PARIS (Reuters) - Veolia et Suez ont annoncé lundi être parvenus un accord de principe sur leur rapprochement - une opération de près de 13 milliards d'euros - ouvrant la voie à la résolution du conflit opposant depuis plusieurs mois les deux spécialistes français de la gestion de l'eau et des déchets.

Cet accord de principe, conclu dimanche soir par les conseils d'administration des deux groupes et auquel devrait succéder un accord définitif de rapprochement d'ici au 14 mai, fixe un prix d'achat de Suez par Veolia de 20,50 euros par action, est-il précisé dans un communiqué publié lundi, ce qui correspond à un montant total de 12,8 milliards d'euros.

L'offre initiale de Veolia s'établissait à 18 euros par action, soit le même prix que celui payé à Engie début octobre pour acquérir 29,9% du capital de Suez. Devenu à cette occasion premier actionnaire de sa cible, Veolia a cherché depuis à prendre le contrôle de son concurrent mais ce dernier s'y est farouchement opposé.

A la Bourse de Paris, l'action Suez a fini à 19,865 euros avec un gain de 7,73% après avoir atteint en séance les 20 euros pour la première fois depuis son introduction en Bourse. Veolia affiche en clôture une progression de 9,66%, la plus forte hausse du CAC 40, qui a cédé 0,13%.

L'accord permettrait "la constitution d'un nouveau Suez (...) doté d'un réel potentiel de croissance, avec un chiffre d'affaires de l'ordre de sept milliards d'euros (et) la mise en oeuvre du projet de Veolia de constitution du champion mondial de la transformation écologique, de l'ordre de 37 milliards d'euros de chiffre d'affaires", peut-on lire dans le communiqué.

TRÊVE JUDICIAIRE

Les fonds d'investissement Meridiam, Ardian et Global Infrastructure Partners (GIP), ainsi que la Caisse des dépôts (CDC) et les salariés figureront au rang des actionnaires du "nouveau Suez", selon les deux groupes.

Ardian et GIP, qui avaient formulé en mars une contre-proposition à l'OPA de Veolia, ont pour leur part dit prendre note de l'accord annoncé ce lundi. "Puisque nous n'avons pas participé aux négociations préalables à cet accord, et que nous n'avons connaissance à ce stade ni de ses termes spécifiques ni de ses implications pour l'ensemble des parties prenantes, il nous faut désormais en étudier les conséquences", disent-ils.

Le "nouveau Suez" sera majoritairement composé des activités de gestion de l'eau de Suez en France mais intègrera également certains actifs internationaux - dont des activités en Australie, en Inde, en Italie et en République tchèque.

Aux termes de cet accord, Suez va désactiver la fondation de droit néerlandais où il avait logé certains actifs afin de les mettre à l'abri d'une offre de Veolia et résilier les accords qu'il avait conclus pour la cession de certaines de ses activités en Australie au groupe Cleanaway Waste Management.

Les deux groupes, dont le bras de fer des derniers mois s'est déroulé à la fois sur le terrain judiciaire et réglementaire, doivent également s'engager à suspendre toutes les procédures en cours - dans l'attente d'un désistement lors de la finalisation de l'accord - et à ne pas entamer de nouveau contentieux.

Le PDG de Veolia, Antoine Frérot, a précisé à des journalistes que Gérard Mestrallet - qui a déjà dirigé Suez ainsi qu'Engie - avait joué les intermédiaires entre les deux groupes au cours des derniers jours.

Selon une source au fait des discussions, Antoine Frérot a rencontré au cours du week-end le président du conseil d'administration de Suez, Philippe Varin, afin de sceller l'accord.

Suez a fait des concessions sur certains fronts, acceptant un accord parallèle visant à filialiser certains de ses actifs dans une entité distincte avec de nouveaux actionnaires, plus petite que ce qu'il avait espéré, mais le groupe s'est dit satisfait du résultat et du prix.

"Nous avons utilisé tous les leviers dont nous disposions pour défendre les intérêts de l'entreprise face à une situation hostile", a déclaré aux journalistes Philippe Varin, président de Suez.

Continuer à recourir à des tactiques plus défensives risque maintenant de devenir contre-productif, a déclaré Philippe Varin. L'accord avec Veolia comprend également des garanties d'emploi pour les employés de Suez pendant une période de quatre ans.

"CHAMPION MONDIAL"

Le directeur général de Suez, Bertrand Camus, a jugé que cet accord de principe donnait "toutes ses chances à l'obtention d'une solution globale qui offrirait les garanties sociales indispensables pour l'ensemble des salariés et des perspectives."

Antoine Frérot a quant à lui salué un accord permettant "la construction du champion mondial de la transformation écologique autour de Veolia, en offrant à la France un acteur de référence dans un secteur qui est probablement le plus important de ce siècle".

Dans le cadre de l'opération, des membres de la direction de Suez seront représentés à différents niveaux, a précisé Antoine Frérot à des journalistes. Il a souligné que Bertrand Camus pourrait avoir un rôle s'il le souhaitait mais qu'il comprendrait que cela ne soit pas son choix.

Suez n'avait aucun commentaire dans l'immédiat à ce sujet.

Le ministre français de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire, s'est également dit satisfait de l'issue de ce dossier dans une courte déclaration transmise à la presse.

"Je me réjouis que Veolia et Suez soient parvenus à un accord à l'amiable, conformément au souhait exprimé par l'Etat depuis le début de cette opération industrielle", a-t-il observé en soulignant "le sens des responsabilités" dont avaient fait preuve l'ensemble des parties

(Nicolas Delame et Myriam Rivet, avec Sarah White et Leigh Thomas)