L'immeuble siège de la Faisal Islamic Bank est l'une des tours les plus imposantes du Caire, la capitale de l'Egypte. Austère, anguleux et décoré de versets coraniques, il se dresse majestueusement.
Toutefois, en dépit du caractère impressionnant du siège de la plus grande banque islamique du pays, le secteur financier compatible avec les lois de la sharia reste à la traîne dans ce pays pauvre, très peuplé, à croissance rapide.

Selon un rapport du cabinet de conseil McKinsey, les institutions financières islamiques ne détiennent qu'environ 3 à 4% du total des actifs bancaires du pays.
D'après de nombreux observateurs, la Faisal Islamic Bank représente le potentiel non réalisé du secteur en Egypte. Cette " banque sharia compatible " a été constituée en 1977 mais ne compte que 24 agences.
La Kuwait Finance House a été fondée la même année et compte plus de 50 agences seulement sur le marché intérieur koweitien, un pays certes plus riche mais de loin plus petit que l'Egypte.

Seuls environ 10% des Egyptiens possèdent un compte bancaire
" Le système bancaire islamique ne s'est pas encore véritablement développé en Egypte, du moins lorsque l'on considère le potentiel [des banques] " déclare Radwa El-Swaify, analyste chez Beltone Financial, une banque d'investissement égyptienne. " Ils n'ont pas fourni beaucoup d'efforts, ils ont relativement peu de produits et comptent un grand nombre de prêts improductifs ".
Sur le papier, la finance islamique devrait aller comme un gant à l'Egypte. La finance islamique moderne aurait vu le jour à Mit Ghamr, un village situé à la périphérie du Caire, au début de la décennie 1960.

Le taux de bancarisation des 86 millions d'Egyptiens demeure très faible. Seuls environ 10% d'entre eux disposent d'un compte bancaire. Excepté la minorité chrétienne copte [NDLR Les Coptes sont les habitants chrétiens d'Egypte], le pays est très majoritairement musulman.
L'échec enregistré jusqu'ici dans l'établissement de la finance islamique en Egypte est partiellement imputable au parfum de scandale qui flotte sur ce secteur. Dans les années 1980, un certain nombre de petites institutions financières islamiques se sont effondrées, emmenant avec elles l'épargne de nombreux Egyptiens.

Si certains experts affirment que la majorité d'entre elles étaient tout au plus des institutions financières spéculatives aux références religieuses douteuses, les analystes estiment que leur échec a terni la réputation du secteur en Egypte.
Toutefois, l'impératif religieux interdisant tout intérêt, ou la riba, n'est pas aussi rigoureusement observé en Egypte que dans le Golfe, qui est plus conservateur.

A la suite des scandales qui ont éclaté dans la finance islamique dans les années 1980, le principal chef religieux égyptien, Sheikh Mohammed Sayed Tantawi, le Grand Imam de la Mosquée et de l'Université d'Al Azhar (qui est depuis des siècles un grand centre d'études islamiques), a lancé une fatwa en indiquant que les intérêts bancaires simples seraient autorisés tant qu'ils restaient raisonnables.
Même les couches les plus pieuses, les plus pauvres de la société en ont pris bonne note. Omar Elhitamy, directeur général d'Orascom Housing Communities, une société de construction de logements sociaux, déclare qu'aucun des clients vivant majoritairement dans les HLM de la société n'a émis d'objections religieuses quant aux hypothèques conventionnelles productives d'intérêts.
" Al Azhar est le point de référence religieux pour la majorité des Egyptiens et son chef a affirmé qu'il n'y avait aucun problème à utiliser les services bancaires conventionnels, donc les clients n'ont pas le sentiment qu'ils iront en enfer s'ils y ont recours ", déclare un financier égyptien.

La politique constitue également une entrave. Les Frères musulmans forment la principale force d'opposition au gouvernement majoritairement laïque d'Hosni Moubarak et, par conséquent, les autorités ne se sont pas montrées enthousiastes à l'idée de soutenir la finance islamique.
" Il arrive souvent qu'il faille tordre les lois et les règlements pour permettre l'exercice de la finance islamique " déclare Sameer Abdi, responsable du groupe du service de la finance islamique chez Ernst & Young au Moyen Orient et en Afrique du Nord. " Le gouvernement égyptien et les régulateurs devront prendre une décision réfléchie pour ce faire. "

L’Afrique du Nord dispose d’un potentiel de croissance élevé
Ailleurs dans l'Afrique du Nord musulmane, le secteur ne se porte pas mieux. Il existe des banques islamiques à part entière en Algérie et en Tunisie ainsi que des " guichets " islamiques dans des banques conventionnelles au Maroc et en Algérie.
Mais dans l'ensemble, la part islamique des actifs bancaires reste inférieure à 1% selon le rapport de McKinsey.

Cependant, les experts et les responsables du secteur s'accordent sur l'idée que la finance islamique présente un fort potentiel de croissance dans la région, notamment en Egypte.
Le groupe bancaire Al Baraka, une banque islamique régionale à capitaux saoudiens basée à Bahreïn et la Banque islamique d'Abou Dhabi disposent de parts importantes dans les " institutions sharia compatibles " en Egypte et envisagent d'étendre leurs opérations.

On constate également des progrès du côté des marchés de capitaux.
Khaled Serry Seyam, le président de la bourse égyptienne, affirme que son institution travaille avec l'Egyptian Financial Supervisory Authority à l'élaboration de règlements qui permettront la vente de Sukuks (obligations islamiques).
La Faisal Islamic Bank incarne peut-être le revirement du devenir de la finance islamique en Egypte.

" L'institution sharia compatible " a annoncé une augmentation de son bénéfice net de 45% à 123,8 millions de livres égyptiennes sur un produit d'1,8 milliards de livres égyptiennes l'année dernière, selon le dernier rapport financier disponible en langue anglaise.
Il est prévu l'ouverture de cinq agences cette année.


Traduit de l'anglais par AGORA SUD
Copyright 2011 Financial Times / Zonebourse.com

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