Du lancement de nouveaux produits et services au Japon à la facilitation des opérations de trading à effet de levier, les plateformes d'échange de cryptomonnaies et certains groupes financiers se précipitent pour profiter de l'enthousiasme croissant des investisseurs pour les actifs numériques, nourri par l'espoir d'un assouplissement des réglementations.
Cette récente effervescence témoigne d'un appétit accru pour les investissements risqués au Japon, alors que l'inflation dépasse la croissance des salaires et éclipse la méfiance envers les cryptomonnaies, née des graves failles de sécurité survenues sur des plateformes d'échange en 2014 et 2018.
Les avoirs en cryptomonnaies détenus par les investisseurs japonais ont dépassé un record de 5 000 milliards de yens (33,16 milliards de dollars) fin juillet, soit une hausse de 25 % en un mois seulement. Sur la même période, le prix du bitcoin - principal actif détenu - n'a augmenté que de 15 % en yens.
Depuis, ces avoirs ont légèrement reculé à 4 900 milliards de yens à fin septembre.
Les acteurs du secteur se positionnent désormais pour une accélération de la croissance. Les changements réglementaires en discussion pourraient attirer encore plus d'investisseurs particuliers en réduisant potentiellement la fiscalité sur les plus-values de cryptomonnaies et en assouplissant les restrictions sur les opérations à effet de levier et la titrisation d'actifs.
« UNE OPPORTUNITÉ CONSIDÉRABLE »
« Il y a environ trois fois plus de personnes disposant d'un compte titres que d'un compte crypto, donc il reste une opportunité considérable », estime Satoshi Hasuo, directeur général et représentant de la plateforme d'échange Coincheck.
« La prochaine étape sera de réfléchir à la manière de convaincre ces personnes », ajoute Hasuo.
CJ Fong, directeur général Asie-Pacifique du teneur de marché crypto GSR, indique que son entreprise a également multiplié cette année les discussions avec des plateformes japonaises et des institutions financières, principalement pour fournir davantage de liquidités sur un large éventail d'actifs numériques.
Ce regain d'activité illustre la façon dont le Japon se réaffirme comme un marché majeur de la cryptomonnaie, alors que les acteurs du secteur capitalisent sur l'élan mondial impulsé sous la présidence américaine de Donald Trump.
« L'administration Trump a incité le gouvernement et les régulateurs japonais à adopter une approche plus favorable à la cryptomonnaie, afin que le Japon ne prenne pas de retard », explique Noriyuki Hirosue, PDG de la plateforme Bitbank.
Selon un rapport de la plateforme de données Chainalysis, le Japon s'est classé 19e parmi les 20 premiers pays pour l'adoption des cryptomonnaies dans le monde cette année.
NOUVEAUX PRODUITS ET NOUVEAUX ENTRANTS
Les plateformes établies développent de nouveaux produits et services en prévision de changements réglementaires qui aligneraient la fiscalité des plus-values sur actifs numériques sur celle des titres financiers, et autoriseraient l'investissement crypto via des produits comme les ETF ou des dispositifs d'investissement défiscalisés.
L'Agence japonaise des services financiers affine actuellement ces réformes, qui seront ensuite débattues au Parlement et, si elles sont adoptées, pourraient entrer en vigueur en 2026 ou 2027.
Une réforme similaire de la fiscalité sur le trading de devises étrangères en 2012 avait déclenché un boom, avec des volumes d'échanges multipliés par dix en dix ans, rappelle Noriyuki Hirosue de Bitbank.
« Je pense que cela pourrait considérablement élargir le marché », ajoute-t-il.
En août, Coincheck a annoncé un partenariat avec la branche crypto-actifs de la place de marché en ligne Mercari afin de proposer une gamme élargie d'actifs à la clientèle, plus occasionnelle, de Mercari.
Mercari a introduit des fonctionnalités de trading crypto simples pour ses acheteurs et vendeurs en mars 2023 et a atteint 3,4 millions de comptes crypto en juillet 2025, soit plus d'un quart du total japonais de 13,2 millions de comptes.
Sa croissance rapide a permis de démocratiser le trading crypto auprès d'un public beaucoup plus large, estiment les professionnels du secteur.
SBI VC Trade envisage de « renforcer ses services de trading à effet de levier » dans la perspective d'un relèvement du ratio de levier, actuellement limité à deux fois, qui pourrait passer à environ 5 à 10 fois, selon Tomohiko Kondo, directeur général et président.
La société, branche crypto du conglomérat SBI Holdings, prévoit également de proposer des services de prêt en stablecoin USDC et étudie le lancement de produits ETF crypto, précise Kondo.
Le régulateur financier japonais envisage par ailleurs d'autoriser les membres de groupes bancaires à lancer des services de trading de cryptomonnaies, dans une volonté d'élargir l'accès au marché et de stimuler la concurrence, rapportait le Nikkei en octobre.
À LA RECHERCHE DE RENDEMENTS ÉLEVÉS
Le boom du trading crypto au Japon intervient alors que les investisseurs particuliers recherchent des rendements plus élevés et se détournent d'actifs faiblement rémunérateurs comme les obligations d'État ou les prêts bancaires.
« Plus de 90 % de mes actifs sont en cryptomonnaie. Diversifier son portefeuille n'a de sens que lorsqu'on dispose déjà d'une somme importante », explique Umi Soyama, 27 ans, employée d'une agence de publicité à Tokyo et investisseuse crypto depuis deux ans environ.
« J'aime prendre des risques de temps à autre. Si j'accumule suffisamment d'actifs, je diversifierai vers les actions, obligations et l'or », confie Soyama.
D'autres investisseurs ont réagi à la promotion des cryptomonnaies par Donald Trump. Le mois de son élection, SBI VC Trade a vu le nombre d'ouvertures de comptes multiplié par cinq par rapport à la normale.
Cependant, la forte volatilité des actifs crypto représente un risque pour les nouveaux investisseurs.
« Cela peut monter, descendre. Il faut comprendre ce type de mouvement et, si l'on souhaite investir, il s'agit d'un placement alternatif, pas du coeur du portefeuille », prévient Motonobu Matsuo, directeur général de la Japan Securities Dealers Association.
Avec des prix d'actifs proches de leurs plus hauts historiques, certains investisseurs envisagent désormais de réduire leur exposition.
Kou Okamoto, directeur financier d'une société financière tokyoïte, investit une petite partie de ses actifs en cryptomonnaies depuis 2019. Il détient principalement du bitcoin mais envisage de réduire son exposition aux « altcoins » - toutes cryptos autres que le bitcoin.
« Impossible d'espérer des rendements multipliés par 100 ou 200 avec d'autres types d'investissements, et l'assouplissement réglementaire rendrait la crypto plus attractive. Mais les altcoins, c'est comme jouer aux courses avec de meilleures chances », estime Okamoto.
« J'envisage de réorienter ces fonds vers des investissements à risque et rendement intermédiaires », ajoute-t-il.
($1 = 150,7800 yens)


















