* Poutine réélu avec 75,9% des suffrages selon des résultats encore partiels

* La participation, seul enjeu du scrutin, pourrait dépasser les 60%

* Ses opposants estiment que le scrutin était truqué

par Maria Kiselyova et Denis Pinchuk

MOSCOU, 19 mars (Reuters) - Vladimir Poutine a été sans surprise réélu dimanche à une très large majorité pour un nouveau mandat de six ans à la présidence de la Russie, à un moment où les relations entre Moscou et l'Occident ne cessent de se dégrader.

Au terme de son nouveau mandat, en 2024, l'ancien espion du KGB, au pouvoir depuis 2000, aura passé près d'un quart de siècle à la tête du pays en tant que président ou lors de sa brève parenthèse de Premier ministre (2008-2012). Seul le dictateur soviétique Joseph Staline a gouverné plus longtemps.

D'après des résultats encore provisoires portant sur un peu plus de 70% des bulletins de vote, la Commission centrale électorale le donnait tard dimanche soir vainqueur avec 75,9% des suffrages.

Son plus proche adversaire, le communiste Pavel Groudinine, n'a obtenu qu'environ 13% des voix. L'ultranationaliste Vladimir Jirinovski est crédité d'un score proche de 6%.

Le seul enjeu du scrutin était la participation. Elle pourrait être supérieure à 60% selon les premiers éléments disponibles. En mars 2012, lors de la précédente présidentielle, un peu plus de 65% des inscrits avaient pris part au scrutin.

Interdit de candidature, l'opposant et blogueur Alexeï Navalny avait appelé à boycotter les urnes, espérant qu'une faible participation décrédibiliserait la réélection de Poutine.

Il ne se faisait cependant pas beaucoup d'illusion. "La principale tâche des autorités dans cette 'élection' sera de faire en sorte qu'il y ait un taux de participation élevé pour créer un semblant de légitimité", avait-il commenté quelques jours avant l'élection.

Pour les autorités, les dernières élections parlementaires, en 2016, ont été comme un coup de semonce. Le parti Russie unie pro-Poutine a remporté une très large victoire, mais le taux de participation est tombé sous les 50% pour la première fois depuis la fin de l'ère soviétique.

Citées dans les médias russes, des sources proches du Kremlin disaient tabler cette fois sur un scénario du "70/70", avec 70% des voix pour Poutine et 70% de participation. La première étape est franchie.

UNITÉ

Dans son discours de remerciement prononcé près de la place Rouge à Moscou, Vladimir Poutine a déclaré à la foule en liesse qu'il interprétait sa victoire comme un vote de confiance dans ce qu'il avait réalisé dans des conditions difficiles.

"Il est très important de maintenir cette unité. Nous allons penser à l'avenir de notre grande Mère patrie", a-t-il déclaré avant de faire scander des "Russie, Russie !" à ses partisans.

Le chef de l'Etat, âgé de 65 ans, a promis d'utiliser son nouveau mandat pour renforcer la défense de son pays contre l'Occident et d'améliorer le niveau de vie de ses concitoyens. Il n'a pas pour autant présenté de programme économique précis.

Il a par la suite déclaré lors d'une rencontre avec ses partisans que des temps difficiles se profilaient, mais que la Russie était capable de faire "une percée".

Soutenu par la télévision d'Etat et par le parti au pouvoir, Russie unie, crédité d'une cote de popularité de quelque 80%, la victoire du maître du Kremlin n'a jamais fait de doute.

Aucun des sept candidats autorisés à présenter contre lui ne constituait une véritable menace.

La commission électorale centrale a reconnu quelques irrégularités dans le scrutin de dimanche, mais elle devrait avaliser le résultat définitif.

PÈRE DE LA NATION

Les partisans du président sortant ont vu dans sa nouvelle victoire une justification de sa position très ferme vis-à-vis de l'Occident.

"Aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, ils ont compris qu'ils ne pouvaient pas influencer nos élections", a déclaré le sénateur Igor Morozov, membre du Conseil de la Fédération, la chambre haute du Parlement, qui était interrogé à la télévision publique.

La présidente du Conseil de la Fédération, Valentina Matvienko, a salué une victoire morale contre l'Occident. "Nos élections ont prouvé une fois encore (...) qu'il n'est pas possible de manipuler notre peuple", a-t-elle déclaré. "Aucun autre pays au monde n'a des élections aussi ouvertes et transparentes."

Pour ses partisans, Vladimir Poutine est la figure du père de la nation, celui qui a restauré la fierté nationale et développé l'influence internationale de la Russie avec ses interventions en Syrie et l'annexion de la Crimée en mars 2014.

Plus intéressé par les affaire diplomatiques que par l'économie, il affiche des positions très opposées à celle des pays occidentaux, notamment sur la Syrie, où son soutien à partir de septembre 2015 a permis au président syrien Bachar al Assad de prendre l'avantage dans la guerre civile qui déchire son pays.

Il est également soupçonné d'ingérence dans l'élection présidentielle américaine de 2016 et d'avoir commandité l'empoisonnement d'un ancien agent double russe et de sa fille, retrouvés inconscients début mars dans le sud de l'Angleterre.

Vladimir Poutine a déclaré après sa victoire qu'il était "absurde" de penser que Moscou ait fait empoisonner l'ancien agent double russe Sergueï Skripal et sa fille.

A la fin de son mandat en 2024, Vladimir Poutine aura 71 ans. La Constitution limitant la présidence à deux mandats successifs, il devra alors quitter la magistrature suprême, comme il l'avait fait en 2008 après deux mandats de quatre ans. La durée du mandat présidentiel est passée de quatre à six ans en 2012. (Danielle Rouquié pour le service français, édité par Henri-Pierre André)