* Trois ans de prison requis contre Richard, cinq ans contre Tapie

* La défense plaide la relaxe

* Tapie "n'est pas un escroc", dit son avocat

par Emmanuel Jarry

PARIS, 4 avril (Reuters) - Le tribunal correctionnel de Paris rendra le 9 juillet sa sentence sur l'arbitrage contesté de 2008 en faveur de Bernard Tapie dans son contentieux avec le Crédit Lyonnais, pour lequel le PDG d'Orange, Stéphane Richard, est également jugé, a annoncé jeudi sa présidente après les plaidoiries.

Le ministère public a requis lundi cinq ans de prison ferme contre l'ancien homme d'affaires et trois ans de prison dont 18 mois avec sursis contre Stéphane Richard, qui était directeur de cabinet de la ministre de l'Economie et des Finances Christine Lagarde à l'époque de cet arbitrage.

L'un des deux procureurs de ce procès, Nicolas Baietto, a aussi requis contre le PDG d'Orange 100.000 euros d'amende et l'interdiction d'exercer une fonction publique durant cinq ans.

Il a requis les mêmes peines de prison et d'interdiction de fonction publique, ainsi que 50.000 euros d'amende, contre l'ex-président du consortium de réalisation (CDR) chargé de gérer le passif du Crédit Lyonnais Jean-François Rocchi.

Bernard Tapie, qui dit avoir été floué par le Crédit Lyonnais lors de la vente du fabricant d'équipements de sports Adidas en 1993, s'est vu accorder 15 ans plus tard 403 millions d'euros dont 45 millions pour préjudice moral.

Mais l'ex-homme d'affaires et son avocat Maurice Lantourne sont accusés d'avoir obtenu frauduleusement cet arbitrage, en collusion avec un des trois arbitres, Pierre Estoup, 92 ans.

Déjà condamné définitivement à rembourser les 403 millions d'euros au CDR, et donc à l'Etat, dans le volet civil de cette affaire, Bernard Tapie est jugé avec ces deux hommes depuis le 11 mars pour escroquerie et détournement de fonds publics.

Le ministère public a requis trois ans de prison avec sursis contre Maurice Lantourne et trois ans fermes pour Pierre Estoup, absent pendant presque tout le procès pour raisons médicales.

A leurs côtés, Stéphane Richard et Jean-François Rocchi sont accusés d'avoir agi "de manière systématique et clandestine dans le sens des intérêts" de Bernard Tapie et jugés pour complicité.

Les avocats de ces cinq hommes, qui tous réfutent les accusations portées à leur encontre, ont plaidé la relaxe.

"DÉLIT DE SALE GUEULE"

"Bernard Tapie n'a commis aucune infraction pénale, Bernard Tapie n'est pas un escroc", a déclaré jeudi le principal conseil de l'ex-homme d'affaires, Me Hervé Temime, pour qui la lourdeur des peines requises "ne supplée pas le manque de preuves."

"M. Tapie fait l'objet, et depuis longtemps, d'un délit de sale gueule et d'un déni de classe", a ajouté l'avocat, pour qui le Crédit Lyonnais est a contrario "une banque voyou qui a coûté 20 milliards d'euros au contribuable, du fait d'incompétences, d'irresponsabilités et de malhonnêtetés dont toutes, loin s'en faut, n'ont pas été condamnées en justice".

Les avocats de Stéphane Richard défendent pour leur part l'idée que le ministère public s'est fondé "sur des faits dont l'instruction a démontré qu'ils étaient faux".

Mes Pierre Cornut-Gentille et Jean-Etienne Giamarchi contestent notamment l'accusation selon laquelle il aurait dissimulé des informations à sa ministre, "alors qu'elle-même a affirmé le contraire", ont-ils dit à Reuters.

Ils dénoncent un "syllogisme judiciaire" consistant à dire : "puisque Bernard Tapie voulait un arbitrage, cet arbitrage était nécessairement frauduleux, et donc tous ceux qui comme lui y ont adhéré se sont rendus complices d'une fraude."

L'Etat, partie civile, a demandé que les prévenus remboursent solidairement les 403 millions d'euros avec les intérêts et frais divers, soit 525 millions au total, et lui payent un million d'euros de préjudice d'image.

Bernard Tapie, 76 ans, souffre d'un cancer et sa peine, s'il est effectivement condamné à de la prison ferme, ne sera sans doute jamais mise à exécution, a admis lundi le procureur.

Mais il risque de perdre ce qui lui reste de patrimoine, le ministère public ayant aussi requis la confiscation de ses biens, sommes et créances saisies. "Vous voulez quoi ?" a lancé Me Temime à l'adresse du duo de procureurs. "Vous voulez la mort civile de M. Tapie ? Vous voulez sa liquidation à tout prix ?"

Lors d'une suspension de séance, Stéphane Richard a pour sa part éludé jeudi la question de son avenir s'il était condamné : "Chaque chose en son temps", a-t-il confié à Reuters. (Edité par Yves Clarisse)

Valeurs citées dans l'article : adidas, Orange