PARIS (awp/afp) - Après l'accalmie commerciale entre les Etats-Unis et la Chine, et avec la perspective d'un Brexit négocié, les marchés européens vont pouvoir se concentrer à nouveau sur les fondamentaux, dans un contexte de forte volatilité.

"Les marchés ont été soulagés car ils sont juste en train d'éviter les scénarios les plus gênants, dans la mesure où le Brexit dur et le risque d'une aggravation forte des tensions sino-américaines s'éloignent un peu", mais "ils ne sortent pas du risque", indique Arnaud Brossard, analyste-gérant sur les actions européennes chez Lazard Frères Gestion.

Annoncé jeudi par Londres et Bruxelles, l'accord sur le Brexit a de grandes chances d'être retoqué samedi par le Parlement britannique. Mais les analystes croient à une probabilité plus grande de faire voter l'accord de retrait à Westminster en cas d'élections législatives anticipées.

Quoi qu'il en soit, le résultat du vote devrait dicter une grande partie de la tendance sur les marchés boursiers européens les séances prochaines.

Une semaine après l'annonce d'une trêve commerciale sino-américaine, "le risque extrême d'une sortie du Royaume-Uni de l'UE sans accord est plus ou moins écarté par les marchés", observe aussi de son côté Jean-Jacques Ohana, responsable de la gestion d'actifs d'YCAP AM.

"De leur point de vue, le pire a été évité", avec pour preuve "une remontée des taux allemand et britannique, une remontée très franche de la livre sterling et un cours soutenu des banques et assurances", constate-t-il.

Pour autant, "l'incertitude liée à l'évolution du commerce mondial n'est pas réglée" par l'accord de principe sino-américain et "on ne voit pas très bien ce qui pourrait inverser le ralentissement de la croissance mondiale amorcé depuis six mois", nuance l'expert.

Les investisseurs n'ont effectivement pas de quoi être rassurés sur le plan macroéconomique: le FMI a abaissé mardi à 3% sa prévision de croissance mondiale cette année, et table désormais sur 1,2% cette année et sur 1,4% en 2020 pour la zone euro.

Les dernières statistiques chinoises ont, elles aussi, été particulièrement déprimantes: la deuxième économie mondiale a fortement ralenti au troisième trimestre (à 6% sur un an), un plus bas depuis 27 ans.

Et à la trêve sino-américaine a succédé un durcissement des relations commerciales transatlantiques, les Etats-Unis ayant imposé vendredi des sanctions douanières contre les produits européens, provoquant le courroux de Bruxelles.

"Il est donc très possible que les investisseurs commencent à prendre leurs profits dès la semaine prochaine", prévient M. Ohana.

En pleine saison de publications, les acteurs de marché vont également pouvoir vérifier "s'il pourrait y avoir une transmission de ce ralentissement économique mondial aux résultats des entreprises", note le spécialiste.

"Avalanche de surprises négatives"

Ils ont d'ores et déjà eu une "avalanche de surprises négatives sur les résultats et sur les perspectives des entreprises", selon lui.

Plusieurs ténors de la cote parisienne, à l'instar de Publicis, Danone et Renault, ont en effet revu leurs prévisions à la baisse.

D'autres titres ayant déçu le marché, comme Pernod Ricard à Paris, Temeos à Zurich ou Wirecard à Francfort, ont été fortement sanctionnés cette semaine.

"Globalement, c'est quasiment le troisième trimestre consécutif de croissance nulle ou négative des bénéfices des entreprises européennes" mais paradoxalement, les marchés évoluent à des niveaux très élevés depuis le début de l'année, constate M. Ohana.

La valse des publications va se poursuivre la semaine prochaine avec Carrefour, Vinci, Air Liquide, Siemens, Daimler ou encore les banques RBS et Barclays.

Et pour se faire une idée du tassement de la conjoncture, les investisseurs se focaliseront sur les indices PMI en zone euro et aux Etats-Unis (jeudi) et sur le baromètre allemand Ifo (vendredi).

Quant à la Banque centrale européenne, qui tient sa prochaine réunion jeudi --la dernière de son patron Mario Draghi--, elle est plus que jamais dans une position d'attente, estiment les analystes.

M. Draghi devrait, selon eux, rappeler le bien-fondé d'une politique monétaire accommodante dans le contexte actuel et le besoin d'une relance fiscale pour soutenir la croissance et l'inflation.

Christine Lagarde, qui lui succèdera à la tête de l'institution le 1er novembre, devra composer avec un conseil des gouverneurs très partagé sur la poursuite d'une telle politique.

Ces prochains jours devraient donc être synonymes de forte volatilité sur les marchés, selon les spécialistes.

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