PARIS, 14 mars (Reuters) - Prévenu au même titre que Bernard Tapie dans le procès de l'arbitrage contesté de 2008 en faveur de l'ex-homme d'affaires dans son contentieux avec le Crédit Lyonnais, l'avocat Maurice Lantourne a présenté jeudi celui qui fut son client plus de 20 ans comme une "victime" devenue "accusée".

Bernard Tapie, qui estime avoir été floué par le Crédit Lyonnais lors de la vente du fabricant d'équipements de sports Adidas en 1993, s'est vu accorder par cet arbitrage 403 millions d'euros, dont 45 millions pour préjudice moral.

Mais il a été définitivement condamné à rembourser cette somme au consortium de réalisation (CDR), chargé de gérer le passif de la banque dans le volet civil de cette affaire.

Bernard Tapie et Maurice Lantourne, accusés d'avoir obtenu frauduleusement cet arbitrage en collusion avec un des trois arbitres, Pierre Estoup, 92 ans, sont jugés depuis lundi pour escroquerie et détournement de fonds publics ou complicité. Ils nient catégoriquement ces accusations.

Maurice Lantourne, 62 ans, qui ne sera interrogé sur l'arbitrage que lundi, a de nouveau décortiqué quatre heures durant et sans note la genèse de cette affaire : la cession par l'intermédiaire du Crédit Lyonnais des parts de Bernard Tapie dans Adidas à des actionnaires "de transition" financés par la banque, certains domiciliés dans des paradis fiscaux, et leur revente, avec une forte plus-value au profit du Crédit Lyonnais, à l'homme d'affaire Robert Louis Dreyfus.

"C'était la fraude la plus grave qu'un mandataire puisse commettre", a accusé Maurice Lantourne à la barre. "Il était associé du vendeur et s'est associé avec les acquéreurs" sans autorisation écrite de Bernard Tapie, ce qui constitue, a-t-il poursuivi, un conflit d'intérêt et une "captation de mandat".

A partir de 1996, Maurice Lantourne a été de toutes les batailles engagées par Bernard Tapie, en liquidation judiciaire depuis décembre 1994, pour obtenir réparation de ce que celui-ci présente comme un stratagème monté par le Crédit lyonnais pour le spolier et l'abattre alors qu'il s'engageait en politique.

"C'était préparé, concerté, organisé", a déclaré à la barre l'avocat. "Toute l'opération, côté Crédit Lyonnais et CDR, a été montée avec de faux prétextes et une fraude à la base. On s'est heurté à une montagne, avec des interventions dans tous les sens, dix ou quinze cabinets d'avocats à temps plein."

"C'est une injustice flagrante et, en l'occurrence, la victime se retrouve accusée (...) C'est une de mes grandes tristesses : j'avais le sentiment d'avoir sauvé mon client de cette injustice, on est revenu à la case départ et peut-être encore moins qu'à la case départ. C'est un aveu d'échec total."

Maurice Lantourne s'est peu défendu lui-même, estimant seulement "ne pas être intervenu de façon anormale dans ce dossier auprès des institutions judiciaires et arbitrales". (Emmanuel Jarry, édité par Simon Carraud)