par Sudip Kar-Gupta et Gwénaëlle Barzic

L'utilisation accrue des smartphones pour effectuer des paiements en ligne a renforcé la compétition et ouvert le marché à de nouveaux acteurs comme les géants du numérique, qui livrent bataille avec les SSII et les banques pour capter la manne des données des consommateurs.

Le rachat d'Ingenico par Worldline, ancienne filiale d'Atos, intervient après une série de rapprochements l'an dernier aux Etats-Unis où les deux leaders du secteur ont conforté leurs positions.

Fidelity National Information Services (FIS) a racheté Worldpay pour 35 milliards de dollars (31,6 milliards d'euros) et Fiserv Inc a fait l'acquisition de First Data Corp pour 22 milliards.

"Tout ceci augure de la poursuite d’une consolidation. C’est un marché qui a des logiques industrielles très puissantes avec des effets d’économies d’échelle qui poussent à la consolidation", a expliqué le PDG de Worldline Gilles Grapinet lors d'une conférence téléphonique avec des journalistes.

Les actionnaires d'Ingenico recevront 11 actions Worldline et 160,50 euros en numéraire contre 7 actions Ingenico.

L'offre approuvée à l'unanimité des deux conseils d'administration représente une prime de 24% sur les cours moyens pondérés par les volumes du dernier mois.

Elle valorise Ingenico à 7,8 milliards d'euros et sera immédiatement positive pour le bénéfice par action avec environ 250 millions d'euros de synergies attendues par an d'ici 2024.

A la Bourse de Paris, l'action Ingenico flambait de 15,35% en milieu d'après-midi tandis que celle de Worldline était étale après avoir évolué en territoire négatif.

250 MILLIONS D'EUROS DE SYNERGIES

Certains investisseurs jugent excessive la prime offerte par Worldline, qui est de 16% si l'on compare l'offre de rachat à la capitalisation boursière d'Ingenico au cours de clôture de vendredi, soit 6,7 milliards d'euros.

A l'issue de l'opération, les actionnaires de Worldline détiendront 65% et ceux d'Ingenico 35% du groupe combiné.

L'offre reste soumise au feu vert des autorités de régulation. Worldline, qui a déjà racheté en 2018 le groupe suisse Six Payment Services pour 2,3 milliards d'euros, compte boucler "rapidement" ce nouveau rapprochement dans le courant du troisième trimestre, a déclaré son PDG.

Gilles Grapinet, l'actuel PDG de Worldline, deviendra directeur général du nouvel ensemble et Bernard Bourigeaud, président non-exécutif du conseil d'administration d'Ingenico, en deviendra le président non-exécutif.

En cumulé, Worldline et Ingenico ont réalisé l'an dernier un chiffre d'affaires de 5,3 milliards d'euros et dégagé un excédent brut opérationnel de 1,2 milliard d'euros.

Worldline compte profiter de la forte présence d'Ingenico dans les secteurs du voyage, de la santé et de la distribution tout en renforçant son implantation géographique.

"Cette fusion est une bonne idée car au lieu de se faire concurrence dans le même espace, l'entité combinée pourra se concentrer sur de plus gros poissons", estime Marcus Bullus, de MG Capital.

Selon les recherches du cabinet McKinsey, le secteur devrait, à l'horizon 2023, traiter un volume global de paiements de l'ordre de 3.000 milliards de dollars par an à mesure que les consommateurs de plus en plus nombreux abandonneront l'argent liquide pour les cartes de paiement ou les paiements en ligne.

REVUE STRATÉGIQUE POUR L'ACTIVITÉ TERMINAUX DE PAIEMENT

Ingenico est depuis longtemps une cible. Selon des sources contactées par Reuters, Edenred et la banque Natixis ont un moment été intéressés par la société.

L'offre de rachat de Worldline a été approuvée par les actionnaires de référence des deux groupes: Atos et SIX pour Worldline et Bpifrance pour Ingenico.

La banque publique d'investissement s’est engagée à apporter ses titres Ingenico à l’offre publique de Worldline et compte se renforcer pour atteindre une participation aux environs de celle qu'elle détient aujourd'hui dans Ingenico (5,2%).

Worldline et Ingenico ont indiqué qu'il était trop tôt pour déterminer l'impact potentiel de l'opération sur les effectifs.

Une autre interrogation porte sur le devenir de la division terminaux de paiements (B&A) d'Ingenico qui fera l'objet d'une revue stratégique "approfondie".

"Ce n’est pas nécessairement une activité qui a vocation à rester dans le giron de l’entité combinée", a déclaré une source bancaire, ajoutant que plusieurs scénarios, dont celui d'une vente, pourraient être étudiés.

(Avec Jean-Stéphane Brosse, édité par Bertrand Boucey et Jean-Michel Bélot)

par Sudip Kar-Gupta et Gwénaëlle Barzic