Le président français Emmanuel Macron a chargé lundi son Premier ministre sortant, qui avait présenté sa démission plus tôt dans la journée, de mener des discussions de la dernière chance avec les autres partis politiques afin de tenter de trouver une issue à la crise.
Sebastien Lecornu avait remis la démission de son gouvernement seulement quelques heures après avoir annoncé la composition de son cabinet, faisant de cette équipe l'exécutif le plus éphémère de l'histoire moderne de la France et aggravant la crise politique du pays.
On ignorait dans l'immédiat la teneur exacte de la mission confiée à Lecornu. La Constitution française permet à Emmanuel Macron de le reconduire au poste de Premier ministre, s'il le souhaite.
Le chef de l'État a donné 48 heures à Lecornu, qui doit rencontrer les partis politiques mardi matin.
« Le président de la République a confié à M. Sébastien Lecornu, Premier ministre sortant chargé des affaires courantes, la responsabilité de conduire d'ici mercredi soir des négociations finales pour définir une plateforme d'action et de stabilité pour le pays », a indiqué l'Élysée dans un communiqué.
PARLEMENT FRAGMENTÉ
Lecornu a déclaré avoir accepté la demande du président. L'annonce surprise de sa démission a provoqué une forte baisse des marchés boursiers et de l'euro.
Les options de Macron se réduisent. Il pourrait nommer un nouveau Premier ministre. Une personnalité issue de son propre camp semble peu probable, et jusqu'à présent, il s'est refusé à choisir un responsable de gauche, car la gauche souhaite remettre en cause sa réforme des retraites âprement acquise et taxer les plus riches, tandis que ses Premiers ministres plus à droite n'ont pas réussi à rassembler une majorité large.
Il pourrait également décider de dissoudre l'Assemblée nationale et de convoquer des élections anticipées, ou encore démissionner.
Ces derniers mois, alors que son mandat court jusqu'en mai 2027, Macron a à plusieurs reprises écarté l'idée de démissionner ou de convoquer des élections, alors que la France s'enfonce dans la crise, la dernière en date portant sur la recherche d'une majorité pour le budget 2026.
DES ÉLECTIONS ANTICIPÉES EN VUE ?
Lecornu a démissionné après que ses alliés comme ses adversaires ont immédiatement menacé de faire tomber son nouveau gouvernement.
Les partis d'extrême droite et de la gauche radicale ont aussitôt mis la pression sur Macron, l'exhortant à organiser de nouvelles élections législatives anticipées ou à démissionner.
« Cette plaisanterie a assez duré, la farce doit cesser », a lancé Marine Le Pen, cheffe du Rassemblement National.
Mathilde Panot, de La France insoumise, a déclaré : « Le compte à rebours a commencé. Macron doit partir. »
Cependant, les socialistes ont exprimé leur préférence pour éviter une dissolution de l'Assemblée ou une démission présidentielle, et souhaitent plutôt que Macron nomme un Premier ministre de gauche.
LA NOUVELLE COMPOSITION DU GOUVERNEMENT IRRITE L'OPPOSITION
Dans les rues de Paris, beaucoup se disent choqués par l'aggravation de l'instabilité.
« Je n'ai jamais vu ça », confie Gérard Duseteu, retraité de 79 ans. « J'ai presque honte, même, d'être français. »
Certains jugent que de nouvelles élections semblent être la seule issue. « On ne peut pas continuer comme ça », estime Marius Loyer, étudiant en sciences politiques de 20 ans.
Selon un sondage Elabe pour BFM TV publié lundi, trois quarts des Français estiment que Lecornu a eu raison de démissionner, tandis que près de la moitié tiennent Macron pour responsable des turbulences traversées par la France.
Une majorité relative considère que la dissolution de l'Assemblée ou la démission de Macron pourraient débloquer la situation.
Deux autres sondages réalisés le mois dernier montrent qu'en cas d'élections législatives anticipées, le RN serait le principal bloc dans une Assemblée nationale toujours divisée en trois groupes, sans majorité absolue.
LA BOURSE DE PARIS ET L'EURO EN BAISSE
Le CAC 40, principal indice parisien, a chuté de plus de 1,3 % lundi, affichant la plus mauvaise performance des places européennes. L'euro, qui a résisté à une grande partie des turbulences politiques françaises ces douze derniers mois, a reculé de 0,2 % sur la journée, à 1,172 dollar.
Les deux prédécesseurs de Lecornu ont été renversés par le Parlement alors qu'ils tentaient de maîtriser les dépenses publiques, dans un contexte de surveillance accrue des agences de notation et des investisseurs.
La dette de la France s'élève à 113,9 % du produit intérieur brut, tandis que le déficit était l'an dernier près du double de la limite des 3 % fixée par l'Union européenne.
LA PLUS GRANDE CRISE DE L'HISTOIRE POLITIQUE MODERNE DE LA FRANCE
La France a rarement connu une crise politique aussi profonde depuis la création de la Ve République en 1958, le système institutionnel actuel.
La Constitution de 1958 avait été conçue pour garantir la stabilité du pouvoir en dotant le président d'importantes prérogatives et d'une majorité parlementaire solide.
Mais Emmanuel Macron - qui a bouleversé le paysage politique en 2017 - se retrouve aujourd'hui confronté à un Parlement fragmenté.
La France n'a pas l'habitude de bâtir des coalitions et de rechercher le consensus.



















