(Actualisé avec nouveau point sur la situation à la tombée de la nuit)

par Marius Zaharia et Julie Zhu

HONG KONG, 17 août (Reuters) - Plusieurs milliers de partisans de la contestation antigouvernementale ont manifesté sous la pluie samedi à Hong Kong à l'entame d'un week-end sous tension, des militants redoutant une intensification de la réaction policière.

Les événements se sont déroulés dans le calme dans la journée, mais la situation s'est tendue à la tombée de la nuit. Des barricades ont été érigées près d'un commissariat de police de Mong Kok, sur la péninsule de Kowloon, tandis que des policiers en tenue anti-émeutes se déployaient dans les rues de ce quartier populaire et commerçant.

Après l'escalade de ces derniers jours, notamment marqués par l'occupation de l'aéroport international du territoire semi-autonome et la démonstration de force de la police chinoise de l'autre côté de la frontière, à Shenzhen, les manifestations du week-end auront valeur de test pour la poursuite du mouvement.

Les manifestants disent lutter contre l'érosion du principe "un pays, deux systèmes" qui, depuis la rétrocession de 1997, marque la souveraineté chinoise sur l'ex-colonie britannique tout en garantissant le maintien d'un certain niveau d'autonomie à Hong Kong et en y préservant les libertés individuelles.

Une première manifestation regroupant des enseignants, autorisé par la police, s'est déroulée dans le calme. Après s'être retrouvés à Central, le quartier des affaires, ils ont marché en direction de Government House, siège de l'exécutif local, en scandant "La police de Hong Kong connaît la loi, la police de Hong Kong viole la loi".

"Si Carrie (Lam, la cheffe de l'exécutif local) avait daigné répondre à nos revendications dès le début, personne n'aurait été blessé", commentait Lee, un instituteur à la retraite, rencontré dans le cortège.

La police a estimé que 8.300 enseignants ont répondu à l'appel à manifester pour ce samedi.

"Le gouvernement nous ignore depuis des mois. Nous devons continuer de manifester", a dit C.S. Chan, professeur de mathématiques.

"LES TENSIONS S'ACCUMULENT"

Des manifestants antigouvernementaux se sont aussi regroupés sur la péninsule de Kowloon, où des magasins ont tiré le rideau par crainte de débordements et de violences.

Simultanément, sur l'île de Hong Kong, sur l'autre rive de Victoria Harbour, des sympathisants du pouvoir et de la police se sont regroupés, agitant des drapeaux chinois. Ils étaient 300.000 selon les organisateurs, 108.000 selon la police.

Le temps fort du week-end sera la manifestation prévue ce dimanche par le Front civique des droits de l'homme, à l'origine des marées humaines qui ont déferlé au mois de juin pour rejeter un projet de loi d'extradition vers la Chine puis exiger la démission de Carrie Lam.

"Nous sentons tous que les tensions s'accumulent et que le niveau de stress s'accroît", constatait Pun, 22 ans, rencontré cette semaine lors d'un sit-in à l'aéroport international Chek Lap Kok, où le trafic a été très perturbé en début de semaine.

"Je sais qu'on ne peut pas combattre la violence par la violence, mais l'agression est parfois nécessaire pour attirer l'attention du gouvernement", ajoutait-il. "J'ai jeté des pierres, mais j'ai aussi été matraqué par la police. Nous nous habituons tous lentement à cela."

A Pékin, le ton est monté ces derniers jours, et les autorités chinoises comparent désormais les manifestations de plus en plus violentes à des actes de terrorisme.

Les troupes paramilitaires chinoises de la Police armée du peuple (PAP) se sont par ailleurs entraînées cette semaine à Shenzhen, place financière de la province du Guangdong (Canton), située à la frontière de Hong Kong, des manoeuvres très médiatisées interprétées comme une mise en garde aux manifestants.

"Le rassemblement de la Police armée du peuple à Shenzhen a adressé une mise en garde très claire aux émeutiers de Hong Kong", a écrit vendredi l'éditorialiste du Global Times, journal tabloïd appartenant au Quotidien du Peuple, l'organe de presse du Parti communiste chinois.

PAS DE RÉPÉTITION DE "L'INCIDENT POLITIQUE DU 4 JUIN 1989",

DIT LE GLOBAL TIMES

Le Global Times, dans une rare allusion à la sanglante répression du mouvement démocratique de la place Tiananmen à Pékin, il y a trente ans, ajoute que les événements à Hong Kong "ne seront pas une répétition de l'incident politique du 4 juin 1989".

"Washington ne sera pas en mesure d'intimider la Chine en se servant des troubles d'il y a trente ans. La Chine est beaucoup plus forte et plus mûre, et sa capacité à gérer des situations complexes a fortement progressé", poursuit-il.

Le conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump, John Bolton, a mis en garde cette semaine les autorités chinoises: reproduire à Hong Kong ce qui s'est passé à Tiananmen serait une "grave erreur", a-t-il dit mercredi.

La police de Hong Kong a répété vendredi qu'elle était capable de maintenir seule l'ordre public.

Près de 750 personnes ont été arrêtées depuis le début des manifestations, en juin. Certains manifestants sont poursuivis pour avoir participé à des émeutes; ils sont passibles d'une peine de dix ans de prison. La police a fréquemment recours au gaz lacrymogènes, parfois dans des endroits confinés. (Henri-Pierre André pour le service français)