FRANCFORT, 8 juin (Reuters) - Les salaires de la zone euro augmentent mais certaines hausses pourraient être éphémères, les employeurs choisissant d'accorder des primes ponctuelles plutôt que des augmentations permanentes, dans un contexte de perspectives incertaines pour la croissance et l'inflation.

Cette tendance, frustrante pour les salariés confrontés à une érosion rapide de leur pouvoir d'achat face à une forte inflation - plus de 8% de hausse des prix en rythme annuel pour le mois de mai -, devrait en revanche rassurer la Banque centrale européenne qui redoute la formation d'une spirale prix/salaires difficile à enrayer.

Les renégociations entre employeurs et salariés ont entraîné une hausse des salaires de 2,8% au premier trimestre dans les dix-neuf pays de la zone euro, leur rythme le plus rapide depuis le début 2009, portée par une augmentation de 4% en Allemagne, la première économie du bloc.

Toutefois, si l'on exclut les primes et autres paiements ponctuels, la hausse allemande ne ressort qu'à 2% environ, ce qui laisse penser que les entreprises ont relevé les salaires de manière limitée. Une tendance que l'on retrouve en Italie, en France ou aux Pays-Bas.

"Lors des prochaines négociations salariales, l'incertitude quant à l'évolution de l'économie et les inquiétudes concernant d'éventuelles pertes d'emplois pourraient freiner les augmentations de salaires", a estimé la Bundesbank.

La BCE soutient depuis longtemps qu'une croissance des salaires de 2 à 3% est compatible avec un taux d'inflation de 2%, son objectif à moyen terme.

Rares sont ceux qui prédisent que les salaires vont augmenter bien au-delà de cette fourchette, mais l'inflation persistante pourrait finir par donner aux syndicats le pouvoir d'exiger des salaires plus élevés.

"Nous prévoyons de nouvelles augmentations au cours des prochains trimestres, mais pas suffisamment pour compenser l'inflation, ce qui entraînerait une croissance des salaires réels fortement négative", juge la banque Morgan Stanley.

"L'accélération de la croissance des salaires nominaux devrait néanmoins soutenir l'inflation sous-jacente à plus long terme, et faire des services le principal moteur de nos prévisions pour 2023." (Reportage Balazs Koranyi à Francfort, Leigh Thomas et Caroline Pailliez à Paris, Francesco Zecchini et Gavin Jones à Rome, Toby Sterling à Amsterdam et Belen Carreno à Madrid ; version française Augustin Turpin, édité par Jean-Stéphane BRosse)