Cette requête constitue la première manoeuvre juridique d'importance de la nouvelle équipe de défense de l'ancien président de Nissan, emmenée par Junichiro Hironaka, qui a repris le dossier en février.

Carlos Ghosn a été arrêté en novembre après que Nissan a transmis à la justice le résultat d'une enquête interne qui mettait en lumière des actes de malversations financières.

L'ex-administrateur de Nissan, Greg Kelly, a également été inculpé avant d'être libéré lui aussi sous caution.

Le parquet de Tokyo accuse par ailleurs Nissan d'avoir fait de fausses déclarations dans ses rapports annuels.

"Quel que soit le point de vue que vous adoptez, il serait curieux d'avoir Ghosn à côté de Nissan au procès, cela irait à l'encontre de son droit à un procès équitable", a déclaré Junichiro Hironaka lors d'une conférence de presse.

Au Japon, Carlos Ghosn fait l'objet de poursuites au pénal pour avoir omis de déclarer environ 82 millions de dollars (environ 73 millions d'euros) de salaire et pour avoir transféré temporairement à Nissan des pertes financières personnelles durant la crise financière mondiale.

Junichiro Hironaka a déclaré lors de son point presse qu'il souhaitait voir le dossier Ghosn séparé de celui de Greg Kelly, car ce dernier pourrait être un témoin clé pour la défense de Carlos Ghosn.

"Je comprends pourquoi les avocats de Ghosn ne veulent pas qu'il soit jugé en même temps que Nissan", commente Nobuo Gohara, un avocat qui n'est pas un impliqué dans ce dossier. "Nissan plaidera coupable et cela influera clairement sur la tonalité du procès."

Aucun commentaire n'a pu être obtenu dans l'immédiat auprès des procureurs japonais. Un porte-parole de Nissan a répondu que le groupe ne commentait les procédures judiciaires

LA CONNECTION OMAN

En France, la justice a de son côté ouvert une enquête préliminaire sur les conditions de financement du mariage de l'ancien homme fort de l'alliance Renault-Nissan au château de Versailles, dont Renault est mécène. Le constructeur automobile français a signalé au parquet avoir découvert l'existence de flux financiers suspects vers Oman [nL8N21J54U].

Selon l'enquête interne, Renault a versé pour plusieurs millions d'euros désignés comme des primes de performance à Suhail Bahwan Automobiles, distributeur commercial des marques de l'alliance à Oman, ont dit deux sources au fait du contenu détaillé des investigations.

Né au Brésil de parents libanais, Carlos Ghosn, 65 ans, conserve un puissant réseau d'amis et d'associés au Liban. L'enquête de Nissan a montré qu'une maison à Beyrouth figure parmi les différentes propriétés à travers le monde qui ont été achetées par le constructeur japonais pour l'usage de son ex-président.

L'audit conjoint sur la structure de management de l'alliance Renault-Nissan BV a comptabilisé quant à lui pour 1,2 million d'euros de donations au Liban et autres dépenses sujettes à caution, ont ajouté les deux sources.

Selon elles, l'audit examine notamment l'utilisation de quatre jets d'entreprise financés par l'entité enregistrée aux Pays-Bas et le paiement annuel d'environ 170.000 euros à Carlos Abou Jaoude, l'avocat personnel de Carlos Ghosn au Liban, sur une période de six ans. L'enquête ne suggère aucune malversation de la part de l'avocat.

Les éléments communiqués par Renault au parquet suggèrent aussi qu'une partie des fonds passé par Oman ont été transférés à la société californienne co-fondée par le fils de Carlos Ghosn, Anthony Ghosn, ont ajouté les sources.

Rien ne suggère en revanche d'éventuelles malversations de la part d'Anthony Ghosn ni qu'il avait connaissance de l'origine des fonds investis dans sa société, Shogun Investments LLC. Le porte-parole de la famille Ghosn, qui représente aussi Anthony, a refusé de faire un commentaire.

Il a déclaré que Carlos Ghosn n'a été inculpé pour aucun délit en relation avec les versements à Oman découverts par les deux constructeurs.

Libéré début mars sous caution, l'ancien patron dément toutes les accusations portées contre lui.

Son procès au Japon doit théoriquement débuter fin septembre, mais l'avocat Juichiro Hironaka a déclaré mardi que ce calendrier pourrait être difficile à tenir.

Il s'attend à ce que son client soit encore présent sur le sol japonais pendant au moins une année. Et s'il n'exclut pas la possibilité que de nouvelles charges soient retenues contre Carlos Ghosn au Japon, il indique qu'il n'acceptera rien d'autre qu'une disculpation pour son client.

(Avec Laurence Frost à Paris, Nicolas Delame, Claude Chendjou et Gilles Guillaume pour le service français, édité par Benoît Van Overstraeten)

par Naomi Tajitsu et Tim Kelly