Les tweets présidentiels ont stoppé net l'avance initiale de Wall Street, fait plonger les cours du pétrole de 8% et mis un terme à 10 séances de hausse du dollar, tandis que le rendement des Treasuries à 10 ans a touché un creux de près de trois ans.

L'indice Dow Jones a lâché 280,85 points, soit 1,05%, à 26.583,42 et le S&P-500, plus large, a perdu 26,82 points ou 0,90% à 2.953,56.

Le Nasdaq Composite a reculé de son côté de 64,30 points (0,79%) à 8.111,12, étant retombé de 200 points par rapport à son plus haut du jour.

Après leur baisse de plus de 1% mercredi en réaction aux commentaires prudents de la Réserve fédérale ayant accompagné l'annonce d'une baisse de taux d'un quart de point, la première depuis 10 ans, les trois grands indices avaient débuté le mois d'août sur un rebond qui a été interrompu en quelques minutes par l'annonce surprise de Trump.

Témoin de la nervosité des investisseurs, l'indice Vix de la volatilité a bondi de 10% à 17,87, après avoir atteint en séance un plus haut depuis le 4 juin de 19,46.

"Cela montre la sensibilité du marché au dossier commercial", déclare Chuck Carlson, directeur général de Horizon Investment Services à Hammond, dans l'Indiana.

"Personne ne sait ce que Trump compte faire, ni ce qu'il considèrerait comme un succès", ajoute-t-il. "Clairement il voit la réticence de la Chine à avancer vers une solution et du coup il balance une grenade."

Michael O'Rourke, stratège chez Jonestrading à Greenwich (Connecticut), y voit aussi une possible manoeuvre pour mettre en difficulté Jerome Powell, le président de la Fed qui s'est abstenu mercredi de promettre de nouvelles baisses de taux, provoquant la colère de Donald Trump qui réclamait un geste plus fort de la banque centrale.

"On dirait que le président cherche à forcer la main au président de la Réserve fédérale en ravivant la guerre commerciale. Le marché ne va pas apprécier", dit-il.

Les volumes se sont sensiblement étoffés avec 9,89 milliards de titres échangés, à comparer à une moyenne de 6,48 milliards sur les 20 dernières séances.

VALEURS

Huit des 11 grands indices S&P 500 ont fini dans le rouge, les seuls rescapés étant les services aux collectivités (+1,01%) et l'immobilier (+0,22%), sauvés par leur profil défensif.

L'indice des technologiques, qui menait la hausse jusqu'aux annonces de Donald Trump, a cédé 0,53%, plombé notamment par Apple (-2,16%) et les valeurs des semi-conducteurs dont l'indice Soxx a lâché 1,97%.

Les plus fortes baisses sectorielles ont été pour les financières (-2,32%), pénalisées par la baisse des taux longs, et le compartiment de l'énergie (-2,28%), emporté par la chute des cours du brut. Les industrielles ont cédé 1,98%, payant leur exposition au dossier commercial.

Goldman Sachs (-3,88%) a accusé la plus forte baisse du Dow Jones, devant Caterpillar (-3,71%) et Nike (-3,38%).

Le sous-indice S&P 500 du commerce de détail a cédé 1,30% avec des reculs de 4,38% pour Target et de plus de 6% pour les chaînes de grands magasins Macy's et Norstrom.

Les valeurs chinoises cotées à Wall Street n'ont pas non plus été épargnées, à l'image d'Alibaba (-4,31%)

TAUX

L'annonce des droits de douane et la baisse des actions ont entraîné une ruée sur les obligations d'Etat, dont les rendements ont accusé leur plus forte baisse en une séance depuis le 29 mai 2018 lorsque la crise politique italienne avait agité les marchés.

Le rendement des Treasuries à 10 ans, référence du marché, a reculé jusqu'à 1,876% contre 2,02% mercredi soir, son plus bas niveau depuis le 9 novembre 2016 - lendemain de la victoire surprise de Donald Trump à l'élection présidentielle américaine.

En fin de séance il s'inscrivait à 1,895%, en repli de 12,60 points de base.

La baisse a été de 18 points de base pour les notes à cinq ans, de 17 pdb pour celles à deux ans et de près de 10 pdb pour le rendement des emprunts à 30 ans, revenu à son plus bas niveau (2,422%) depuis octobre 2016.

Les futures sur les échéances courtes ont bondi, les traders revoyant à la hausse leurs anticipations d'une nouvelle baisse de taux dès le mois de septembre. Les futures sur les fed funds intègrent à présent une possibilité de 73% d'une baisse de taux en septembre, au lieu d'une proportion de 51% mercredi soir, selon le baromètre FedWatch de CME Group.

CHANGES

Le dollar, qui avait fait mieux que se maintenir mercredi après les annonces de la Réserve fédérale, est passé en territoire négatif en réaction à la décision du président Trump de taxer les importations chinoises qui ne l'étaient pas encore.

L'indice dollar cédait 0,18% à la clôture de Wall Street, mettant fin à 10 séances de hausse - une série sans précédent depuis février 2017.

"Il est intéressant de noter qu'après la décision de la Fed hier Trump a tweeté assez rapidement sa désapprobation, et maintenant il relance la guerre commerciale", observe Mazen Issa, stratège changes chez TD Securities à New York.

Vers 20h00 GMT, l'euro regagnait 0,14% à 1,1089 dollar après avoir auparavant touché un plus bas de 26 mois de 1,1025.

OR

Avec le retour de l'aversion au risque et la baisse du dollar, l'or s'adjugeait plus de 2% sur le marché au comptant, autour de 1.443 dollars l'once.

Le métal fin avait auparavant reculé jusqu'à 1.400,31 dollars, son plus bas niveau depuis le 17 juillet, mais des achats à bon compte avaient permis au support de 1.400 dollars de tenir.

PÉTROLE

Sur le Nymex, le contrat septembre sur le brut léger américain (West Texas Intermediate, WTI) a chuté de 4,63 dollars, soit 7,90%, à 53,95 dollars le baril et le Brent de mer du Nord a lâché 4,55 dollars ou 6,99% à 60,50 dollars.

Le WTI, tombé en séance jusqu'à 54,67 dollars, n'avait plus subi une telle baisse en pourcentage depuis février 2015. Pour le Brent, qui a testé les 60 dollars avec un plus bas du jour à 60,02, la baisse est sans précédent depuis février 2016.

LA SÉANCE EN EUROPE

Les Bourses européennes avaient auparavant fini en hausse, sous l'impulsion du secteur bancaire, à l'exception de la Bourse de Londres qui a été plombée par la révision à la baisse des prévisions de croissance de la Banque d'Angleterre et des résultats décevants de Royal Dutch Shell.

Le CAC 40 a gagné 0,70% à 5.557,41 points à Paris, le FTSE-100 londonien a cédé 0,03% et le Dax allemand a pris 0,53%. L'indice EuroStoxx 50 a progressé de 0,57%, le FTSEurofirst 300 de 0,39% et le Stoxx 600 de 0,41%.

Le compartiment bancaire a pris 0,50%, emmené notamment par Société générale qui a fini en tête du CAC et de l'EuroStoxx50.

LES INDICATEURS DU JOUR

La croissance de l'activité manufacturière aux Etats-Unis a encore décéléré en juillet et plus que prévu, selon l'Institute for Supply Management (ISM) dont l'indice est ressorti à 51,2, au plus bas depuis août 2016, contre 51,7 en juin et 52,0 attendu par le marché.

Sur le marché immobilier, les dépenses de construction ont baissé de 1,3% en juin, leur baisse la plus forte depuis novembre 2018, alors qu'une hausse était attendue.

Le nombre des inscriptions au chômage a par ailleurs augmenté de 8.000 la semaine dernière, à 215.000, sans remettre en cause le dynamisme du marché du travail.

A SUIVRE VENDREDI :

L'agenda des indicateurs est dominé par la publication des chiffres de l'emploi aux Etats-Unis, une heure avant l'ouverture de Wall Street. Le marché attend 164.000 créations d'emplois en juillet après les 224.000 annoncées pour juin, et un taux de chômage stable à 3,7%.

(avec Stephen Culp à New York, Véronique Tison pour le service français)