PARIS, 29 mars (Reuters) - Rendez-vous avec les juges, mise en examen et renvoi en correctionnelle : les nuages judiciaires se sont récemment accumulés à l'horizon pour Nicolas Sarkozy, sous la menace de plusieurs procès dans une série d'affaires.

Voici un aperçu des dosiers dans lesquels est cité le nom de l'ex-président :

* LES AFFAIRES LES PLUS MENAÇANTES

ACCUSATIONS DE FINANCEMENT LIBYEN DE LA CAMPAGNE DE 2007

Cette information judiciaire au long cours, ouvert en avril 2013, a subi une accélération spectaculaire avec le placement en garde à vue de Nicolas Sarkozy à Nanterre (Hauts-de-Seine) le 20 mars, puis sa mise en examen le lendemain.

La mise en examen porte sur les chefs de financement illicite de campagne électorale, corruption passive et recel de détournement de fonds publics libyens.

Dans ce dossier aux ramifications internationales, à la fois complexe et politiquement sensible, les enquêteurs cherchent à savoir si l'ex-président a bénéficié de financements provenant de la Libye de Mouammar Kadhafi pour sa campagne de 2007.

L'ancien chef de l'Etat, qui a contribué par la suite à renverser le même Mouammar Kadhafi, en 2011, a toujours nié les faits allégués notamment par l'homme de réseaux franco-libanais Ziad Takieddine - un "escroc" doublé d'un "sinistre individu" selon lui.

Cet intermédiaire a dit à Mediapart avoir remis en 2006-2007 un total de cinq millions d'euros d'argent libyen à Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, et à son directeur de cabinet de l'époque, Claude Guéant.

Ziad Takieddine, lui-même mis en cause dans cette affaire, a été mis en examen pour "complicité de diffamation".

A son témoignage s'ajoutent d'autres éléments, venant notamment d'ex-dignitaires du régime déchu.

En 2015, les enquêteurs ont par ailleurs perquisitionné en Suisse un domicile appartenant à Alexandre Djouhri, un autre homme d'affaires qui fut prisé, comme Ziad Takieddine, pour son impressionnant carnet d'adresses.

Ce dernier a été arrêté en janvier, à Londres, en application d'un mandat d'arrêt international délivré par les juges français.

Autre protagoniste, l'ancien ministre Brice Hortefeux a été entendu la semaine dernière, au premier jour de la garde à vue de nicolas Sarkozy, mais en audition libre.

AFFAIRE DES ÉCOUTES

L'affaire dite des écoutes trouve son origine dans le dossier libyen : c'est pour les besoins de cette enquête que l'ancien président et certains de ses proches ont été placés sur écoute téléphonique.

Les enregistrements ont fait émerger de nouveaux soupçons, qui ont conduit les juges à signer une ordonnance de renvoi en correctionnelle de l'ex-chef de l'Etat pour corruption et trafic d'influence.

Son avocat Thierry Herzog et Gilbert Azibert, ancien avocat général à la Cour de cassation, sont également renvoyés devant le tribunal pour les mêmes chefs.

Concrètement, Nicolas Sarkozy est soupçonné d'avoir cherché à faciliter une promotion de Gilbert Azibert en échange de renseignements sur l'avancée d'un autre dossier - celui portant sur un possible abus de faiblesse aux dépens de la milliardaire Liliane Bettencourt, pour lequel il a bénéficié d'un non-lieu.

L'information judiciaire a été ouverte le 26 février 2014 sur la base des écoutes visant entre autres Nicolas Sarkozy, qui utilisait notamment une ligne ouverte au nom de Paul Bismuth.

Depuis le début de l'affaire, Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog dénoncent des enregistrements illégaux, ce qui n'a pas empêché la Cour de cassation de valider en 2016 la quasi-totalité de la procédure.

L'ex-président a fait savoir par ses avocats qu'il contestait son renvoi en correctionnelle.

AFFAIRE DU FINANCEMENT DE LA CAMPAGNE DE 2012

Un des deux juges d'instruction chargés de ce dossier de dépassement des plafonds de dépenses de campagne pour la présidentielle de 2012, couvert par des fausses factures, a ordonné le renvoi en correctionnelle de 14 personnes, dont Nicolas Sarkozy, poursuivi pour financement illégal.

L'autre juge d'instruction n'ayant pas signé l'ordonnance de renvoi, l'ex-chef de l'Etat a fait appel pour tenter d'échapper au procès.

La chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Paris examinera la question le 16 mai.

Parmi les 13 autres personnes poursuivies figurent notamment l'ex-directeur de campagne de Nicolas Sarkozy Guillaume Lambert, d'anciens cadres de l'UMP (dont le parti Les Républicains est l'héritier) et de la société de communication Bygmalion, accusée d'avoir émis pour 18 millions d'euros de fausses factures.

Dans l'ordonnance de renvoi, signée en février 2017, Nicolas Sarkozy est accusé d'avoir d'avoir dépassé le plafond des dépenses électorales en 2012 en engageant des dépenses supérieures au plafond légal sans tenir compte des alertes adressées par les experts comptables de sa campagne.

Ses dépenses se sont élevées à au moins 42,8 millions d'euros, un montant très supérieur au plafond fixé à 16,851 millions d'euros pour un premier tour et à 22,509 millions pour un second tour, d'après le juge.

* LES AUTRES DOSSIERS

LES SONDAGES DE L'ELYSÉE

Une information judiciaire pour favoritisme, détournement de fonds publics (dont détournement ou destruction d'archives publiques), vise des sondages et des prestations de communication commandés par l'Elysée sous Nicolas Sarkozy.

L'affaire, initialement lancée en 2009 par un rapport de la Cour des comptes sur la gestion du budget de la présidence, a pris un tour judiciaire l’année suivante après une plainte de l'association Anticor.

Le plaignant estime qu'une bonne partie des sondages commandés sans appel d'offres par la société de Patrick Buisson Publifact, entre 2007 et 2009, n'avaient pas d'intérêt public lié à la fonction présidentielle.

Sur la période 2010-2012, Anticor estime que certains sondages réalisés, après appels d'offres, ne relevaient pas non plus de la fonction présidentielle.

Sont également visés par leur plainte des contrats de prestations en communication passés entre 2007 et 2012 entre l'Elysée et les sociétés de Pierre Giacometti et de Patrick Buisson, tous deux conseillers et amis de Nicolas Sarkozy, soupçonnés d'avoir bénéficié de favoritisme.

Dans cette enquête, Pierre Giacometti, Patrick Buisson, Claude Guéant et son ex-directrice de cabinet Emmanuelle Mignon ont été mis en examen mais pas l'ex-président lui-même.

KARACHI

Deux juges d'instruction enquêtent sur des soupçons de corruption en marge de contrats d'armement et de la campagne présidentielle d'Edouard Balladur en 1995, dont Nicolas Sarkozy était porte-parole.

En juin 2014, six personnes, dont l'ancien ministre Renaud Donnedieu de Vabres et l'homme d'affaires Ziad Takieddine, ont été renvoyés en correctionnelle dans un volet de cette affaire tentaculaire. Deux proches d'Edouard Balladur, Nicolas Bazire et Thierry Gaubert, seront également jugés.

La Cour de justice de la République (CJR) s'intéresse de son côté au rôle joué par l'ancien Premier ministre Edouard Balladur et son ancien ministre de la Défense François Léotard, tous deux mis en examen.

Nicolas Sarkozy, qui fut le ministre du Budget d'Edouard Balladur, a été entendu l'an dernier par la CJR mais comme simple témoin et pendant un peu moins de trois heures.

Les magistrats ont acquis la conviction que la campagne Balladur a été financée par des rétrocommissions illégales sur des contrats de sous-marins vendus au Pakistan et de frégates destinées à l’Arabie Saoudite.

Une des hypothèses envisagées est que la fin du versement des commissions, ordonné par Jacques Chirac devenu président de la République, est à l'origine de l'attentat de Karachi qui a coûté la vie à 15 personnes, dont 11 ouvriers français de la Direction des Constructions Navales, en 2002.

L'ARBITRAGE TAPIE

En 2008, un arbitrage réalisé sous le mandat de Nicolas Sarkozy a attribué 403 millions d'euros à Bernard Tapie, soldant le litige qui opposait l'homme d'affaires au Crédit Lyonnais dans la revente d'Adidas.

Les enquêteurs soupçonnent un "simulacre d'arbitrage" et s'interrogent notamment sur les liens entre l'homme d'affaires et l'un des ex-juges du tribunal arbitral, Pierre Estoup.

Bernard Tapie a reconnu avoir participé à une importante réunion en juillet 2007 à l'Elysée concernant l'arbitrage, en présence notamment de Claude Guéant, alors secrétaire général de la présidence.

L'homme d'affaires, mis en examen pour escroquerie en bande organisée et détournement de fonds publics par une personne privée, a jugé impensable que Nicolas Sarkozy n'ait pas donné son feu vert à cet arbitrage mais il a plusieurs fois dédouané l'ancien chef de l'Etat.

L'ancien président n'est pas mis en cause par la justice dans cette affaire.

Ce n'est pas le cas de six autres personnes, dont Bernard Tapie et le PDG d'Orange Stéphane Richard, qui ont été renvoyées en décembre devant le tribunal correctionnel.

L'ex-ministre de l'Economie Christine Lagarde, aujourd'hui à la tête du FMI, a pour sa part été reconnue coupable de négligence, en décembre 2016, mais elle a été dispensée de peine par la Cour de justice de la République (CJR). (Emmanuel Jarry et Simon Carraud, édité par Yves Clarisse)