JPMorgan AM a tenu cette semaine sa conférence annuelle à Paris. En marge de ce rassemblement, son stratégiste Market Insights Vincent Juvyns a confié à AOF ses vues sur les marchés financiers et sur les perspectives macroéconomiques.

AOF - Quelle est votre analyse des soubresauts enregistrés sur les marchés financiers ces derniers jours ?
Vincent Juvyns : Je pense que c'est un moment plutôt sain, qui permet de remettre les compteurs à zéro sur l'année sans pour autant remettre en cause le scénario selon lequel 2018 sera à nouveau une bonne année pour les marchés financiers. Les fondamentaux restent bons et la saison des résultats, bien avancée aux Etats-Unis, est d'ores et déjà très positive. Je pense que le consensus a péché par excès d'optimisme concernant l'évolution de l'inflation et donc des taux. La normalisation de l'inflation est bien là, et logique compte tenu de la conjoncture mondiale et des politiques budgétaires qui sont de plus en plus expansionnistes un peu partout dans le monde. Cela ne veut pas dire que nous sommes pour autant entrés dans un cycle inflationniste massif.

AOF - Sur le plan macroéconomique, quelles sont vos prévisions ?
V.J : Je souscris au scénario du FMI qui prévoit 3,9% de croissance mondiale cette année. Mon sentiment est que la conjoncture n'a jamais été aussi positive. La croissance accélère en même temps dans toutes les régions du monde. Il est difficile de voir sur quel point nous pourrions faire une erreur qui ferait dérailler nos prévisions. 

AOF - Commençons par la situation aux Etats-Unis...
V.J : La croissance pourrait s'y accélérer légèrement. A notre avis, la réforme fiscale n'influencera pas tellement la consommation des ménages mais pourrait avoir un impact sur l'investissement des entreprises. Combinés à l'évolution de la productivité, les capex des sociétés sera l'élément déterminant de soutien à cette croissance. Si ces deux facteurs ne s'améliorent pas, l'économie américaine pourrait connaitre un trou d'air conjoncturel en 2019. De ces deux variables dépendra aussi selon nous l'évolution des taux de la Fed : nous aurons au moins trois hausses cette année et une quatrième n'est pas exclue. Quant à l'aplatissement de la courbe des taux, nous ne pensons pas qu'il s'agit d'un signe de récession.

AOF - Et en zone euro...
V.J : La croissance en zone euro devrait atteindre 2-2,5% dans un contexte où les perspectives d'emploi s'améliorent et où la consommation reste solide. De plus, le risque politique tend à décroitre : les dernières élections ont montré que l'euroscepticisme ne paye plus et nous observons que même le M5S italien ne se dit plus "eurosceptique". De plus, l'intégration européenne avance bien.

AOF - Enfin, quelle est votre vision sur les pays émergents ?
V.J : La dynamique de croissance est repartie dans les émergents après des années très difficiles. Nous sommes particulièrement positifs sur l'Asie, et notamment la Chine. Elle apparait comme la garante des accords commerciaux mondiaux et de la stabilité financière globale. Les réformes qui y sont menées sont très positives et la croissance devrait selon nous y atteindre 6-6,5%. Nous ne voyons pas la dette chinoise comme un danger systémique : elle n'est détenue qu'à 1,5% par des investisseurs étrangers et essentiellement des banques centrales. Quant à l'actualité politique chargée, avec de nombreuses élections dans les émergents en 2018, il nous semble que la bonne santé économique coupe l'herbe sous le pied des partis alternatifs.