Ici nous parlons de deux stratégies fondamentales de l’investissement : growth et value dans la langue de Shakespeare. Dans la langue de Molière, cela donne : croissance et valeur. Dans un souci d’esthétisme, nous conserverons la version anglo-saxonne pour la suite de cet article. Les investisseurs axés sur la stratégie growth recherchent principalement des sociétés qui offrent une forte croissance des bénéfices, alors que les investisseurs axés sur la value recherchent des actions qui semblent sous-évaluées sur le marché. Jusqu’à tout récemment, le consensus était assez clair sur la façon de surmonter les taux et l’inflation : un transfert des fonds des valeurs growth vers la value. 

Historiquement, les sociétés value surperforment lorsque l'inflation et les taux d'intérêt augmentent. En effet, l’actualisation des flux futurs est moins accommodante pour les valeurs de croissance pour lesquelles les opérateurs de marché anticipent un avenir radieux. Les valeurs value possèdent en général une valorisation plus faible (par définition) par rapport à leurs actifs tangibles et leur situation actuelle. Dans ces moments de doutes sur l’augmentation des taux, les investisseurs se recentrent sur ce qui est concret, palpable, tangible. Logiquement, le secteur de la tech devrait souffrir de la hausse des taux et de l’inflation grimpant à des niveaux historiques. Et ce, d'autant plus pour les entreprises peu rentables ou n’ayant pas de pricing power. Autrement dit, une rotation des actions de croissance très valorisées, telles que les “tech”, vers des entreprises qui se négocient avec une décote par rapport à leurs fondamentaux financiers, comme la banque et l’énergie devrait se produire.

Le Nasdaq-100, riche en valeurs technologiques, a subi une forte baisse au cours de cette première semaine de l’année 2022, ce qui confirmait la stratégie précédemment citée. Mais il a récemment rebondi, emportant avec lui des doutes sur le réel transfert des growth vers les value. Il faut toutefois rappeler que plus de 40% du Nasdaq-100 est représenté par les MAGMA (anciennement GAFAM) dont les réserves de cash sont pléthoriques. Il se pourrait que les géants de la tech, qui ont un fort pouvoir de fixation des prix, puissent mieux résister que les valeurs spéculatives qui ont encore du mal à consolider leurs flux de trésoreries. Une perte de visibilité des investisseurs qui joue sur la rotation sectorielle “habituelle” en période de hausse d’inflation et des taux d'intérêt. La FED est aux manettes et elle est suivie comme le lait sur le feu par les investisseurs, histoire de ne pas se faire rincer tambour battant. 

Dessin d'Amandine Victor