SHANGHAI/HONG KONG (Reuters/IFR) - Le fabricant chinois de smartphones Xiaomi a décidé de reporter son offre publique de vente en Chine continentale jusqu'après sa cotation à Hong Kong, ce qui fait baisser sa valeur à quelque 55-70 milliards de dollars (47-60 milliards d'euros), a-t-on appris auprès de trois sources au fait du dossier.

Selon les sources, le report est dû à un désaccord entre Xiaomi et les autorités de tutelle sur la valorisation de ses certificats de dépôt chinois (CDR), alors même que Pékin ne ménage pas ses efforts pour attirer à Shanghai et Shenzhen les géants technologiques chinois cotés à l'étranger.

Les CDR sont des titres qui permettent à des entreprises chinoises domiciliées hors de Chine continentale de déposer dans le même temps une demande de cotation locale.

Xiaomi évoque une marge de 55-70 milliards de dollars dans ses discussions avec des investisseurs avant le lancement de son offre publique de vente (IPO) à Hong Kong cette semaine, ont dit les sources.

La nouvelle valorisation évoquée est bien inférieure aux plus de 100 milliards de dollars qui avaient filtré précédemment et inférieure aussi au plancher de 70 milliards que le groupe et ses conseillers avaient mentionné dernièrement dans leurs échanges avec les investisseurs institutionnels.

Le groupe a confirmé avoir demandé au régulateur boursier chinois de reporter sa demande d'émission de CDR, sans en préciser les raisons. "Nous ferons la cotation à Hong Kong d'abord, avant une cotation sur le continent via des CDR", a-t-il indiqué dans un message posté sur son compte Weibo.

Xiaomi, basé à Pékin mais domicilié aux îles Caïmans, comptait lever jusqu'à 10 milliards de dollars à l'occasion de sa double introduction en Bourse qui devait être l'une des plus importantes IPO dans le secteur technologique ces dernières années. Selon deux sources, il souhaitait céder 10% de son capital élargi lors de l'IPO de Hong Kong.

Le report de la vente des certificats de dépôt est un revers pour les autorités chinoises, qui misent sur les CDR pour faire revenir les grands groupes technologiques cotés à l'étranger.

Le géant du commerce électronique Alibaba, son rival JD.com et le moteur de recherche Baidu passent pour envisager une double cotation avec des CDR.

Dans le cas de Xiaomi, le régulateur demandait une valorisation plus basse que celle souhaitée par le groupe afin d'assurer le succès de l'émission sur le marché secondaire.

Xiaomi de son côté insistait sur un prix élevé pour susciter l'intérêt des investisseurs à Hong Kong avec son IPO prévue juste après sur ce territoire.

Les CDR devaient représenter jusqu'à 50% de l'IPO globale de Xiaomi, a indiqué le groupe la semaine dernière.

L'entreprise créée en 2010 a doublé ses ventes de smartphones l'an dernier, en dépit d'un fléchissement du marché, pour se hisser au quatrième rang mondial du secteur, d'après le cabinet d'études Counterpoint Research.

Son introduction en Bourse intervient dans un contexte de conditions de marché difficiles. L'indice CSI 300 des valeurs vedettes chinoises a cédé 4,3% ce mois-ci et 10,9% depuis le début de l'année, sur fond de tensions commerciales entre Pékin et Washington.

"La Bourse chinoise est si fragile", commente David Dai, directeur du fonds spéculatif Shanghai Wisdom Investment. "Je crois que Xiaomi s'inquiète pour sa valorisation et voudrait une cotation en Chine à un moment plus propice."

Xiaomi devrait en revanche mener à bien l'IPO de Hong Kong, qui débutera cette semaine et dont le montant exact reste à déterminer, selon les sources.

(Julie Zhu à Hong Kong, Fiano Lau chez IFR, avec Adam Jourdan et Samuel Shen à Shanghai, Véronique Tison pour le service français)

par Julie Zhu et Fiona Lau