Qu’est-ce qu’un moat ?

Parmi les milliers d’entreprises côtées en bourse, il en existe certaines qui présentent l’heureux avantage de posséder un avantage compétitif durable. Popularisé par le célèbre investisseur Warren Buffett, le terme de "moat" (qui signifie "douves" en anglais) désigne le fait qu’une entreprise creuse un fossé quasiment infranchissable pour la concurrence. 

Il représente, en d’autres termes, la capacité d’une entreprise à prospérer dans le temps dans un environnement très concurrentiel grâce à un élément différenciant qui lui confère un avantage sur ses compétiteurs. C’est une notion très connue dans le monde de l’investissement long terme, mais souvent difficile à appréhender car subjective. 

Pour faire simple, imaginez un château (l’entreprise) avec des douves tout autour (ses avantages concurrentiels). Plus les douves sont larges et profondes, plus le château est protégé des envahisseurs (les concurrents).

Ça ressemble à peu près à ça : 

Construire un avantage concurrentiel demande du temps pour les entreprises.

La qualité et la durabilité de ce rempart concurrentiel dépendra de la perception de la proposition de valeur par les clients mais aussi de la rareté et de la difficulté à imiter pour les concurrents cette proposition de valeur.

Porter a identifié (en 1995), cinq forces pour décrire la concurrence sur un marché. Le degré de rivalité est déterminé par les autres forces. Plus l’entreprise est protégée de ces forces, plus grand est son avantage concurrentiel durable. 

Les forces en détails. 

  1. La concurrence directe du marché : Quels sont les principaux concurrents ? Quelles sont leurs forces et leurs différences ? Quelle est la croissance de l'industrie ? Est-ce que les clients des concurrents leurs sont fidèles ? 
  2. Les nouveaux entrants sur le marché : Quelles sont les barrières à l'entrée pour les nouveaux acteurs du secteur ? Existe-il une économie d'échelle inerrante au métier ? Quelles sont les exigences en matière d'investissement initial ? Quel est l'avantage de l'expérience et du leadership sur ce marché ? Comment ces nouveaux entrants peuvent développer leur accès aux canaux de distribution ?
  3. Produits de substitution :  Quels sont les produits de substitution directs et indirects à ceux proposés par l'entreprise analysée ? Quel est la propension des acheteurs à adopter ces produits ? Quel est la barrière à la sortie des produits de l'entreprise analysée ? Quel est le rapport qualité/accessibilité/prix des produits de substitutions comparés à ceux proposés par l'entreprise ?
  4. Pouvoir de négociation des clients : Quels sont les clients, leur nombre et leurs exigences ?
  5. Le pouvoir de négociation des fournisseurs : Est-ce que l'entreprise dépend de peu de fournisseurs ? Quel est la dépendance des fournisseurs à l'entreprise étudiée ? Est-ce que les fournisseurs sont susceptibles de s'orienter vers des produits de substitution ou sur un autre marché ?

Regardons le cas d’Apple.

Apple a très bien pensé son moat selon les forces de Porter. Elle est protégée des nouveaux entrants sur le marché par de forts coûts en recherche et développement de ces derniers pour pénétrer l’univers haut de gamme et high tech instauré par la firme à la pomme. L’environnement iOS protège la firme de Cupertino des produits de substitution car la barrière à la sortie est forte pour les clients souhaitant basculer sur Android. Et concernant sa relation avec ses fournisseurs et ses clients, Apple détient un « pricing power », c’est-à-dire une capacité à négocier les prix, dans son réseau logistique comme en démontre son réseau ci-dessous. Ses nombreux fournisseurs et clients lui donnent une faible dépendance de chacun d’en eux mais les revenus de ces derniers dépendants fortement d’Apple. 

(Source Bloomberg)

Un moat peut prendre plusieurs formes :

  1. Un savoir-faire inégalé, un service exclusif ou un produit de qualité supérieur. C’est le cas d’Hermès par exemple qui a un savoir-faire unique dans le domaine de la maroquinerie et la sellerie.
  2. Une barrière à l’entrée en terme de coûts en recherche et développement ou en dépenses d’infrastructures. C’est le cas des avionneurs comme Airbus et Boeing qui représentent un duopole dans ce secteur avec d’énormes coûts pour se lancer. 
  3. Une barrière à la sortie (appelée aussi les coûts de substitution) pour passer à un produit concurrent (c’est le cas d’Apple).
  4. Un « effet réseau » : La valeur du produit/service augmente avec le nombre de ses utilisateurs (Facebook). Par définition, plus un réseau social regroupe d'utilisateurs, plus il y a de chance d’y voir ses amis, ce qui le rend d’autant plus attirant.
  5. Une économie d’échelle : Produire des biens à moindre coût en misant sur le volume de ses ventes, c’est le choix de Xiaomi dans les téléphones portables. Ça lui réussi plutôt bien.
  6. Une efficience opérationnelle : Les entreprises qui voient leurs coûts baisser lorsque le volume de production augmente ont cette efficience qui les rendent encore plus fortes en grandissant. C’est le cas d’Amazon et de sa chaîne logistique supra-efficace.
  7. Un positionnement dominant ou monopolistique sur un marché. C’est le cas de Google.
  8. Des actifs intangibles : Une marque forte, des licences, des brevets, etc. C’est le cas de Coca-Cola avec sa recette secrète et son image de marque forte connue à travers le monde. La simple couleur rouge fait penser à Coca-Cola, si ça c’est pas un moat.

Une entreprise ne se limite pas forcément à un seul de ces avantages. Elle peut en avoir plusieurs. Dans ce cas, les avantages se combinent en se multipliant entre eux plutôt qu’en les additionnant. En effet, chaque avantage va entraîner un mouvement inertiel positif sur les autres avantages en les amplifiant, ce qui aura une répercussion d’autant plus positive sur les résultats et la notoriété de l’entreprise. 

Les gagnants raflent toute la mise.

Les entreprises détenant un avantage compétitif durable sont souvent bien plus rentables dans le temps car elles capitalisent sur leurs avantages à moindre coût, rendant leur business plus efficient. 

Au cours des cinq dernières années, l’ETF VanEck Vectors Morningstar Wide Moat (NYSE:MOAT) adossé à l’Indice Morningstar Wide Moat Focus surperforme l’indice S&P 500. Au sein de cet indice, les actions sont sélectionnées sur des critères fondamentaux (forte rentabilité, bonne santé financière, valorisation mesurée) et possèdent un moat parmi l’efficacité d’échelle, la réduction des coûts, la détention d’actifs incorporels, une marque forte ou un effet de réseau. 

(Source Zonebourse)

Les champions avec un rempart concurrentiel durable. 

J’ai identifié pour vous quelques entreprises qui remplissent actuellement les critères présentés ci-dessus d’un moat :