La Cubaine Heidy Sanchez a fondu en larmes en évoquant le moment, la semaine dernière, où des agents de l'immigration américaine en Floride lui ont annoncé qu'elle serait expulsée et séparée de sa fille de 1 an, qu'elle allaite encore.

« Ils m'ont dit d'appeler mon mari, que notre fille devait rester et que moi, je devais partir », a-t-elle confié à Reuters lors d'un entretien au domicile d'un membre de sa famille près de la capitale cubaine, La Havane. « Ma fille s'est alors agitée, elle était nerveuse et a réclamé du lait, mais cela leur était égal. »

Le département américain de la Sécurité intérieure (DHS) a déclaré à Reuters que les propos de Sanchez étaient inexacts et contredisaient les protocoles habituels de l'Immigration and Customs Enforcement (ICE).

« Les parents sont interrogés pour savoir s'ils souhaitent être expulsés avec leurs enfants ou si l'ICE placera les enfants auprès d'une personne désignée par le parent », a précisé la secrétaire adjointe Tricia McLaughlin dans une réponse envoyée par courriel lundi soir.

« Dans ce cas, la mère a déclaré vouloir être expulsée sans l'enfant et a laissé la fillette à la garde d'un parent sûr aux États-Unis. »

Le DHS n'a pas répondu immédiatement à la demande de Reuters de fournir des preuves que Sanchez avait eu la possibilité d'emmener sa fille avec elle à Cuba.

Sanchez a expliqué qu'elle était arrivée dans son pays natal quelques heures après sa détention, sans passeport ni pièce d'identité, et sans aucun document des autorités américaines expliquant les raisons de son expulsion.

Les contradictions dans le dossier de Sanchez soulignent les inquiétudes des défenseurs des droits civiques concernant le respect du droit à une procédure régulière pour les migrants, alors que la politique migratoire du président américain Donald Trump s'est durcie, un pilier de sa campagne pour l'élection de 2024.

L'administration Trump a mis en avant lundi les premiers résultats de ses mesures strictes, soulignant une baisse des passages illégaux à la frontière.

Les démocrates et les défenseurs des droits civiques, eux, critiquent les méthodes de l'administration, y compris des cas récents d'enfants citoyens américains expulsés avec leurs parents. L'un de ces enfants souffrait d'une forme rare de cancer, selon l'Union américaine pour les libertés civiles (ACLU).

Contrairement à ces cas, Sanchez, surprise lors d'un contrôle de routine au bureau de l'ICE à Tampa jeudi dernier, affirme qu'elle n'a eu d'autre choix que de laisser derrière elle sa fille, citoyenne américaine.

Elle raconte que les agents l'ont séparée de son enfant, l'ont escortée jusqu'à un fourgon, menottée, puis expulsée dans la journée par avion vers Cuba avec 81 autres personnes.

Sanchez, 44 ans, faisait l'objet d'un ordre d'expulsion depuis 2019, mais avait été autorisée à vivre et travailler temporairement aux États-Unis à condition de se présenter régulièrement à l'ICE.

Pendant cette période, elle a épousé un citoyen américain naturalisé, d'origine cubaine, et a eu son premier enfant en novembre 2023.

Son mari a entamé il y a deux ans les démarches pour obtenir la résidence légale de Sanchez aux États-Unis, mais n'a, selon elle, toujours pas reçu de réponse.

Sanchez a plusieurs fois craqué lors de l'entretien avec Reuters. Elle dit comprendre que les agents de l'ICE ne faisaient que leur travail, mais estime que séparer une mère de son bébé allaité est « injuste ».

« Je n'arrive pas à dormir, je n'arrive pas à me reposer », confie-t-elle. « Tout ce que je demande, c'est d'être réunie avec ma fille. »

Ce dossier illustre une rupture nette de politique entre les administrations Trump et Biden.

Sous Biden, les agents de l'ICE avaient pour consigne de tenir compte de l'impact des mesures d'expulsion sur les familles.

Trump a annulé ces directives, qui privilégiaient l'expulsion des criminels dangereux. À la place, il a élargi le champ de l'application de la loi, ciblant notamment des migrants comme Sanchez, sous le coup d'un ordre d'expulsion.

Sanchez, qui affirme n'avoir aucun casier judiciaire, se trouve aujourd'hui à quelques centaines de kilomètres de sa fille, en Floride, mais un monde les sépare.

La pénurie croissante de nourriture, de carburant et de médicaments sur l'île communiste, située à seulement 145 km au sud de Key West, rend la vie insupportable pour de nombreux Cubains.

La crise a provoqué un exode record de plus d'un million de personnes, soit plus de 10 % de la population, une situation que Cuba impute aux sanctions américaines, qui étranglent une économie étatique déjà inefficace.

Sanchez affirme aujourd'hui devoir faire un choix « impossible »: rester séparée de sa petite fille ou l'emmener dans une Cuba en pleine crise.

« Tout le monde connaît la situation ici », dit-elle.