par Gwénaëlle Barzic et Mathieu Rosemain

A 11h11, l'action de l'opérateur fondé et contrôlé par l'entrepreneur milliardaire Patrick Drahi dévisse de -13,31% à 2,495 euros, accusant la deuxième plus forte baisse de l'indice des principales valeurs européennes en repli de -0,73% au même moment.

Altice Europe, qui avait perdu 1,6 million d'abonnés mobile depuis le rachat du français SFR fin 2014, s'est donné pour priorité de regagner des parts de marché en remettant à niveau ses réseaux via de lourds investissements et en adoptant une politique tarifaire agressive.

Cette stratégie de reconquête, qui a durci la bataille des prix sur un marché français déjà féroce, devrait se traduire par un recul des revenus et de la marge cette année en France avant un retour à la croissance espéré l'an prochain, a prévenu le nouveau PDG Alain Weill lors d'une téléconférence.

"On n’est pas encore sortis de l’ornière chez Altice", souligne Thomas Coudry, analyste à Bryan Garnier.

"Certes il y a un redressement des ventes nettes mais cela se fait à des coûts d’acquisition très significatifs. Cela pose des questions sur leur capacité à faire de la croissance de la base clients à des niveaux de prix raisonnables".

Sur la période d'avril à juin, SFR a regagné des abonnés dans le fixe (+13.000) pour le deuxième trimestre d'affilée. Dans le mobile, l'opérateur a conquis 211.000 nouveaux clients à la faveur du lancement de nouvelles offres agressives au printemps et de la réduction du rythme de défection de ses clients dont les réclamations ont chuté de 50%.

Les prix bas consentis par SFR pour attirer ces nouveaux clients ont toutefois fait chuter le revenu moyen par abonné fixe de près de 2,6 euros en l'espace de trois mois.

Au global, Altice Europe a vu son chiffre d'affaires reculer de 3,8% en données publiées à 3,48 milliards d'euros tandis que le résultat d'exploitation (Ebitda) a reculé de 9,1% à 1,32 milliard, donnant une marge opérationnelle en repli à 37,8% (vs 40,1% au deuxième trimestre 2017).

L'endettement net du groupe a dans le même temps atteint près de 32 milliards d'euros, soit plus de neuf fois sa capitalisation boursière.

LE COCKTAIL "DETTE ÉLEVÉE-EBITDA EN BAISSE" INQUIÈTE

"Pour pouvoir augmenter les revenus, nous devons d'abord regagner les clients que nous avions perdus l'an dernier", a justifié Alain Weill, promu à la tête des actifs européens d'Altice depuis la séparation avec la branche américaine Altice USA, effective depuis début juin.

Altice Europe a confirmé ses objectifs pour 2018, précisant cependant que son cash flow opérationnel en France se situerait dans le bas de la fourchette initialement anticipée, à savoir entre 1,5 et 1,6 milliard d'euros.

Les prix bas de SFR ont fait souffrir ses concurrents, dont Free mobile (Iliad), qui a indiqué tard mercredi avoir subi une baisse de sa base d'abonnés sur son forfait d'entrée de gamme au deuxième trimestre tandis que le nombre de ses clients 4G a continué de progresser.

Le numéro un du secteur Orange a quant à lui enregistré un ralentissement de la croissance de ses revenus en France sur la même période, amorti toutefois par le succès de ses offres couplées associant fixe et mobile.

La guerre des prix en France, qui pèse sur les marges et les cours boursiers des opérateurs, a ravivé les spéculations sur une possible consolidation qui ramènerait à trois le nombre d'opérateurs sur le marché.

"Nous pensons qu'une consolidation va arriver en France", a déclaré Alain Weill, sans se prononcer sur son calendrier.

Prié de dire si des discussions étaient en cours, il n'a pas souhaité faire de commentaire.

(Gwénaëlle Barzic et Mathieu Rosemain, édité par Jean-Michel Bélot)

par Gwénaëlle Barzic et Mathieu Rosemain