* Les moteurs de la croissance en Asie sont en place-PDG

* Confiance dans la croissance en Chine et en Inde-PDG

* Le groupe récolte les fruits de sa réorganisation

par Pascale Denis et Dominique Vidalon

PARIS, 5 juin (Reuters) - Pernod Ricard estime pouvoir dégager une solide croissance organique à moyen terme en Asie grâce à une démographie porteuse, aux fruits de la réorganisation de ses activités et au puissant levier du digital.

Après une passe difficile en Chine, son deuxième marché derrière les Etats-Unis, le groupe a rebondi et a mis en place les moteurs d'une croissance durable, selon son PDG.

"Nous sommes confiants dans le potentiel de la Chine. Notre croissance pourrait y être proche de 10% certaines années ou légèrement dépasser les deux chiffres d'autres années", a déclaré à Reuters Alexandre Ricard à l'occasion d'un séminaire d'investisseurs consacré à ses opérations en Asie.

En 2015, à son arrivée à la tête d'un groupe en pleine tourmente chinoise, le dirigeant avait fait de l'accélération de la croissance sa première priorité, disant alors tabler sur une progression des ventes comprise entre 4% et 5% à moyen terme.

Aujourd'hui, grâce au rebond asiatique, le groupe pourrait, à l'issue de l'exercice en cours, dépasser l'objectif fixé.

Alors que les ventes chutaient de 20% en Chine, stoppées net par les mesures anti-corruption de Pékin, le PDG avait promis au marché de retrouver une croissance d'environ 10% dans le pays.

Après un redressement (+2%) en 2016-2017, les ventes y ont grimpé de 19% sur les neuf premiers mois de l'exercice en cours, le cognac Martell profitant comme ses concurrents Hennessy (groupe LVMH) et Rémy Martin (Rémy Cointreau ) d'une nouvelle explosion de la demande.

Les expéditions vers la Chine vont même être limitées pour assurer à Martell une croissance plus équilibrée et plus pérenne, permettant dans le même temps de favoriser la montée en gamme et les hausses de prix.

Egalement à la peine, les ventes de scotch whisky Chivas se sont elles aussi redressées, décollant de 19% sur la période.

DIVERSIFICATION DU PORTEFEUILLE

Martell, numéro un du cognac en Chine en volume avec une part de marché de plus de 40%, est un des principaux contributeurs aux profits du groupe avec le whisky irlandais Jameson, le scotch Chivas et la vodka Absolut.

Pernod Ricard récolte aussi les fruits de sa réorganisation en Chine visant à diversifier son portefeuille en misant sur l'essor des classes moyennes-supérieures, qui devraient passer de 437 millions de personnes en 2018 à 611 millions en 2024.

Grâce à la création d'un deuxième réseau de distribution dédié aux marques "premium" (moins chères) comme le whisky Ballentine's Finest ou la vodka Absolut, ce segment a vu ses ventes grimper de 21% en Chine sur neuf mois.

"Nos résultats viennent conforter notre confiance dans le potentiel du pays. La performance de nos marques premium y est remarquable", a précisé Alexandre Ricard.

Le champagne Perrier Jouët "se porte aussi très bien" en Chine et le whisky irlandais Jameson y a été lancé.

Le potentiel reste immense, selon le groupe qui revendique 44% du marché des alcools importés dans le pays.

"Entre 2018 et 2025, la pénétration des spiritueux importés en Chine va doubler, passant de 1% à 2% du marché, soit de cinq à dix millions de caisses", a précisé le dirigeant.

Pernod Ricard mise aussi sur son partenariat avec Tencent , géant chinois du digital propriétaire du réseau social WeChat, pour des campagnes de marketing digital ou du partage d'informations.

L'INDE DEVRAIT MAINTENIR LE CAP

Il affiche aussi sa confiance dans sa croissance en Inde, son troisième marché pesant pour environ 9% des ventes, au coude à coude avec la Chine. Les ventes y rebondissent (+14% sur 9 mois) après avoir été plombées par diverses réglementations, mais "les vents contraires n'ont pas touché la demande".

Leader des whiskies locaux, Pernod Ricard revendique près de la moitié du marché des spiritueux indiens (en valeur) et pense maintenir le cap fixé il y a trois ans d'une croissance organique un peu supérieure à 10%, dans un pays où le nombre de consommateurs potentiels progresse de 15 à 20 millions par an.

Grâce à son accélération en Asie, Pernod Ricard pourrait signer une croissance organique de près de 6% en 2017-2018, selon certains analystes, et avoisiner les 6% à moyen terme.

Seule ombre au tableau, les ventes d'Absolut aux Etats-Unis restent en baisse au lieu de la stabilisation promise et pèsent sur la croissance du premier marché du groupe (19% des ventes).

Les investissements dans la vodka ont d'ailleurs été réduits pour privilégier les relais de croissance que sont Jameson, qui poursuit sa hausse à deux chiffres, ou Martell qui a multiplié ses ventes par deux en trois ans.

"Le seul point où l'on peut admettre être déçu, c'est Absolut aux Etats-Unis", a concédé le PDG tout en soulignant que la marque "ne se tient pas si mal" dans un marché assez stable.

Il s'est abstenu de toute prévision sur les perspectives de moyen terme pour l'ensemble du groupe.

Depuis l'arrivée d'Alexandre Ricard à la tête du groupe, le titre Pernod Ricard a pris 34% en Bourse, quand Diageo a gagné 24% et Rémy Cointreau 96,4%.

Après un plus haut historique à 146,45 euros le 28 mai, il a fini mardi à 144 euros, prenant un peu plus de 9% depuis le début 2018.

A ces niveaux de cours, la valeur se traite à des multiples de valorisation de 23,43 fois les bénéfices estimés pour le prochain exercice, contre 21,9 fois pour Diageo.

En trois ans, le groupe Pernod Ricard s'est profondément transformé pour doper son efficacité et sa rentabilité. Il a revu son approche commerciale, allouant ses ressources autour de "moments de consommation" (apéritif, dîner, soirée).

Le découpage des grandes régions a été modifié, une division mondiale dédiée au "travel retail" a été créée, tandis que les innovations étaient concentrées sur une dizaine de projets - contre plus de 300 auparavant - et que l'accélération digitale devenait une priorité stratégique.

Après un plan de réduction de coûts de 400 millions d'euros, le groupe a mutualisé ses services informatiques, revu ses promotions et s'est engagé à reprendre en interne des achats média sur internet et la création de contenus vidéo.

(Edité par Dominique Rodriguez)