* Renault veut un ou deux administrateurs dans chaque comité du conseil de Nissan

* Nissan juge les demandes de Renault "hautement regrettables"

* Nissan y voit de possibles conflits d'intérêts - source (Actualisé avec Nissan confirmant avoir reçu une lettre de Renault, cours de Bourse)

par Laurence Frost et Naomi Tajitsu

PARIS/TOKYO, 10 juin (Reuters) - Renault a laissé entendre qu'il bloquerait l'adoption des réformes de gouvernance de son partenaire Nissan, secoué par le scandale Carlos Ghosn, s'il n'était pas mieux représenté dans la nouvelle organisation, une position jugée "hautement regrettable" par le constructeur japonais.

La menace brandie par le constructeur français, qui détient 43,4% de Nissan, est une nouvelle preuve de l'aggravation des tensions entre les deux partenaires, dont l'alliance vieille de 20 ans est sous pression depuis l'arrestation en novembre de Carlos Ghosn, ex-président des deux groupes et architecte de cette alliance.

A la Bourse de Tokyo, le titre Nissan a terminé sur un gain de 0,84%, sous-performant l'indice Nikkei (+1,2%). A Paris, l'action Renault, soutenue par les informations de Reuters selon lesquelles une reprise des négociations de fusion avec FCA n'est pas exclue, gagnait 2,03% à 11h00, l'une des plus fortes hausses du CAC 40 (+0,24%).

Les liens entre Nissan et Renault ont été une nouvelle fois mis à l'épreuve par le projet, avorté la semaine dernière, de rapprochement entre le constructeur français, dont l'Etat détient 15%, et le groupe italo-américain Fiat Chrysler Automobiles (FCA).

Nissan a confirmé lundi avoir reçu une lettre de Renault l'informant de son intention de s'abstenir lors de vote relatif aux changements de gouvernance que le groupe japonais soumettra à son assemblée générale, prévue le 25 juin. Le constructeur français bloquerait ainsi de fait l'adoption de cette réforme, qui nécessite une majorité des deux tiers pour être approuvée.

Dans la lettre de Renault à Nissan, que Reuters a pu lire, le premier estime que la nouvelle structure de gouvernance élaborée par le second, qui comprend notamment des comités statutaires composés d'administrateurs pour la plupart indépendants, risque de diluer son influence.

"Nous sommes fermement convaincus que les droits de Renault en tant qu'actionnaire de Nissan à 43,4% doivent être pleinement reconnus et qu'au minimum, un ou deux administrateurs proposés par Renault devraient être membres de chacun des trois comités", lit-on dans la lettre.

"Au vu des propositions actuelles, cela ne semble pas être le cas."

NISSAN REGRETTE LA "NOUVELLE POSITION" DE RENAULT

Nissan a de son côté souligné que son conseil, où siègent le président de Renault, Jean-Dominique Senard, et d'autres dirigeants du constructeur français, avait voté à l'unanimité en faveur du système à trois comités, ajoutant qu'il continuerait à promouvoir un changement de gouvernance.

"Nissan estime hautement regrettable la nouvelle position de Renault sur ce sujet, une telle position contre-carrant les efforts de l'entreprise pour améliorer sa gouvernance d'entreprise", poursuit le constructeur japonais dans un communiqué.

Une porte-parole de Renault n'a pas répondu dans l'immédiat à des demandes de commentaire.

Une source proche du constructeur français a dit que la lettre de Jean-Dominique Senard traduisait la crainte de Renault d'être sous-représenté au sein des comités de Nissan, dont la création a été décidée à la suite de l'arrestation en novembre dernier de Carlos Ghosn, accusé de malversations financières qu'il conteste.

"Ce n'est pas une abstention définitive, et la position de Renault peut encore évoluer", a expliqué cette source. "Mais pour l'instant, Renault n'a pas l'assurance d'être correctement représenté dans les différents comités, au regard de sa position de principal actionnaire de Nissan."

Une autre source a dit à Reuters que Renault n'avait pas encore été informé de la composition détaillée prévue pour chacun des trois comités.

CONFLIT D'INTÉRÊTS POTENTIEL

Une source proche de Nissan a déclaré que Thierry Bolloré, directeur général de Renault, avait émis le souhait de siéger aux nouveaux comités du constructeur japonais.

Mais ceci pourrait soulever des questions au sujet d'un possible conflit d'intérêts puisque cela donnerait à Renault une voix au chapitre concernant la gouvernance ou encore la politique de rémunérations de Nissan, a poursuivi la source.

Selon l'agence de presse Jiji, le directeur général de Nissan, Hiroto Saikawa a dit : "Nous nous préparons pour la réunion des actionnaires et nous discuterons des questions nécessaires au moment opportun. S'il y a des divergences d'opinions (avec Renault), j'aimerais qu'on en discute".

Le système à trois comités avait été recommandé en mars par une équipe indépendante désignée par Nissan. Selon la proposition d'alors, Renault était libre ou non de siéger au comité de nominations mais pas à celui des rémunérations ni à celui d'audit.

(Avec la contribution de Kanishka Singh à Bangalore et David Dolan à Tokyo, Jean-Michel Bélot, Arthur Connan et Benoît Van Overstraeten pour la version française, édité par Marc Angrand)

Valeurs citées dans l'article : Nissan Motor Co Ltd, Fiat Chrysler Automobiles, Renault