Désigné en interne comme le "plan de redressement de la performance", cet ensemble de mesures constitue une rupture franche avec la stratégie définie par l'ancien patron Carlos Ghosn, qui avait fixé des objectifs de ventes ambitieux sur les principaux marchés du groupe, notamment aux Etats-Unis.

Ce plan vise à sortir le constructeur automobile japonais de la crise alors qu'il s'attend à réaliser cette année son plus faible bénéfice depuis 11 ans. Ses difficultés ont été aggravées par l'arrestation en novembre dernier de Carlos Ghosn pour des malversations financières que l'ancien président dément, un scandale qui a contribué à exacerber les tensions avec son partenaire d'alliance Renault.

D'après les sources, Nissan va probablement mettre fin aux versions déficitaires de son grand pick-up Titan, notamment les modèles à deux portes et diesel.

La fermeture prévue des lignes d'assemblage sous-utilisées va très certainement frapper avant tout les usines des pays émergents où sont produites les Datsun et d'autres petits modèles, ont ajouté les sources.

"Nous devons mettre en place un redressement mais le mal est profond", a dit l'une d'elles.

"NETTOYER" LE PASSÉ

La deuxième source a déclaré que des réductions de capacités de production étaient envisagées dans tous les pays, à l'exception de la Chine. Il n'est toutefois pas prévu de fermer des usines entières ou de se retirer complètement d'un pays donné, a-t-elle ajouté.

Aux Etats-Unis, Nissan veut redoubler d'efforts pour mettre fin à la stratégie consistant à chercher à gagner des parts de marché via une politique de rabais massifs accordés aux agences de location et aux exploitants de flotte automobile. Cette pratique a sapé la rentabilité de Nissan et son image de marque aux Etats-Unis.

"Nous essayons de nettoyer ce qui a été fait dans le passé", a dit l'une des sources, selon laquelle la volonté de Carlos Ghosn de vendre à tout prix aux Etats-Unis revenait à "pratiquement donner des voitures" aux gérants de flotte.

Une équipe dirigée par Jun Seki, vice-président et futur vice-directeur général adjoint, devrait présenter ce vaste plan d'ici la fin du mois même si certains détails sont toujours en cours de finalisation, ont dit les sources.

Jun Seki fait partie de la nouvelle équipe de direction formée autour de Makoto Uchida, qui prendra les rênes du constructeur le 1er janvier.

Nissan a refusé de s'exprimer sur le sujet.

Le constructeur japonais avait déjà évoqué en juillet des réductions de capacités de production en plus de la suppression de 12.500 emplois à travers le monde d'ici 2023.

L'objectif de ce plan est de libérer des ressources pour se concentrer davantage sur les Etats-Unis et la Chine, ont dit les sources.

Pour cela, Nissan va renoncer à la stratégie d'expansion agressive mise en place par Carlos Ghosn dans le cadre d'un plan sur cinq ans, qui devait porter la marge et la part de marché mondiale à 8% d'ici 2016, des objectifs qui n'ont jamais été atteints.

PAS DE RÉSULTATS RAPIDES ATTENDUS

L'essentiel de cette restructuration va probablement concerner la marque Datsun, progressivement abandonnée dans les années 1980 avant d'être relancée pour les marchés émergents sous Carlos Ghosn. Ses modèles sont assemblés en Indonésie, en Inde et en Russie.

D'après les sources, les problèmes ont commencé lorsque Nissan a entrepris en 2014 de lancer ces voitures bas de gamme sur des marchés de faible importance pour lui, comme l'Indonésie, l'Inde, la Russie et l'Afrique du Sud, où il vendait déjà des véhicules de sa propre marque.

"On a fini par pousser deux marques sur un marché dont on contrôlait 1% ou 2%. On ne peut pas faire ça", a dit une source.

Sur ses principaux marchés, Nissan mise sur de nouveaux modèles ou de nouvelles versions de modèles existants, à l'image de la nouvelle Altima lancée en fin d'année dernière aux Etats-Unis, pour revoir sa politique de prix.

"Reste qu'il faut environ un an pour commencer à obtenir des résultats tangibles", a dit l'une des sources, selon laquelle les ventes aux Etats-Unis continueront de baisser d'ici là.

(Avec Aditi Shah à New Delhi, Paul Lienert à Detroit et Naomi Tajitsu à Tokyo; Bertrand Boucey pour le service français, édité par Jean-Michel Bélot)

par Norihiko Shirouzu