Comme un symbole, c'est ensemble que sont arrivés Antoine Bernheim et Vincent Bolloré à l'assemblée générale des actionnaires du Lion de Trieste, où le premier devait effectuer son dernier discours en tant que Président. A cette occasion, le milliardaire breton ne redoutait qu'une chose : que le « parrain » de la finance française se lâche et balance quelques vérités qui font mal.

Il n'en a rien été, même si certains piques anonymes n'ont pas manqué de sortir de sa bouche. Debout, cintré dans son fameux costume trois pièces, sans notes et en français comme à l'accoutumée, il s'est permis cette simple sortie : « J'ai beaucoup de rancœur à l'égard de certains, mais je ne l'ai pas manifestée. Je suis pour la paix des braves... et même des non braves ». Il juge que son âge, 85 ans, n'a été qu'un « prétexte » pour le débarquer, après 37 années passées chez Generali, dont 12 comme Président (1995-1999 et 2002-2010).

A Mediobanca, actionnaire stratégique de Generali et principal responsable de son éviction, Bernheim n'a reproché qu'une chose, mais essentielle : priver l'assureur italien de « marge de manœuvre » en refusant toute augmentation de capital.

« J'ai pourtant fait du bon travail »
Antoine Bernheim n'a toutefois pas pu s'empêcher d'évoquer son bilan, inattaquable. Il a rappelé que Generali pèse désormais 70 milliards d'euros de primes, ce qui en fait le troisième assureur européen, contre 14 milliards au début de son premier mandat de président. Sous son ère, l'assureur italien s'est renforcé en diversifiant ses activités, mais surtout ses positions à l'international.

A cet égard, Tonio, comme l'appellent ses amis italiens, a demandé à la nouvelle direction de poursuivre l'expansion du groupe, notamment en Russie. « Les Generali ont intérêt à aller en Russie, parce qu'il n'y a pas d'assurance-vie dans ce pays », a-t-il prévenu.

Celui qui le remplace se nomme Cesare Geronzi. Ancien patron de Mediobanca, il avait pour lui l'avantage d'être italien et (à peine) plus jeune que son prédécesseur. Il a choisi trois vice-présidents : Vincent Bolloré, qui dispose là d'un poste en or pour faire fructifier les 500 millions d'euros investis en Italie, Alberto Nagel, administrateur délégué de Mediobanca, et Francesco Gaetano Caltagirone, entrepreneur de BTP actionnaire à hauteur de 2% de l'assureur.

Ravalant son amertume, Antoine Bernheim a quand même accepté le « hochet » qu'on lui proposait, à savoir la présidence d'honneur du groupe. « Je ne sais pas bien ce que ça veut dire, a-t-il confessé aux actionnaires. Mais après 40 ans de collaboration, je préfère garder un lien avec la compagnie (...) avec le désir de me rendre disponible ».