Les actionnaires du groupe Lagardère sont appelés ce mardi à jouer les arbitres dans le bras de fer opposant son gérant commandité Arnaud Lagardère au fonds Amber Capital, qui réclame le remaniement du conseil de surveillance.

Depuis plus de quatre ans, le fonds britannique dénonce la gestion et les performances boursières du groupe présent dans l'édition, les boutiques d'aéroport et les médias.

Mais la tension est montée de plusieurs crans au cours des dernières semaines avec l'entrée en scène de plusieurs figures du monde des affaires et de la politique française, en soutien du dirigeant fragilisé.

Parmi ses alliés figurent notamment le milliardaire Vincent Bolloré, qui a acquis un peu plus de 10% de Lagardère via le groupe Vivendi qu'il contrôle, ainsi que l'ancien président Nicolas Sarkozy, coopté au conseil de surveillance en début d'année.

Une victoire du fonds serait inédite en France, longtemps ignorée par les activistes en raison, notamment, de l'importance de l'actionnariat familial et de la présence de l'Etat au capital de nombreuses sociétés.

Plusieurs fonds ont déjà tenté de renverser Arnaud Lagardère, aux commandes depuis le décès brutal de son père Jean-Luc il y a 17 ans, sans jamais y parvenir jusqu'à présent.

Amber, fondé par Joseph Oughourlian, un ancien salarié de la Société Générale, a renforcé sa participation au capital de Lagardère pour la porter à 18%, devenant son premier actionnaire devant le fonds souverain Qatari et Vivendi.

LA COMMANDITE EN SURSIS ?

Le fonds a proposé huit candidats - dont l'ancien président du conseil italien Enrico Letta et l'ex-président du directoire d'Eurazeo Patrick Sayer - pour remplacer les membres actuels du conseil. Amber ne s'oppose pas en revanche à la cooptation de Nicolas Sarkozy et de l'ancien dirigeant de la SNCF Guillaume Pepy.

Amber Capital veut faire de l'assemblée générale - qui se tient à huis clos en raison du coronavirus - un référendum sur la gestion d'Arnaud Lagardère, sous la houlette duquel le périmètre de Lagardère s'est considérablement rétréci avec un cours de Bourse à la peine par rapport à la moyenne du secteur.

Le fonds cible également le statut rare de la "commandite" qui donne à Arnaud Lagardère le contrôle de facto de la société dont il ne possède que 7% du capital.

Si le pouvoir des actionnaires est limité, ils peuvent toutefois s'opposer au renouvellement du mandat du gérant commandité qui expire en mars 2021.

Ce duel intervient au moment où Lagardère, propriétaire de la maison d'édition Hachette et de la radio Europe 1, a renoncé à verser un dividende cette année face à la chute de ses revenus, en particulier dans les boutiques d'aéroport, où ils ont plongé de 90% en avril.

(Sarah White et Gwénaëlle Barzic)