Le constructeur, qui recherche de nouveaux partenaires industriels pour compenser la baisse des ventes à Nissan et Daimler, a engagé une revue complète de l'ambitieux plan "Drive the future" lancé par l'ex-PDG Carlos Ghosn fin 2017, à une époque où Renault enchaînait les résultats record au sein d'une alliance avec Nissan et Mitsubishi devenue le premier groupe automobile mondial.

Deux ans plus tard, cette stratégie a fait long feu.

Fragilisé par sa politique de remises pour soutenir ses ventes aux Etats-Unis, Nissan a revu en baisse ses prévisions de résultats en début d'année. Renault a fait de même la semaine dernière, affecté par une dégradation de ses marchés et une chute des ventes à ses partenaires, une des recettes de son succès passé.

"Il est trop tôt pour mentionner les pistes sur lesquelles nous travaillons, nous avons quelques idées que nous avons mises sur le papier, il faut les préciser avant de pouvoir tout annoncer, j'imagine dans quelques mois", a dit Clotilde Delbos, directrice générale par intérim et directrice financière de Renault au cours d'une téléconférence avec les analystes.

Le nouveau plan privilégiera les prix face aux volumes ainsi que le contrôle des coûts face aux dépenses accrues induites par le durcissement réglementaire sur les émissions polluantes.

Au troisième trimestre, les prix ont déjà eu un effet positif substantiel de 2,1 points sur les ventes et les nouveaux lancements - Clio 5, deuxième voiture la plus vendue en Europe, nouvelle Zoé électrique et nouveau Captur, autre best-seller du groupe - devraient l'aider dans cette voie.

"Nous attendons la nouvelle stratégie du groupe pour comprendre les principaux leviers du plan", commente Citi dans une note. "Renault (et l'alliance) se trouvent au milieu d'une transition et la nature complexe de la phase actuelle fait qu'il est difficile de trouver un bon scénario d'investissement."

L'action, qui avait perdu une semaine plus tôt 11% à l'ouverture après son warning, fait du surplace vendredi matin (-0,4%).

OPPORTUNITÉS DANS LES UTILITAIRES, L'ÉLECTRIQUE, L'HYBRIDE

Les hausses de prix au troisième trimestre n'ont pas suffi à compenser la dégradation des ventes aux partenaires (-5,5 points), qui a contribué à l'avertissement de la semaine passée.

Ces ventes ont été plombées par la demande mitigée pour le SUV Rogue de Nissan, fabriqué chez Renault en Corée du Sud pour les Etats-Unis, et pour la Nissan Micra fabriquée chez Renault à Flins, ainsi que par la contre-performance d'une des Smart de Daimler, produite également par le constructeur français en Slovénie.

La baisse de la demande de tiers pour les véhicules utilitaires assemblés chez Renault, la fermeture du marché iranien depuis août 2018 et la disgrâce des motorisations diesel ont également pesé sur les trois mois écoulés.

"Je ne crois pas à un rebond des ventes à partenaires dans un futur proche", a ajouté Clotilde Delbos.

Pour redresser la barre, le groupe discute actuellement avec d'autres constructeurs pour leur proposer ses services dans les fourgons, l'électrique ou l'hybride. "Nous sommes en discussion avec beaucoup d'autres partenaires pour trouver des idées et remplir le tuyau", a poursuivi la directrice générale.

Dans un secteur plus que jamais à la recherche d'économies d'échelle, Renault a failli en juin fusionner avec Fiat Chrysler. Recentré depuis sur son alliance avec Nissan, il explore actuellement de nouvelles pistes de synergies au niveau des régions et des fonctions.

En référence à l'abandon possible par Nissan de la marque Datsun, l'un des projets phare de l'ère Ghosn, Clotilde Delbos a été interrogée sur l'avenir du programme de Formule Un de Renault, aussi prestigieux que coûteux, ou sur celui de la marque Alpine, relancée en 2017.

"Si nous ne visons pas spécifiquement ces deux activités (...) tout peut être sur la table à un certain point", a-t-elle répondu. "Ce n'est pas une revue mineure, mais une revue de fond en comble pour tenir compte du nouveau contexte de marché."

Comme Michelin et Valeo la veille, Renault a abaissé ses prévisions de marché, avec désormais un recul attendu de 4% à l'échelle mondiale contre -3% anticipé jusqu'à présent.

Renault a répété en revanche ses nouvelles prévisions abaissées pour 2019, soit un recul de 3% à 4% de son chiffre d'affaires et une marge opérationnelle de l'ordre de 5%. Ces nouveaux objectifs l'éloignent du chiffre d'affaires de plus de 70 milliards et de la marge opérationnelle de plus de 7% visés par Carlos Ghosn à l'horizon 2022.

(Edité par Bertrand Boucey)

par Gilles Guillaume et Christian Lowe