La rémunération du PDG de Renault, déjà au coeur d'une polémique l'an dernier après son rejet par les actionnaires et les critiques du Medef, se trouve à nouveau dans le collimateur malgré les efforts d'apaisement du conseil d'administration, en juillet 2016.

Reuters a révélé mardi que des banquiers de l'alliance ont élaboré un projet préliminaire permettant de verser des millions d'euros de bonus annuels supplémentaires au PDG Carlos Ghosn et à d'autres dirigeants via une société de service créée spécialement pour l'occasion.

"Ce bonus masquerait (...) la réalité des profits que tirent les principaux dirigeants de l'entreprise de leur stratégie, dont Carlos Ghosn. Qui plus est, après avoir donné l'illusion d'avoir baissé sa rémunération après l'assemblée générale des actionnaires de 2016 !", a réagi la CGT dans un communiqué.

Le syndicat ajoute avoir interpellé mardi après-midi Carlos Ghosn pour qu'il s'explique.

L'Etat français, principal actionnaire de Renault, s'est refusé à tout commentaire. Mais selon le Parisien, qui cite un fonctionnaire, la révélation de ce système a "contrarié" Bercy.

SELON LE PARISIEN, L'ETAT VOTERA CONTRE

L'Etat français s'oppose régulièrement à Carlos Ghosn sur ses éléments de salaire. A l'assemblée générale de 2016, le PDG avait sauvé sa rémunération de 7,25 millions d'euros malgré un vote sanction des actionnaires, dont l'Etat. En ajoutant le salaire versé par Nissan, la rémunération de Carlos Ghosn a atteint 15,6 millions d'euros, faisant de lui le troisième patron le mieux payé des dirigeants du CAC 40 en 2015.

Après le tollé soulevé dans le sillage de l'AG de 2016, le conseil d'administration de Renault avait finalement décidé de réduire de 20% la part variable de la rémunération du PDG. A l'automne dernier, Bercy estimait cependant qu'on était toujours loin du compte et l'alternance politique semble ne pas avoir changé la donne.

Selon le Parisien, qui cite un proche du ministre de l'Economie Bruno Le Maire, "Cette année encore, les représentants de l'Etat s'opposeront à la rémunération de Carlos Ghosn et voteront contre."

La décision de Carlos Ghosn de renoncer en février 2017 à la direction générale de Nissan, pour n'en conserver que la présidence, peut néanmoins contribuer à l'apaisement.

ISS, organisme influent de conseil aux actionnaires, a ainsi recommandé de voter cette année en faveur des résolutions sur la rémunération, alors que l'an dernier il avait appelé à voter contre.

La rémunération de Carlos Ghosn au titre de 2016 se monte à 7,06 millions d'euros, contre 7,25 millions l'année précédente, soit une baisse de 2,6%. Le "say on pay" des actionnaires reste consultatif sur le montant de rémunération de l'exercice écoulé, mais devient contraignant sur la politique de rémunération à venir.

Des actionnaires de Renault et leurs représentants ont demandé début juin à l'Autorité des marchés financiers (AMF) d'enquêter sur l'évolution passée de la gouvernance de l'alliance Renault-Nissan, qu'ils ne jugent pas assez transparente. Mercredi, l'AMF a confirmé avoir reçu cette demande, mais refusé de faire un commentaire sur les suites qu'elle entend lui donner.

(Gilles Guillaume et Laurence Frost, édité par Jean-Michel Bélot)

par Gilles Guillaume et Laurence Frost