliqué l'usage de gaz sarin comme l'affirment les Etats-Unis. Ce neurotoxique très puissant avait été la cause de la mort de plusieurs centaines de personnes dans un quartier rebelle proche de Damas en 2013.

La Russie soutient que le régime de Bachar al Assad n'a pas fait usage d'armes chimiques et affirme que la contamination au gaz est imputable au bombardement par Damas d'un dépôt d'armes chimiques appartenant aux rebelles.

"Le pilote n'a fait qu'un passage et a largué les quatre bombes ensemble", a raconté Hussam Salloum qui se trouvait à environ 1,5 km des lieux de l'attaque et était en contact radio avec des gens sur place.

"Nous avons appris qu'il s'agissait d'un gaz toxique par un membre de la défense civile qui s'est rendu sur place rapidement", a-t-il poursuivi. "Il nous a dit qu'il y avait une odeur inhabituelle. Moins d'une minute plus tard, il a été pris d'étourdissements et il s'est évanoui. Nous avons perdu le contact".

Le bombardement s'est produit mardi à 06h30 (03h30 GMT) et a réveillé Khaled al Nasr, membre de la défense civile, qui s'est rendu sur place et a découvert plusieurs de ses collègues qui souffraient des effets du gaz.

"Tout le monde était par terre. Les gens étaient pris de convulsions. Certains avaient de l'écume qui sortait de leur bouche. Nous avons commencé à récupérer des gens", a raconté Nasr.

Peu après son arrivée, le secouritste a éprouvé une sensation de brûlure et n'a plus été en mesure d'avancer. "Je ne pouvais plus respirer", précise-t-il.

Les sauveteurs ont immédiatement déshabillé les victimes et les ont aspergées d'eau afin de dissiper les effets toxiques.

Mouin Abed al Menem, un médecin d'Idlib, a indiqué que l'antenne médicale dans laquelle il travaille a reçu 68 patients, dont 21 étaient morts.

"Près des deux tiers étaient des enfants. Certains étaient vivants lorsqu'ils ont été récupérés sur place et sont morts pendant le trajet. La plupart d'entre eux avaient de l'écume autour de la bouche, souffraient d'agitation et avaient les pupilles rétrécies", a-t-il dit.

(Pierre Sérisier pour le service français)