Commençons par un constat : les indices boursiers sont partis dans tous les sens hier, avec un clivage marqué entre l'Europe et les Etats-Unis. Il n'y a qu'à comparer la chute de 3,8% du CAC40 à Paris avec la hausse de 3,4% du Nasdaq 100 à New York pour s'en persuader. Pour être tout à fait objectif, cela ne signifie pas que la perception est différente sur les deux marchés, même si Kiev est plus proche de Paris que de New York. C'est avant tout une question de décalage horaire : Wall Street a démarré dans le rouge hier avant de terminer au plus haut de la séance. Les indices européens n'ont pu emboîter le pas des technologiques américaines pour la bonne et simple raison qu'ils étaient déjà clos à ce moment-là. Je parle des technologiques parce que ce sont ces valeurs là qui ont tiré le marché hier aux Etats-Unis.

Venons-en à la question que pose ces parcours antagonistes : comment les indices américains peuvent-ils flamber le jour où Vladimir Poutine renverse la table en faisant chuter un régime démocratique européen avec ses chars ? Comme souvent, il y a derrière tout ça une somme d'explications qui viennent se télescoper.

En premier lieu, le fait que la réponse occidentale à l'agression russe de l'Ukraine est financière et pas militaire. C'était presque une évidence, puisque l'Europe n'a plus que des bribes d'armées et que les Etats-Unis n'ont ni la volonté, ni le temps pour une réaction de terrain. Mais les diverses déclarations l'ont confirmé hier. De surcroît, les sanctions annoncées jusque-là ne concernent pas directement le secteur pétrolier et gazier (en serait-on dépendants ?) ni le réseau bancaire SWIFT, qui sont perçus comme les deux rétorsions qui seraient les plus déstabilisantes pour les économies européennes.

Parmi les autres explications du retournement américain, il y a aussi la gestion du risque des investisseurs, qui orientent les flux vers le marché le plus sécurisé, celui des Etats-Unis. J'ai même constaté le retour ce matin des fameux "achats à bon compte" que l'on ressort à toutes les sauces dans les médias, mais je ne vous ferai pas l'injure de m'étendre là -dessus.

En temps normal, les investisseurs réagissent par rapport au scénario de base qu'ils ont composé. Mais durant ces périodes plus volatiles, le point d'ancrage du scénario a tendance à se déplacer. La semaine dernière, les marchés ont d'abord été épouvantés par le risque d'une invasion totale de l'Ukraine. Quand la Russie a finalement laissé croire qu'elle se cantonnerait à apporter un soutien diffus aux régions sécessionnistes, les investisseurs ont presque été soulagés. Même situation hier : le marché avait fléché la fermeture du robinet énergétique russe et une interposition militaire aux projets du Kremlin comme les deux scénarios les plus extrêmes. Finalement, aucun des deux n'a eu lieu, ce qui a contribué à inverser la tendance aux Etats-Unis. Dans cette période de recadrage, les considérations philosophiques, géopolitiques et prospectives ont tendance à passer au second plan en bourse, derrière les réactions épidermiques. On se préoccupe de risque plus que de ce qui est juste ou de ce qui ne l'est pas.

Mais elles devraient revenir au galop parce que la chaîne de réactions est en train de se mettre en place. Et c'est la somme de ces petites (ou grandes) folies, et leur combinaison, qui est impossible à quantifier. Un exemple. Que se passe-t-il quand vous entrez parmi vos variables possibles :

  • Flambée des matières premières tous azimuts
  • Réarmement de l'Europe alors que c'était le truc has been, donc mal financé, par excellence
  • Rapprochement de la Russie (qui a accumulé de grosses réserves de change à dépenser) avec la Chine pour contourner les restrictions occidentales
  • Des autocrates désinhibés face à des démocrates tétanisés
  • Une inflation galopante

Personnellement je l'ignore, mais je pense que je ne suis pas le seul. En tout cas, la complexité du monde est encore montée d'un cran et la même histoire se rejoue, encore et encore.

Mais revenons à nos moutons boursiers. Les marchés européens devraient vigoureusement rebondir ce matin pour répliquer la séance américaine. Les indicateurs avancés de Wall Street sont, eux, baissiers pour le moment puisqu'ils doivent assumer le fait d'avoir été euphoriques le jour où l'Ukraine s'est fait marcher dessus. Mais tout cela peut changer rapidement, on l'aura compris. La séance sera marquée par une série de statistiques aux Etats-Unis, qui pourraient relancer la discussion sur la politique monétaire de la Fed. Il reste quelques publications de résultats trimestriels à digérer, notamment ceux de BASF, de Saint-Gobain ou de Vale.

Le CAC40 gagne 0,8% à 6579 points.

Les temps forts économiques du jour

Aux Etats-Unis, le marché s'intéressera aux revenus et dépenses des ménages et aux commandes de biens durables, mais surtout à l'inflation PCE (14h30), avant à 16h00 les ventes de logements anciens et l'indice de confiance des consommateurs de l'Université du Michigan.

La paire euro / dollar se négocie 1,1221 USD. L'once d'or a baissé à 1912 USD. Le pétrole reste haut perché à 94,82 USD le baril de WTI et 101,30 USD le baril de Brent. Le rendement de la dette américaine remonte à 1,96% sur 10 ans, tandis que le Bund est rémunéré 0,17%. Le bitcoin est revenu à 38 500 USD.

Les principaux changements de recommandations

  • Aixtron : Jefferies reste à conserver avec un objectif relevé de 16 à 18 EUR.
  • Amundi : Exane BNP Paribas passe de neutre à surperformance en visant 79 EUR.
  • Anglo American : Jefferies reste à conserver avec un objectif de cours relevé de 3300 à 3800 GBp.
  • Anheuser-Busch Inbev : Jefferies reste à l'achat avec un objectif relevé de 71 à 72 EUR.
  • Arkema : AlphaValue reste à alléger avec un objectif de cours réduit de 125,70 à 113 EUR.
  • BAE Systems : JP Morgan passe de souspondérer à neutre en visant 630 GBp.
  • Davide Campari : Berenberg reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 14 à 12,50 EUR.
  • Eiffage : AlphaValue reste à accumuler avec un objectif de cours réduit de 114 à 112 EUR.
  • Groupe LDLC : Midcap Partners reste acheteur avec un objectif abaissé de 103 à 70 EUR.
  • HeidelbergCement : DZ Bank reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 81 à 72 EUR.
  • JDE Peet's : Berenberg reste à conserver avec un objectif de cours relevé de 30 à 32,50 EUR.
  • Norsk Hydro : UBS passe de neutre à achat en visant 100 NOK.
  • Polymetal : Berenberg reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 1500 à 1000 GBp.
  • Rentokil : Jefferies reste à l'achat avec un objectif relevé de 650 à 675 GBp.
  • Royal Boskalis : Jefferies démarre le suivi à l'achat en visant 35 EUR.
  • S4 Capital : Jefferies reste à l'achat avec un objectif réduit de 930 à 720 GBp.
  • Scor : AlphaValue reste à accumuler avec un objectif de cours réduit de 35,90 à 34,90 EUR.
  • Solvay : Berenberg reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 140 à 135 EUR.
  • TotalEnergies : RBC passe de surperformance à performance sectorielle en visant 55 EUR.

En France

Principales publications de résultats

  • Casino : la dette s'accroît. Il n'y aura pas de dividende cette année.
  • Saint-Gobain : le bénéfice net 2021 est presque doublé à 2,8 Mds€.
  • Valeo : l'équipementier vise une marge d'Ebitda de 14,5% en 2025 et cédera 500 M€ d'actifs.
  • Vallourec : la marge RBE remonte à 14,3%, pour 40 M€ de bénéfice net. Le RBE devrait croître cette année.

Annonces importantes (et moins importantes)

Dans le monde

Principales publications de résultats

  • BASF : prévoit une baisse des bénéfices pour l'ensemble de l'année en raison du ralentissement de la croissance économique.
  • Beyond Meat : nouvelle déception sur les résultats de la société qui produit des steaks sans viande, dont l'action chute de 10% après la clôture.
  • Coinbase : le titre de la plateforme de négociation de cryptomonnaies perd 5,8% post-séance après ses trimestriels.
  • Moncler : le chiffre d'affaires a bondi de 30% au T4.
  • Vale : le groupe minier brésilien dépasse le consensus sur le dernier trimestre de l'année.

Annonces importantes (et autres)

Lectures