"On ne pouvait pas maintenir Renault dans une situation où la gouvernance était temporaire. Quand j'ai appris que ma caution était de nouveau refusée, j'ai décidé de démissionner", a-t-il dit dans une interview aux Echos et à l'AFP, réalisée depuis son lieu de détention au Japon. "Mais j'aurais ardemment souhaité avoir l'occasion de m'expliquer devant le conseil d'administration de Renault."

Le groupe au losange a nommé une semaine plus tôt, jour pour jour, le président de Michelin Jean-Dominique Senard pour succéder à Carlos Ghosn à la présidence du groupe. Ses deux priorités sont de présenter d'ici quelques semaines une nouvelle gouvernance chez Renault et de renouer le dialogue avec Nissan sur l'évolution de l'alliance franco-japonaise.

"Je suis si fier d'avoir conduit cette entreprise de 2005 à 2018 et de l'avoir aidé à se transformer en un groupe si fort, en termes de profitabilité, de croissance, de qualité des produits et de technologies", a ajouté Carlos Ghosn. "Les résultats financiers de 2018 vont d'ailleurs être excellents."

Renault publiera ses résultats annuels le 14 février. La présentation, en l'absence cette fois de celui qui a incarné le groupe pendant 14 ans, sera assurée par le directeur général Thierry Bolloré et la directrice financière Clotilde Delbos.

CONCENTRÉ MAIS FATIGUÉ

Carlos Ghosn, qui se dit "concentré" pour restaurer sa réputation, a rejeté à nouveau les accusations portées contre lui, déclarant par exemple que les fonds de Nissan versés à l'homme d'affaires saoudien Khaled Al-Juffali "ont été signés par quatre cadres de Nissan". Il estime être victime d'un complot visant notamment à faire capoter son projet de renforcer l'intégration entre Renault et Nissan.

"Il y avait beaucoup d'opposition et d'anxiété sur le projet d'intégrer les trois entreprises (Renault, Nissan et Mitsubishi) ensemble", a-t-il dit, ajoutant avoir discuté dès la fin 2017 d'une holding qui aurait contrôlé les trois entités et possédé la totalité des actions des groupes, tout en respectant l'autonomie de chacun.

Les discussions avaient ralenti entre juillet et septembre dernier, avant de reprendre, a-t-il ajouté.

Prié de dire s'il avait prévu de limoger Hiroto Saikawa, le directeur général de Nissan qui a conduit la charge contre lui après son arrestation, il a répondu que la baisse de la performance de Nissan ces deux dernières années constituait un problème.

"Quand la performance d'une entreprise baisse, aucun PDG n'est immunisé contre un limogeage. Personne ne peut y échapper. C'est la règle dans toute entreprise. Il n'y a aucune exception", a déclaré Carlos Ghosn.

Sous le coup de trois chefs d'accusation, il a vu jusqu'ici toutes ses demandes de libération sous caution rejetées. Un de ses avocats a dit jeudi espérer à nouveau que la prochaine demande en ce sens sera couronnée de succès. Il a ajouté que si ses conditions de détention s'étaient améliorées, il n'avait toujours pas pu parler à sa famille.

"Quand je dors la nuit, la lampe est toujours allumée. Je n'ai même pas de montre. Pas de notion du temps. J'ai seulement 30 minutes par jour pour sortir sur le toit. L'air frais me manque tant", a dit Carlos Ghosn aux Echos et à l'AFP. "Oui je suis fort, mais je suis fatigué de tout ça."

(Edité par Jean-Michel Bélot)

par Gilles Guillaume