Le secrétaire à la Santé des États-Unis, Robert F. Kennedy Jr., pourrait offrir au gouvernement Trump un succès politique en quelques mois seulement, après que la Food and Drug Administration (FDA) a sollicité l'aide de GSK pour accélérer l'approbation d'un médicament utilisé depuis des décennies dans le traitement d'un trouble lié à l'autisme.

La décision inhabituelle de la FDA lui permettra d'éviter une longue procédure de mise à jour de l'étiquetage des versions génériques du médicament, la leucovorine, ou de nouveaux essais cliniques, une tactique qui suscite des interrogations chez les universitaires, juristes et médecins.

Un porte-parole de GSK a indiqué à Reuters que le groupe prévoyait de finaliser la demande d'utilisation élargie pour la version de marque de la leucovorine « aussi rapidement que possible ».

Une fois ce travail effectué par le laboratoire britannique, la FDA devrait normalement prendre environ quatre à six mois pour traiter la demande, voire moins, selon Giuseppe Randazzo de l'Association for Accessible Medicines, un groupe de pression du secteur des médicaments génériques.

Ce processus accéléré offrira aux médecins une justification supplémentaire pour prescrire le médicament dans le cadre de la déficience cérébrale en folate, un trouble métabolique pouvant entraîner divers symptômes neurologiques, dont certains associés à l'autisme. Cette mesure concrétise la promesse faite par Kennedy au président Donald Trump et au mouvement « Make America Healthy Again », auquel il est affilié.

En l'absence de preuves solides, ce changement d'étiquetage ne serait qu'une victoire bureaucratique creuse, estime Ameet Sarpatwari, chercheur en politique pharmaceutique à la Harvard Medical School.

Cependant, ce médicament, utilisé pour atténuer les effets toxiques de certains traitements contre le cancer et vendu 34,14 $ pour une boîte de 30 comprimés à forte dose chez Cost Plus Drugs, aurait plus de chances d'être pris en charge par les assurances pour cette indication après la modification de l'étiquette.

Un porte-parole du HHS a déclaré que les preuves soutiennent clairement la capacité de la leucovorine à traiter les causes de la déficience cérébrale en folate et à améliorer les résultats pour les patients.

LA DEMANDE EXPLOSE APRÈS LA PROMOTION PAR TRUMP

La demande pour ce médicament a augmenté, d'abord après un reportage de CBS en février sur son utilisation chez un garçon de cinq ans non verbal, puis plus récemment après que Donald Trump a promu son usage.

« Mes infirmières me disent que le téléphone n'arrête pas de sonner », rapporte le Dr Larry Gray, expert en pédiatrie du développement et du comportement, qui suit des patients autistes au Lurie Children's Hospital de Chicago.

Parce que le traitement n'est pas approuvé pour l'autisme, la politique de l'établissement est de ne l'offrir que dans le cadre d'essais cliniques, qui restent rares. Le médicament est toutefois approuvé par la FDA, ce qui permet aux médecins de le prescrire hors indication.

Kennedy a qualifié la hausse des cas d'autisme aux États-Unis -- estimée désormais à 1 enfant sur 31 à l'âge de 8 ans -- d'épidémie, et s'est engagé à en découvrir les causes et à proposer des traitements d'ici septembre.

Lors d'un événement à la Maison Blanche le 22 septembre, Kennedy, Trump et d'autres responsables de la santé ont soutenu la leucovorine comme traitement de l'autisme. Ils ont également mis en garde contre l'utilisation du paracétamol (Tylenol) chez les femmes enceintes, évoquant des études suggérant un lien avec l'autisme. Des experts et groupes médicaux ont qualifié cet avertissement de dangereux et non fondé scientifiquement.

UN RECOURS À UNE RÈGLE MÉCONNUE

La FDA a pu accélérer la procédure en utilisant une règle peu connue pour réactiver la demande d'approbation de GSK et exiger une mise à jour de l'étiquetage ajoutant la déficience cérébrale en folate, sur la base de sa propre analyse de 40 cas patients recensés dans la littérature entre 2009 et 2024.

GSK commercialisait le médicament sous le nom Wellcovorin jusqu'en 1997. Une version générique, également appelée acide folinique, une forme de folate ou vitamine B9, est aujourd'hui produite par Hikma, une société britannique.

Une fois la demande de GSK approuvée, la loi américaine impose aux fabricants de génériques d'aligner leur étiquetage sur cette modification.

Le processus classique de mise à jour de l'étiquetage pour les génériques, qui implique une consultation avec les fabricants génériques, prend généralement jusqu'à un an et demi, selon Rachel Turow, avocate chez Skadden. Ce processus est habituellement réservé aux médicaments contre le cancer après que de nouveaux usages ont été prouvés lors d'essais cliniques, précisent plusieurs juristes.

Aaron Kesselheim, professeur de médecine à la Harvard Medical School, juge la procédure « très atypique » et estime qu'en l'absence de partage des données ou d'essais par la FDA, il est difficile de savoir si l'agence respecte les standards habituels de preuve.

DES PREUVES LIMITÉES

Le Dr Andy Shih, directeur scientifique de l'organisation de défense Autism Speaks, souligne que les preuves de l'efficacité de la leucovorine sont limitées, mais pourraient suggérer un bénéfice pour un sous-groupe restreint d'enfants autistes. Des essais de plus grande ampleur sont nécessaires, dit-il.

Les données reposent sur quatre études, impliquant chacune 50 à 60 patients, dont trois réalisées par le même auteur, selon le Dr Karam Radwan, directeur du programme sur les troubles neurodéveloppementaux à l'Université de Chicago, qui utilise ce médicament dans sa pratique.

« Il faudrait reproduire ces résultats dans un autre laboratoire, dans un contexte différent, pour garantir un soutien suffisant à ce changement », estime-t-il.

Trois essais de phase intermédiaire sont en cours pour étudier une nouvelle version liquide de la leucovorine en tant que traitement des troubles précoces du langage chez les enfants autistes, selon le site officiel des essais cliniques. Les premières données sont attendues vers décembre.

Les essais sont menés par un chercheur spécialiste de l'autisme, en partenariat avec les National Institutes of Health, le Département de la Défense et Autism Speaks, et impliquent jusqu'à 80 enfants chacun.

Des essais de plus grande envergure et plus concluants prendraient des années. L'approche de la FDA ne requiert pas de nouveaux essais.

« Ce changement devrait reposer sur des preuves scientifiques, et jusqu'à présent, les études à l'appui de cette utilisation ne sont pas suffisamment robustes », conclut Radwan.