MONTREAL (Reuters) - Alimentation Couche-Tard est prêt à relancer son projet d'acquisition de Carrefour pour 20 milliards de dollars (16,5 milliards d'euros) en cas de changement d'attitude du gouvernement français, a déclaré lundi le président et chef de la direction du groupe canadien de distribution.

"Nous serions ravis de réaliser la transaction (...) si nous recevions des signaux indiquant que l'environnement pourrait changer ou changerait de la part du gouvernement français ou d'autres parties prenantes importantes", a dit Brian Hannasch lors d'une conférence téléphonique.

"Nous serions ravis d'avoir l'opportunité de nous réengager dans de bonnes conditions et en partant du postulat que nous n'avons pas trouvé un autre moyen de créer davantage de valeur pour nos actionnaires", a-t-il ajouté.

Carrefour et Couche-Tard ont annoncé samedi dans un communiqué conjoint avoir interrompu les discussions préliminaires en vue de leur rapprochement, le gouvernement français s'étant fermement opposé vendredi à une éventuelle prise de contrôle du groupe français.

A la Bourse de Paris, l'action Carrefour a chuté de 6,92% à 15,46 euros tandis qu'à Toronto, le titre Couche-Tard prenait environ 1% à 38,35 dollars vers 18h00 GMT. L'offre envisagée par Couche-Tard était de 20 euros par action.

Certains responsables politiques français ont justifié cette opposition en estimant que les supermarchés constituent un secteur stratégique pour la sécurité alimentaire dans le contexte de la crise sanitaire actuelle.

"PAS ACCEPTABLE"

"Sur le plan politique, je pense que nous sommes entrés dans ce dossier les yeux grands ouverts sachant qu'il comportait un risque, et je crois qu'incontestablement la pandémie a aggravé le problème de la sécurité alimentaire, en particulier en France", a déclaré Brian Hannasch.

"Et donc si cela change avec le temps, c'est difficile à dire", a-t-il ajouté.

Bruno Le Maire, qui s'est dit "pas favorable" à ce rachat peu après l'annonce du projet, a démenti lundi toute précipitation de la part du gouvernement.

"Il y a peut-être eu de la précipitation du côté de Carrefour, mais pas du côté du gouvernement français, qui a simplement rappelé que la sécurité alimentaire ne négociait pas, que nous devons en être les garants, que cela fait partie des objectifs stratégiques", a déclaré le ministre de l'Economie et des Finances sur RTL.

"Il n'était donc pas acceptable que l'on cède le contrôle de l'un des premiers distributeurs et du premier employeur privé français, garant de la sécurité alimentaire des Français, à une entreprise étrangère, aussi respectable soit-elle", a-t-il poursuivi, assurant que la France restait ouverte aux investissements étrangers au-delà de ce cas particulier.

Les analystes de Citi jugent encore possible une relance des discussions entre Carrefour et Couche-Tard à une date ultérieure. Un accord de fusion entre Carrefour et Casino est cependant également une possibilité, note la banque américaine d'investissement.

"Les éléments de langage et le cours de Bourse de Carrefour et d'Alimentation Couche-Tard nous suggèrent que les deux parties se réengageraient au moindre encouragement, que ce soit maintenant ou à moyen terme", écrivent les analystes de Citi.

"En outre, nous continuons à nous demander si l'alliance avec Alimentation Couche-Tard pourrait conduire Carrefour et Casino Groupe à envisager de nouveau une fusion comme voie alternative, permettant des synergies à la fois sur le plan national et en Amérique latine".

(Allison Lampert à Montreal et Noor Zainab Hussain à Bangalore; version française Claude Chendjou et Jean-Philippe Lefief, édité par Bertrand Boucey)