Le numéro deux mondial des spiritueux, propriétaire du cognac Martell, du whisky Jameson ou de la vodka Absolut, a annoncé viser une accélération de sa croissance organique et une amélioration de sa rentabilité dans le cadre d'un plan à trois ans baptisé "Transform & accelerate" mis en place en juillet.

"Nous avons réalisé notre meilleur semestre depuis 2011 et récoltons les premiers résultats de ce plan", a déclaré à Reuters Alexandre Ricard, PDG du groupe, lors d'une interview téléphonique.

En réponse aux demandes d'Elliott, qui plaide pour plus de marges via des compressions massives des coûts, il a dit espérer que sa stratégie consistant à "créer de la valeur dans la durée" plaise à "tous les actionnaires".

Le groupe, qui a dépassé les objectifs de croissance qu'il s'était fixés en 2015, et table maintenant sur une hausse de ses ventes de 4% à 7% par an à changes constants d'ici à 2020-2021.

"Si toutes les étoiles sont alignées (...) la croissance pourrait se situer dans le haut de la fourchette", a précisé Alexandre Ricard devant les analystes, tout en se disant prudent face à un environnement économique mondial "incertain".

Alors que le PDG n'avait pas livré jusqu'ici d'objectifs de rentabilité à moyen terme aux investisseurs, le groupe a dit anticiper une progression annuelle de sa marge opérationnelle de 50 à 60 points de base dans les trois ans à venir.

Si la croissance organique des ventes est passée de 2% seulement 2015 à 6% en 2018, la marge opérationnelle, elle, est restée quasiment stable à 26,2% (27% selon les nouvelles normes comptables), quand celle du britannique Diageo, numéro un mondial du secteur, a atteint 31,4% en 2017.

LE GROUPE N'ENTEND PAS VENDRE SON CHAMPAGNE

Pour atteindre ses objectifs de rentabilité, Pernod Ricard mise sur le levier de la croissance, tirée notamment par les très puissants moteurs que sont Martell en Chine ou Jameson aux Etats-Unis, et sur de nouvelles économies.

Un nouveau plan de 100 millions d'euros de réductions de coûts est ainsi prévu d'ici à 2021, succédant à celui de 200 millions en cours, qui sera achevé avec un an d'avance en juin 2019.

Par ailleurs, Pernod Ricard poursuivra la gestion "dynamique" de son portefeuille, a précisé le PDG, excluant toutefois la vente de ses champagnes Mumm et Perrier-Jouët.

Moins rentable, le champagne n'en demeure pas moins essentiel aux réseaux des bars et des restaurants.

Le groupe a vu son résultat opérationnel courant grimper de 12,8% au premier semestre, dépassant largement les 9,3% prévus par les analystes, en partie grâce au calendrier du nouvel an chinois et aux livraisons anticipées de cognac vers la Chine.

Fort de ce résultat, il a revu en hausse sa prévision pour l'exercice en cours, tout en indiquant que la croissance serait inférieure au second semestre.

Il table désormais sur une hausse du ROC comprise entre 6% et 8% à changes constants en 2018-2019, au lieu des 5%-7% prévus auparavant, avec une marge en progression de 50 points de base.

Les ventes ont quant à elles signé une croissance organique de 7,8% (à 5,18 milliards d'euros), avec toutefois un ralentissement plus fort que prévu au 2e trimestre (+5,6%).

Ces chiffres, jugés solides, ont été salués par le marché, le titre Pernod Ricard prenant 1,1852% à 149,4 euros à 13h03 - alors que le CAC 40 cédait 0,75% - après un sommet historique à 151,90 euros touché en matinée.

Ses multiples de valorisation atteignent 21,88 fois les bénéfices estimés pour le prochain exercice, contre 21,38 pour Diageo et 29,17 pour Rémy Cointreau, plus proche des valeurs du luxe par son positionnement très haut de gamme.

Interrogé, Elliott n'a pas souhaité réagir à cette publication.

Le fonds américain a pris 2,5% du capital de Pernod Ricard en novembre, lui réclamant plus de marges, au regard de celles de Diageo, ainsi qu'une gouvernance plus indépendante de la famille Ricard qui, avec son allié historique GBL, contrôle 22,5% du capital et plus du tiers des droits de vote.

Depuis, les discussions ont été "courtoises", aux dires des deux parties, tandis que Pernod Ricard a fait évoluer sa gouvernance, "comme il le fait depuis trois ans (...) et comme il continuera de le faire selon un calendrier clairement établi par le groupe", a précisé Alexandre Ricard, tenant à faire entendre qu'il n'agissait pas sous la pression.

(Pascale Denis avec Dominique Vidalon, édité par Jean-Michel Bélot)

par Pascale Denis