Les investisseurs expérimentés n'aiment pas beaucoup les séances qui commencent par une vive hausse et qui clôturent dans le rouge, au plus bas de la journée. Ces journées ont tendance à montrer que l'écart est trop grand entre ce que veut le marché et ce qu'il peut mettre en œuvre. C'est ce qui s'est produit aux Etats-Unis hier. Illustration avec le Nasdaq 100, qui était à 2% de gains en début de matinée et qui a clôturé à -1,16%, effaçant le bénéfice du rebond de la veille. La phase de remous qui s'est emparée des marchés actions depuis la mi-juillet n'est peut-être pas terminée. D'ailleurs, l'indice de volatilité VIX est toujours haut perché, après avoir fait mine de décroître.
Sur le vieux continent, la séance de mercredi était bien plus insouciante : les gains de la journée ont été conservés. Ils ont même parfois été étrangement épatants, comme à Zurich où le SMI a gagné 2,9%. Quand l'un des indices les plus défensifs du monde se comporte ainsi, il y a deux visions possibles : soit il monte parce que tout monte, soit il monte plus fort que les autres parce que les investisseurs construisent des petites digues avec leurs actions Nestlé, Novartis et Roche. L'Europe comptait une exception, le Danemark, où l'OMX Copenhague a coulé à pic (-3,8%). Avoir un énorme dossier prolifique comme Novo Nordisk dans l'indice a généralement des avantages, sauf quand le dossier en question chute de 6% parce que ses performances financières n'ont pas été à la hauteur.
La poussée de volatilité liée aux craintes sur la croissance américaine et plus globalement sur la capacité des consommateurs à dépenser de l'argent a été accentuée par les gros mouvements de fonds liés au changement de règle du jeu dans le domaine du carry trade. Le détricotage de stratégies lucratives mais fondamentalement intenables se fait toujours dans le bruit et la fureur. C'est un peu ce qui se passe avec la perte d'attractivité du carry trade, la stratégie consistant à profiter du différentiel de taux et de monnaie faible entre le Japon et d'autres régions. On n'est pas si loin de l'éclatement de la bulle de l'argent gratuit en 2022, qui avait porté aux nues des entreprises technologiques à la mode mais non viables. Quand les conditions fondamentales changent vite, les paris planplans habituels peuvent rapidement devenir des pièges impitoyables.
Dans ce registre, la performance du fonds ARK Innovation (ARKK) de Cathie Wood, la papesse de l'investissement risqué, est assez symptomatique. Cet ETF géré activement a eu son heure de gloire quand les marchés se sont enflammés pour les valeurs technologiques risquées. Mais depuis que la bulle a éclaté, ARK traverse un désert. En 2024, le fonds est à -24% quand le Nasdaq 100 gagne 6%. Sur trois ans, c'est -68% (Nasdaq 100 : +18%). Même les aficionados de longue date qui ont acheté l'ETF en 2019 ont perdu de l'argent. Alors certes, le fonds affiche un gros effet de levier en cas de rebond du secteur technologique, mais les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent. Sur dix ans, ARK Innovation a provoqué plus de 7 milliards de dollars de pertes pour ses investisseurs. Pour autant, lesdits investisseurs ont longtemps fait confiance à Wood et son équipe, en acceptant les pertes sur la foi des plus-values affichées en 2021, avant que tout ne parte en quenouille. Cette année, ARKK a déjà enregistré 2,2 milliards de dollars de sorties nettes, selon Bloomberg. Les actifs sous gestion sont passés sous la barre de 5,5 Mds$ au début de l'été, contre environ 28 Mds$ en 2021, du temps de sa splendeur. Pourquoi j'en parle aussi longuement ? Parce que la presse évoque le renforcement d'ARKK sur plusieurs positions depuis les remous qui ont affecté le marché dernièrement. Cathie Wood a notamment renforcé Amazon, AMD et Roku, tout en prenant position dans Meta et Reddit. Au vu de l'historique du fonds et avec un brin de cynisme, ce pourrait être inquiétant pour ces dossiers.
En Europe, les pays du nord, Allemagne en tête, continuent à publier des résultats. Il s'agit de pays notoirement laborieux et fiables, qui bossent quand les autres glandent. Les pays du sud ont déjà liquidé leurs stocks de publications pour aller fainéantiser au soleil en buvant du rosé. Vous aurez donc des choses tristes comme du Allianz, du Siemens AG, du Zurich Insurance en guise de résultats aujourd'hui, mais pas de Pernod Ricard ni de Davide Campari. Le Ricard et le Campari, ça se boit, ça ne publie pas début août.
Mais au-delà des résultats, les financiers vont surtout regarder la tête des chiffres hebdomadaires de l'emploi américain à 14h30. Depuis qu'ils ont à nouveau peur que le ciel de la récession leur tombe sur la tête, ils ont fait du marché du travail US leur principal indicateur avancé. Si les données sont médiocres, ils pourraient déprimer encore plus en se lamentant sur la Fed qui a tardé à baisser ses taux. Jusqu'à ce qu'ils fantasment à nouveau en se disant que, finalement, si la situation devient toute pourrie, la Fed va baisser ses taux encore plus vite et que l'argent va redevenir bon marché plus vite que prévu. Ils sont comme ça les financiers, ils trouvent souvent un truc auquel se raccrocher. Ça pourrait aider Cathie Wood à sortir de PLS, d'ailleurs.
En attendant, les cadors de la plus grande banque d'affaires du monde, JPMorgan, ont relevé le curseur de leur probabilité de récession aux Etats-Unis d'ici la fin de l'année de 25% à 35%. En même temps, les prévisions de récession des trois dernières années aux Etats-Unis se sont toutes révélées fausses… JPMorgan n'a pas franchi le Rubicon des 50% de probabilité à ce stade, donc la banque peut avoir tort tout en ayant raison, ou le contraire. C'est commode.
En Asie Pacifique ce matin, la frénésie du rebond est terminée au Japon, où le Nikkei 225 rend 0,5%. La Chine est en hausse sans que personne ne comprenne bien pourquoi. La Corée du Sud perd 0,8% et Taiwan 2%, à cause du retour de manivelle sur le secteur des semiconducteurs. L'Inde et l'Australie perdent autour de 0,4%. Les indicateurs avancés européens pointent vers le bas, parce que les indices se sont un peu trop emballés en clôture hier, sans savoir que Wall Street allait terminer en baisse.
Le CAC40 débute la journée en baisse de 0,77% à 7210 points. Le SMI recule de 0,9% à 11 737 points. Le Bel20 perd 0,4% à 3980 points.
Les temps forts économiques du jour
La journée débute avec la production industrielle en Allemagne (8h00), puis aux Etats-Unis, les nouvelles demandes d'allocations chômage (14h30) et les stocks de grossistes (16h00). Tout l'agenda ici.
Les principaux changements de recommandations
- Ageas : HSBC améliore sa recommandation de conserver à acheter avec un objectif de cours relevé de 45 EUR à 50,50 EUR.
- Ahold Delhaize : Bernstein maintient sa recommandation de performance de marché avec un objectif de cours relevé de 30 à 31 EUR. Goldman Sachs maintient sa recommandation neutre avec un objectif de cours relevé de 34 à 35 EUR.
- Air France-KLM : Citigroup maintient sa recommandation d'achat avec un objectif de cours réduit de 12 à 10 EUR.
- Boreo Oyj : Inderes dégrade son conseil de réduction à accumulation avec un objectif de cours réduit de 22 EUR à 20 EUR.
- Continental : DZ Bank AG Research passe de conserver à acheter avec un objectif de cours relevé de 66 EUR à 70 EUR.
- Engie : Jefferies démarre le suivi à l'achat avec un objectif de cours de 19 EUR.
- Eon SE : Bernstein passe de performance de marché à surperformance avec un objectif de cours relevé de 14 EUR à 15 EUR.
- Evotec : Deutsche Bank dégrade de conserver à vendre avec un objectif de cours réduit de 10 EUR à 4 EUR.
- Industrie De Nora : Jefferies dégrade sa recommandation d'achat à conserver avec un objectif de cours de 11 EUR.
- Infineon Technologies : Bernstein maintient sa recommandation de surperformance avec un objectif de cours réduit de 45 à 40 EUR.
- Interpump Group : BNP Paribas Exane maintient sa recommandation neutre avec un objectif de cours réduit de 44 à 39 EUR.
- NN Group : Barclays maintient sa recommandation de surpondérer et relève l'objectif de cours de 47,50 à 51 EUR.
- Northern Data : Baader Helvea démarre le suivi à l'achat avec un objectif de cours de 36 EUR.
- Norwegian Air Shuttle : Sparebank 1 Markets dégrade de neutre à vendre avec un objectif de cours réduit de 12 NOK à 9 NOK.
- Oc Oerlikon Corporation Ag : Bank Vontobel AG maintient sa recommandation de conserver avec un objectif de cours relevé de 5,10 à 5,40 CHF. RBC Capital maintient sa recommandation de performance sectorielle avec un objectif de cours réduit de 4,80 à 4,70 CHF.
- Puma Se : BNP Paribas Exane maintient sa recommandation neutre avec un objectif de cours réduit de 50 à 42 EUR. Barclays maintient sa recommandation de pondération de marché avec un objectif de cours réduit de 48 à 41 EUR. Deutsche Bank maintient sa recommandation d'achat et réduit l'objectif de cours de 67 à 60 EUR. Goldman Sachs maintient sa recommandation d'achat avec un objectif de cours réduit de 70 à 62 EUR. Jefferies reste à conserver avec un objectif de cours réduit de 47 à 40 EUR.
- Salvatore Ferragamo : CICC maintient sa recommandation neutre avec un objectif de cours réduit de 10 à 7 EUR.
- Stellantis : Redburn Atlantic maintient sa recommandation d'achat et réduit l'objectif de cours de 25 à 21 EUR.
- Swiss Prime Site : Bank Vontobel AG passe de conserver à acheter avec un objectif de cours relevé de 94 CHF à 105 CHF.
- Teleperformance : Bernstein maintient sa recommandation de surperformance et relève l'objectif de cours de 200 à 210 EUR.
- Thales : Deutsche Bank maintient sa recommandation d'achat et réduit l'objectif de cours de 180 à 179 EUR.
- TotalEnergies : Zacks maintient sa recommandation neutre avec un objectif de cours réduit de 73 à 68 USD.
- UBS Group : Grupo Santander maintient sa recommandation neutre avec un objectif de cours relevé de 25,53 à 26,15 CHF.
- UCB : ING Bank maintient sa recommandation d'achat avec un objectif de cours relevé de 140 à 180 EUR.
- Vinci : Insight Investment Research LLP maintient sa recommandation de vente avec un objectif de cours réduit de 167 à 159 EUR.
- Wizz Air Holdings : Citigroup maintient sa recommandation de vente avec un objectif de cours réduit de 1900 à 1300 GBX.
En France
Annonces importantes (et moins importantes… Je précise que les informations sont données à chaud avant l'ouverture et ne préjugent pas de la couleur des actions pendant la séance)
- Sanofi publie de nouvelles données porteuses pour Sarclisa.
- Le trafic des navettes de passagers de Getlink a reculé de 2% sur un an en juillet.
- VusionGroup signe un contrat avec l'enseigne américaine Ace Hardware.
- Les principales publications du jour : Catering International Services, Neurones, Archos, Logic Instrument, IT Link, Hexaom… Le reste ici.
Dans le vaste monde
Annonces importantes (et moins importantes)
D'Europe
- Siemens AG dépasse les prévisions du marché grâce à l'électrification et aux logiciels.
- Allianz publié un bénéfice du T2 en hausse de 7,5%, supérieur aux prévisions. L'assureur confirme ses objectifs.
- Sandoz relève ses objectifs 2024.
- Deutsche Telekom annonce un bénéfice en ligne au deuxième trimestre et relève ses perspectives en matière de flux de trésorerie disponible.
- Munich Re affiche une hausse de 41% de son bénéfice net au deuxième trimestre, supérieure aux prévisions.
- Zurich Insurance devrait pouvoir dépasser ses objectifs après un solide S1.
- KBC relève ses prévisions après avoir dépassé les estimations pour le deuxième trimestre.
- Rheinmetall est convaincu d'atteindre "au moins" ses objectifs pour l'ensemble de l'année.
- Outokumpu dépasse ses prévisions de bénéfices de base pour le deuxième trimestre grâce à la normalisation de ses activités.
- Entain revoit à la hausse son chiffre d'affaires annuel et ses prévisions de bénéfices après un solide deuxième trimestre.
- Persimmon est optimiste quant à ses objectifs annuels de construction, dans l'espoir d'une reprise de l'immobilier.
- Deliveroo annonce un bénéfice semestriel et un flux de trésorerie positif.
- Le Fabhalta de Novartis obtient le feu vert de la FDA contre la protéinurie.
- Les principales publications du jour : Siemens AG, Deutsche Telekom, Allianz, Zurich Insurance, Munich Re, KBC Groupe, Rheinmetall, Genmab, Sandoz, Knorr-Bremse…
Des Amériques
- Sociétés qui montent hors séance après leurs trimestriels : Zillow (+11%), Viasat (+8%), Robinhood (+2%)…
- Sociétés qui baissent hors séance après leurs trimestriels : Bumble (-30%), Warner Bros. (-10,5%), Monster Beverage (-8%), McKesson (-8%)…
- Walgreens étudie les possibilités de vente de VillageMD.
- Meta revient sur le marché obligataire et émet 10,5 milliards de dollars de dette.
- Des actionnaires d'Intel intentent une action en justice contre le fabricant de puces après que des réductions d'emplois et de dividendes ont fait plonger l'action en bourse.
- Des passagers de Delta Air Lines poursuivent la compagnie aérienne pour avoir refusé des remboursements après une panne informatique.
- La FAA compte 16 actions en cours concernant Boeing, selon un responsable.
- Les principales publications du jour : Eli Lilly and Company, Gilead Sciences, Brookfield, Petrobras, The Trade Desk, Cheniere Energy, Datadog, Martin Marietta Materials, Take-Two Interactive, Vistra, Restaurant Brands International, News Corporation…
D'Asie Pacifique et d'ailleurs
- Toyota réduit de 5% ses prévisions de production mondiale de véhicules pour 2024, selon le journal Chubu Keizai.
- Shiseido devient la dernière marque de luxe touchée par la crise chinoise, ses actions chutent.
- Un procureur sud-coréen inculpe le fondateur du groupe Kakao pour manipulation d'actions, selon Yonhap.
- Qantas réduit l'indemnité de départ de son ancien PDG à la suite d'un rapport accablant sur la gouvernance.
- Les principales publications du jour : China Mobile, Tokyo Electron, Life Insurance Corporation of India, SMIC…
Le reste de l'agenda mondial des publications ici.
Lectures
- Où les riches Britanniques et Français pourraient-ils aller pour échapper à des impôts plus élevés ? (Bloomberg, en anglais).
- Ponts, routes, train : le krach climatique (L'Opinion).
- Tensions entre le Club Med et son propriétaire chinois (Le Monde).
- La montée du techno-colonialisme (Project Syndicate, en anglais).
- Tim Walz n'a pas d'actions (Bloomberg, en anglais).
- Quand la France vend ses "bijoux de famille" à l'étranger pour financer ses besoins courants (Le Figaro).
- Les tongs, un succès mondial (The Conversation).
- Le laboratoire texan qui a craqué des centaines de cold cases (Texas Monthly, en anglais).