Depuis la guerre commerciale initiée par Donald Trump, une certaine nervosité règne en Asie du Sud-Est. Pékin cherche à s’y repositionner comme un acteur stable et fiable, à la fois pour contenir l’influence occidentale et pour préserver ses intérêts économiques dans une région stratégique.

Dans ce contexte, Xi Jinping veut rassurer ses voisins et consolider des alliances déjà bien ancrées. Cette tournée vise aussi à montrer que la Chine demeure un partenaire incontournable pour le développement régional.

Le programme : accords économiques et messages politiques

Au Vietnam, Pékin a signé 45 accords dans des secteurs clés ce lundi : agriculture, numérique, énergies vertes, transports... Les discussions ne seront toutefois pas platoniques car la visite intervient quelques jours après une taxe antidumping sur l’acier chinois effective mercredi.

En Malaisie,  les échanges porteront surtout sur le commerce et les infrastructures.

Au Cambodge, allié fidèle de Pékin, la modernisation d’une base navale figure à l’ordre du jour. Une manière pour la Chine d’affirmer sa présence militaire dans la région.

Des partenaires économiques stratégiques

L’enjeu économique est central. Les pays de l’ASEAN (Association des nations de l’Asie du Sud-Est) sont désormais les premiers clients des exportations chinoises. En 2024, ils ont importé pour 586,5 milliards de dollars de biens chinois. Le Vietnam arrive en tête avec 161,9 milliards, suivi de la Malaisie avec 101,5 milliards.

Alors que les croissances à deux chiffres des années 2000 étaient marquées par l’essor exponentiel des exportations chinoises vers l’occident. Pékin, afin de passer un autre cap de sa croissance, mise désormais sur sa demande intérieure et évidemment la demande régionale.  En consolidant les liens avec ses voisins, la Chine espère à la fois stabiliser ses débouchés économiques et étendre son influence politique.

Les voisins du sud avaient déjà été un acteur clé lors de la première guerre commerciale. L’augmentation des exportations des pays de l’ASEAN vers l’ouest est intimement liée à celle des exportations chinoises vers ces mêmes pays. La Chine a beaucoup sollicité ces pays essentiellement pour de l’assemblage de produits finis ou même du packaging. On parlait déjà d’intégration régionale plus que de délocalisation à l’époque. Les salaires et coûts de production augmentent rapidement en Chine, et on pourrait voir dans le futur un processus de délocalisation encore plus marqué. Depuis 2010, les droits de douane dans cette zone ont drastiquement diminué, passant de 13% en moyenne à presque 0%. 

Ce qui a permis à la Chine de creuser un excédent commercial avec les américains en dépit des augmentations douanières ces dernières années (10-20% à l’époque, on savait rire). 

Une région convoitée, mais méfiante

L’Asie du Sud-Est est devenue un épicentre de la mondialisation, avec des ressources précieuses (pétrole, minerais) et des détroits stratégiques (Malacca, Formose) au cœur du commerce maritime mondial. Pékin cherche donc à s’y imposer. Mais ses ambitions suscitent des réticences, notamment de la part du Japon et de l’Inde.

Ces derniers ont multiplié les contre-feux. L’Alliance du Quad, qui réunit les États-Unis, l’Inde, le Japon et l’Australie, illustre cette volonté de contenir l’influence chinoise dans l’Indo-Pacifique. Certains pays, comme le Japon ou la Corée du Sud, ont déjà réduit les volumes d’échanges commerciaux avec Pékin depuis plusieurs années. Hors de question pour la Chine que les pays de l’ASEAN imitent leurs stratégies pour sortir d’une dépendance économique.

La Chine, elle, veut à tout prix éviter d’être perçue comme une puissance hostile. Sa diplomatie cherche désormais à rassurer, sans renoncer à ses ambitions.

Des tensions toujours présentes et une influence à défendre 

La tournée de Xi Jinping intervient alors que les tensions régionales s’intensifient : frictions en mer de Chine méridionale, exercices militaires et pressions sur Taïwan, conflits en Birmanie, renforcement de la présence militaire américaine aux Philippines et en Thaïlande...

Dans ce climat instable, les divergences religieuses, géographiques et politiques entravent toute coopération approfondie. Mais les intérêts économiques devraient pousser à des compromis.