Hiroto Saikawa, directeur général de Nissan, a affirmé devant la presse qu'il s'efforcerait de minimiser les répercussions de cette probable mise à l'écart sur l'alliance nouée avec le constructeur français et dont Carlos Ghosn était l'architecte.

Les administrateurs de Renault, qui, selon Hiroto Saikawa, n'ont été informés que récemment des soupçons de Nissan sur Carlos Ghosn, ont exprimé leur attachement à la défense des intérêts du groupe français au sein de ce partenariat.

Le conseil d'administration de Renault, dont Carlos Ghosn est le PDG, se réunira "au plus vite".

L'Etat français, premier actionnaire de Renault avec 15% du capital, "sera extrêmement vigilant à la stabilité de l'alliance et au groupe", a pour sa part promis le président Emmanuel Macron.

L'action Renault a terminé en repli de 8,62%, sa plus forte baisse en une séance depuis le 24 juin 2016, au lendemain du référendum sur le Brexit. Le titre a accusé lundi la plus forte baisse de l'indice CAC 40.

"Il est difficile de ne pas conclure qu'un gouffre est peut-être en train de se creuser entre Renault et Nissan", observe Max Warburton, analyste de Bernstein, qui évoque la perspective d'une "re-japonisation" de Nissan et de la fin de l'alliance.

Au-delà des diverses accusations de fraude portées contre Carlos Ghosn, notamment la minoration de ses revenus déclarés aux autorités boursières nippones, Hiroto Saikawa a jugé que la longueur de son règne à la tête de Nissan, dont il était devenu directeur général en 1999, avait nui aux activités du constructeur japonais.

Il a aussi dénoncé une concentration excessive des pouvoirs entre les mains du patron français de 64 ans, une personnalité majeure du secteur automobile mondial et qui n'a pas encore finalisé de plan de succession à la tête de Renault et de l'alliance.

"PROBLÈME DE GOUVERNANCE IMPORTANT"

"Le problème de gouvernance était important", a-t-il dit à la presse tout en confirmant l'arrestation de Carlos Ghosn, l'un des rares dirigeants étrangers à la tête d'une entreprise japonaise. "Quand on regarde en arrière, en 2005, quand il est devenu directeur général à la fois de Renault et de Nissan, nous n'avons pas vraiment discuté des conséquences."

Qualifiant de graves et inacceptables les fraudes reprochées à Carlos Ghosn, auquel il a succédé au poste de directeur général de Nissan l'an dernier, Hiroto Saikawa a annoncé qu'il proposerait jeudi au conseil d'administration de Nissan la mise à l'écart de son président, considéré au Japon comme celui qui a sauvé le constructeur de la faillite.

"Avoir tant abusé de la confiance de beaucoup de gens, je me sens empli de déception et de regrets", a-t-il déclaré. "C'est très difficile à exprimer (...) Ce n'est pas seulement de la déception mais un sentiment plus fort d'indignation et, pour moi, d'abattement."

Déclenchée à la suite d'une dénonciation, une enquête interne de plusieurs mois a permis d'établir que Carlos Ghosn avait sous-évalué pendant des années ses revenus déclarés aux autorités boursières et avait aussi utilisé de l'argent de Nissan à des fins personnelles, a dit le groupe japonais, sans donner de chiffres.

Nissan accuse un autre administrateur, Greg Kelly, de complicité et compte aussi l'évincer.

D'après les médias japonais, Carlos Ghosn aurait sous-évalué sa rémunération de près de moitié, déclarant près de 5 milliards de yens (38,82 millions d'euros) alors qu'il aurait dû en déclarer 10 milliards.

Né au Brésil, d'origine libanaise et de nationalité française, Carlos Ghosn a rejoint Nissan en 1999 après l'acquisition par le constructeur automobile français d'une participation dans le groupe japonais.

Il a personnellement façonné leur alliance, dont il est le PDG, et s'est engagé à la consolider par un rapprochement plus étroit avant la fin de son actuel mandat qui s'achève en 2022.

Sa rémunération a régulièrement suscité des débats en France.

En juin, les actionnaires de Renault ont approuvé à une courte majorité la rémunération de 7,4 millions d'euros pour 2017 attribuée à Carlos Ghosn, qui a aussi reçu 9,2 millions d'euros pour sa dernière année comme directeur général de Nissan.

(Dominique Rodriguez et Bertrand Boucey pour le service français, édité par Gilles Guillaume et Benoît Van Overstraeten)

par Ritsuko Ando et Maki Shiraki