Entretien : Aymeric Le Chatelier, directeur financier et directeur général par intérim d'Ipsen

PARIS (Agefi-Dow Jones)--Dans un entretien accordé à l'agence Agefi-Dow Jones, le directeur financier et directeur général par intérim d'Ipsen, Aymeric Le Chatelier, développe les priorités stratégiques du laboratoire pharmaceutique, détaille sa politique de croissance externe et affiche sa volonté de relancer le développement du palovarotène.

Le titre Ipsen recule de 4% jeudi, à 67,20 euros, après que le laboratoire pharmaceutique a, comme attendu, révisé en baisse ses prévisions de chiffre d'affaires et de marge opérationnelle des activités pour l'exercice 2022.

Depuis trois mois, Ipsen est pénalisé par le retard dans le développement de son candidat-médicament palovarotène, responsable d'une dépréciation de 669 millions d'euros avant impôt dans ses comptes 2019. En décembre, Ipsen a procédé à la suspension clinique partielle pour raison de sécurité de deux études sur ce candidat-médicament dans le traitement de pathologies osseuses d'origine génétique. Fin janvier, le laboratoire s'est résolu à suspendre l'administration du traitement aux patients recrutés dans le cadre de l'étude globale de phase III destinée à évaluer l'efficacité et la sécurité du palovarotène chez les patients atteints de fibrodysplasie ossifiante progressive (FOP).

Figurant déjà parmi les plus fortes baisses du SBF 120 en 2019, après une chute de 30%, la valeur occupe les dernières places du palmarès de l'indice depuis le début de l'année, avec un recul de près de 15% au cours actuel. La déception boursière est à la mesure des attentes élevées qui reposaient sur le palovarotène, seul produit du portefeuille de Clementia, société de biotechnologie rachetée par Ipsen l'an dernier pour 1,04 milliard de dollars. Ipsen espérait commencer à tirer profit de l'acquisition de Clementia dès 2021, anticipant une contribution significative sur les ventes et une marge élevée, à même d'améliorer la profitabilité du groupe.

Selon la plupart des analystes, l'action Ipsen restera sous pression tant que le laboratoire n'aura pas nommé son prochain directeur général. Fin décembre, David Meek, qui occupait ce poste depuis 2016, a démissionné et quitté le conseil d'administration du groupe pour rejoindre la société FerGene.

Agefi-Dow Jones: Quand espérez-vous reprendre le développement du palovarotène ?

Aymeric Le Chatelier: "Notre ambition de déposer le plus rapidement possible une demande d'enregistrement du produit est intacte, mais nous n'avons pas de calendrier à communiquer. Pour l'instant, nos équipes analysent l'ensemble des données et échangent avec les responsables des différents essais cliniques, les comités éthiques, les patients, les médecins et les différentes autorités réglementaires, de manière à définir un cadre qui permette de redémarrer ces essais cliniques. Ces discussions pourraient toutefois s'étaler tout au long de 2020. Il convient d'être prudent quant à la poursuite du développement de palovarotène, d'autant que la demande est très importante, étant donné qu'il n'existe actuellement aucun traitement pour la FOP."

Les difficultés de développement du palovarotène vous font-elles regretter l'acquisition de Clementia ?

A. L.C. : "Non, car ces vents contraires sont inhérents à l'industrie pharmaceutique. La diversification dans le domaine des maladies rares, spécialité de Clementia, est stratégique pour Ipsen. Nous allons poursuivre dans cette voie, en reprenant dès que possible le développement du palovarotène, mais aussi en profitant de l'accord exclusif de licence signé en octobre avec la société biopharmaceutique américaine Blueprint Medicines, toujours dans la FOP."

Votre approche en matière de croissance externe est-elle remise en question ?

A. L.C. : "La déception liée au palovarotène nous amène effectivement à réfléchir et à ajuster notre politique d'acquisitions. Pour autant, nous maintenons nos objectifs, car le modèle d'innovation d'Ipsen repose sur des rachats d'actifs, qu'ils soient en phase de développement précoce ou non. Nous confirmons aussi que le groupe disposera fin 2020 d'une enveloppe d'un milliard d'euros pour réaliser des acquisitions, correspondant à deux fois notre Ebitda. Ipsen continue de regarder beaucoup de dossiers dans ses trois aires thérapeutiques (l'oncologie, les neurosciences et les maladies rares), et restera très actif. En revanche, nous serons encore plus disciplinés au moment de conclure des transactions, de manière à trouver le juste rapport entre la part de risque et le potentiel stratégique."

Comment comptez-vous restaurer la confiance avec la Bourse ?

A. L.C. : "J'espère qu'Ipsen inspirera de nouveau confiance, grâce à la qualité de ses résultats et de ses objectifs. Aussi, les éléments qui inquiètent aujourd'hui la Bourse contiennent paradoxalement quelques signaux rassurants. Concernant le palovarotène, il est important de rappeler notre engagement à ce que son développement se poursuive. Pour la Somatuline, nous n'anticipons pas d'impact en cas d'arrivée sur le marché d'un nouveau générique cette année, alors qu'un premier est commercialisé en Europe depuis l'an passé. D'ailleurs, son rythme de pénétration est relativement lent. Nous nous assurerons par ailleurs que l'ensemble des investisseurs comprennent bien notre stratégie, qui consiste également à renforcer la croissance de notre portefeuille actuel, comprenant notamment les produits Cabometyx, Onivyde et Dysport."

Comment se déroule le recrutement du prochain directeur général ?

A. L.C. : "Le comité des nominations travaille de manière très active à ce recrutement, qui constitue une priorité du conseil d'administration. Habituellement, un tel processus peut prendre cinq à six mois, donc il ne serait pas étonnant qu'une annonce à ce sujet intervienne dans le courant du deuxième trimestre. En attendant, le comité des rémunérations analysera les candidatures internes, s'il en existe, comme externes."

Faites-vous partie des candidats ?

A. L.C. : "Il en revient au comité des nominations d'analyser les candidatures internes comme externes."

-Dimitri Delmond, Agefi-Dow Jones; +33 (0)1 41 27 47 31; ddelmond@agefi.fr ed: ECH

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