C'est toujours un indicateur très suivi pour prendre le pouls des marchés : l'activité des fusions et acquisitions, ou dans le jargon financier le "M&A" - Merger and Acquisitions. A la fois reflet du sentiment des investisseurs et de l'environnement macro. Une activité qui a connu un âge d'or durant la décennie précédente, dans un environnement de taux bas et de liquidités abondantes. Et cela a culminé en 2020 et 2021, au pic de l'accommodation des banques centrales.  

Mais la remontée des taux d'intérêt, à partir de 2022, a considérablement freiné les fusions et acquisitions. Pourquoi ? Parce que, mécaniquement, un coût du capital plus élevé implique que le financement des acquisitions est plus couteux. Dès lors, moins d'opérations sont rentables, ce qui se traduit par une baisse du nombre et du volume de transactions.

Dans cette activité de fusions-acquisitions, les fonds de private equity sont un acteur important. Et eux aussi ont été freinés par la hausse des taux. Pourquoi ? Parce que l'essence même du private equity c'est la rotation du capital. Or, des taux plus élevés ont gelé cette belle mécanique. Il est devenu plus difficile de trouver un "exit", donc de sortir de ses participations. A partir de là, il y a moins d'argent à rendre aux LPs - limited partners, ceux qui investissent dans les fonds de private equity - qui à leur tour ont moins d'argent à réinjecter dans d'autres levées de fonds. Ces levées de fonds sont ainsi un indicateur retardé, et ont connu en 2024 une baisse de 23% par rapport à l'année précédente. 

Deal maker ou deal breaker ?

En novembre, l'élection de Donald Trump avait laissé entrevoir une perspective de reprise pour les fusions et acquisitions. D'abord parce qu'on s'attend à une moindre pression réglementaire de la part des autorités de la concurrence qui, sous l'administration Biden, avaient bloqué un certain nombre de deals. Ajouté à cela le cycle de baisse des taux entamé par la Fed en septembre, et les investisseurs s'attendaient à un rebond significatif de l'activité de M&A en 2025. 

Mais la reprise de l'activité se fait toujours attendre. Janvier a même été le mois le plus faible depuis 2015. 873 deals ont été annoncés ce mois-ci, selon les données de LSEG, soit une baisse de 30% par rapport à janvier 2024. C'est la conséquence des premières semaines de l'administration Trump, qui ont laissé les chefs d'entreprise perplexes. En effet, chaque semaine est marquée par des allers-retours sur la politique commerciale, la politique internationale, les coupes dans les agences fédérales ou les subventions décidées par l'administration précédente. Tout cela créé beaucoup d'incertitude et pousse les entreprises à reporter les projets de fusions et d'acquisitions. 

D'autant que l'administration Trump, perçue initialement comme très pro-Wall Street, a des prises de position publiques assez peu en soutien du secteur financier, depuis l'investiture fin janvier. Pour le moment c'est davantage la guerre commerciale qui est en haut de l'agenda tandis que la dérégulation et les baisses d'impôts se font attendre. C'est l'exact inverse de ce qui s'était passé durant la première présidence de Donald Trump. Il a sans doute appris que c'est en début de mandat qu'il faut faire passer les mesures douloureuses. C'est en tout cas ce qui ressort des déclarations récentes de son administration et de lui-même. Dans son discours au Congrès la semaine dernière, il a déclaré qu'il fallait se préparer à "quelques perturbations" causées par l’imposition de droits de douane.