L'enthousiasme des investisseurs lundi en première réaction à l'annonce pendant le week-end d'une trêve de trois mois dans le conflit commercial sino-américain, n'aura pas tenu longtemps.

L'indice Dow Jones a abandonné 799,36 points, soit 3,10%, à 25.027,07. Le S&P-500, plus large, a perdu 90,31 points, soit 3,24%, à 2.700,06. Le Nasdaq Composite a reculé de son côté de 283,09 points (-3,80%) à 7.158,43 points.

L'indice de volatilité a fini à son plus haut niveau en plus de 10 jours, en hausse de plus de 25% à 20,64 points.

Sur le front du commerce, Donald Trump n'a pas exclu une prolongation de la trêve avec Pékin, qui doit permettre de geler les droits de douane le temps de négocier un accord plus large. Mais le président américain a ajouté dans un tweet que s'il s'avérait qu'un "VÉRITABLE accord" n'était pas possible, il reviendrait à sa politique de hausse des tarifs.

Sur le marché obligataire, les signes d'inversion de la courbe des taux, liés à la crainte de voir la fin du long cycle d'expansion aux Etats-Unis, ont fait trébucher les banques.

Les analystes s'attendent prochainement à une inversion de la courbe entre les taux des emprunts à deux et dix ans - perçue comme le signal d'une récession prochaine. L'écart est passé à moins de 10 points de base pour la première fois depuis dix ans.

Des déclarations du président de la Réserve fédérale de New York, John Williams, sur l'évolution des taux d'intérêt, ainsi qu'un sévère camouflet infligé à Theresa May par les députés britanniques concernant le Brexit, ont ajouté à la confusion.

Le président de la Fed de New York a dit s'attendre à la poursuite du relèvement graduel des taux d'intérêt, dans un contexte de "très bonne santé" de l'économie américaine. Ces propos interviennent après celles du président de la Fed Jerome Powell la semaine dernière, qui ont été interprétées par le marché comme un signe que la banque centrale s'approchait de la fin de ses relèvements de taux.

"La violente baisse à laquelle nous avons assisté (en fin de séance) est en grande partie une réaction au Brexit", selon Delores Rubin, trader chez Deutsche Bank Wealth Management,

"Quant au courant de ventes constaté depuis le début de la journée, il s'explique par la prise de conscience que rien n'est réglé (entre Pékin et Washington)", a dit Delores Rubin, tout en ajoutant que les déclarations de John Williams laissent penser que le marché a peut-être mal interprété les propos de Powell.

"Vous avez le Brexit, la Fed qui parle et les inquiétudes concernant les droits de douanes qui ont refait surface."

TAUX

La perspective d'une baisse de la croissance dans les mois à venir à incité les investisseurs à chercher refuge auprès des obligations du Trésor américain à plus long terme, ce qui a provoqué mécaniquement une chute des rendements des titres à 10 ans, tombés à leurs plus bas depuis mi-septembre et à moins de 12 points de base de ceux à deux ans.

L'inversion des rendements entre le deux ans et le 10 ans a précédé les trois dernières phases de récession aux Etats-Unis.

"Ce n'est pas un signal de récession imminente. Cela signale qu'il y a des attentes d'un ralentissement de la croissance", dit Deborah Cunningham, responsable de l'investissement sur les marchés monétaires de Federated Investment Management.

Les rendements à deux ans sont brièvement passés sous les taux à trois ans pour la première fois depuis janvier 2008. Les rendements à deux et trois ans se sont maintenus au-dessus des rendements à cinq ans pour le deuxième jour d'affilée, selon Tradeweb.

L'aplatissement de la courbe américaine a joué sur le marché européen: le rendement du Bund allemand à dix ans a fini la journée sous 0,27%, au plus bas depuis la mi-juillet.

VALEURS

Les valeurs financières ont chuté de 4,40%, plus forte baisse des indices sectoriels du S&P-500, le passage des taux courts devant les taux longs ayant un impact désastreux sur les résultats des banques. Bank of America, Morgan Stanley Citigroup Goldman Sachs et JPMorgan ont accusé des pertes allant de 3,8% à 5,4%.

De même, l'indice des valeurs industrielles, très sensible aux questions commerciales, est retombé de 4,35%, avec une baisse de 4,84% pour Boeing et de 6,93% pour Caterpillar, les deux valeurs les plus emblématiques.

Les valeurs de haute technologique, très recherchées la veille dans l'espoir d'un accord entre Pékin et Washington, sont retombées de 3,86%. AMD a perdu 10,92%, plus forte baisse du S&P, et Applid Materials 7,59%.

Les FANG aussi, ces géants d'internet dont les valorisations sont extrêmement tendues, ont précipité la chute du Nasdaq. Leur indice sectoriel a perdu 3,81%.

Apple a cédé 4,40%, affecté en outre par la révision à la baisse de la recommandation de HSBC et par un avertissement sur résultats de son fournisseur de processeurs audio Cirrus Logic, qui a abandonné 1,86% de son côté.

LA SÉANCE EN EUROPE

Les Bourses européennes ont terminé en baisse également mardi, l'aversion au risque ayant déjà repris le dessus avec les doutes sur l'efficacité de la trêve commerciale entre les Etats-Unis et la Chine et les risques liés à l'aplatissement de la courbe des rendements américains.

À Paris, l'indice CAC 40 a fini en repli de 0,82% à 5.012,66 points, effaçant les quatre cinquièmes de sa progression de la veille. Le Footsie britannique a cédé 0,56% et le Dax allemand 1,14%.

L'indice EuroStoxx 50 a abandonné 0,80%, le FTSEurofirst 300 0,66% et le Stoxx 600 0,76%.

En Europe aussi, les plus fortes baisses sectorielles ont notamment touché les compartiments auxquels la hausse de lundi avait surtout profité: l'indice Stoxx de l'automobile a perdu 2,52%, celui des hautes technologies 1,42%.

CHANGES

La baisse des rendements des Treasuries a affaibli le dollar, alimentant les craintes d'une pause plus rapide que prévu dans la hausse des taux de la Fed et d'un ralentissement économique. Il n'a trouvé aucun soutien dans les déclarations du président de la Fed de New York qui a dit s'attendre à la poursuite du relèvement graduel des taux d'intérêt en évoquant la "très bonne santé" de l'économie américaine.

Son repli n'a que brièvement profité à l'euro, qui est revenu à 1,1340 dollar, après un pic à 1,1420 en matinée.

PÉTROLE

Les cours du pétrole reculent de près de 0,7%, après avoir débuté la journée en forte hausse, dans un marché là aussi repris par le doute sur la capacité de Pékin et Washington à conclure un accord commercial, mais aussi face à la résistance de la Russie à la volonté de l'Opep de réduire sa production.

L'Opep et ses alliés planchent sur un accord de réduction de la production de 1,3 million de barils par jour (bpj) au moins, ont dit quatre sources mardi, ajoutant que la résistance opposée par la Russie à une réduction importante est pour l'instant le principal obstacle à surmonter. L'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) se réunira jeudi à Vienne.

Le brut léger américain (West Texas Intermediate, WTI) perd 34 cents, soit 0,64%, à 52,61 dollars le baril. Il avait touché un pic de 54,55 en séance, soit une hausse de 3%.

Le Brent cède de son côté 44 cents (-0,71%) à 61,25 dollars, après avoir touché un pic de 63,58 dans la journée.

(Avec Lewis Krauskopf, Jessica Resnick-Ault et Richard Leong)

par Juliette Rouillon