Ce signalement, qui concerne des flux ayant circulé entre 2011 et 2016, a été réalisé en fin de semaine dernière, a précisé l'une des sources.

L'existence des paiements a été découverte par l'enquête interne ouverte par Renault après l'arrestation de Carlos Ghosn, en novembre dernier, sur des accusations de malversations financières chez Nissan, qu'il dément.

Selon cette enquête, Renault a versé pour plusieurs millions d'euros désignés comme des primes de performance à Suhail Bahwan Automobiles, distributeur commercial des marques de l'alliance à Oman, ont dit les sources au fait du contenu détaillé des investigations.

Les éléments adressés par Renault au parquet suggèrent également que l'essentiel des fonds a été ensuite transféré à une société libanaise contrôlée par des associés de Carlos Ghosn. Selon les sources, la somme totale versée par le groupe français se chiffre à au moins dix millions.

"Nous démentons catégoriquement les allégations sur un potentiel détournement de fonds à Oman", a déclaré l'avocat français de Carlos Ghosn, Jean-Yves Le Borgne, sans autre commentaire.

Nissan a établi pour sa part dès janvier que sa propre filiale régionale avait effectué des paiements suspects de plus de 30 millions de dollars à SBA. Selon des sources, l'enquête vise à déterminer si les fonds ont servi à rembourser des dettes personnelles.

Un porte-parole de la famille Ghosn avait expliqué fin mars que les paiements de 32 millions de dollars sur neuf ans constituaient des primes de performance versées au distributeur local de Nissan en raison de ses très bons résultats de ventes, et qu'ils relevaient des patrons régionaux, pas du PDG.

Un porte-parole de Renault n'était pas en mesure dans l'immédiat de commenter les informations sur le signalement au parquet, tandis que le parquet et SBA n'étaient pas joignables pour faire un commentaire.

UN YACHT A 15 MILLIONS

Après l'éclatement de l'affaire Ghosn, Renault a cherché dans un premier temps à rester en dehors de l'enquête lancée par Nissan, qui avait démis son président dans la semaine qui a suivi son arrestation.

Mais la détention de son PDG au Japon ne cessant de se prolonger, le constructeur automobile français a fini par le remplacer en janvier par un président et un directeur général, tandis que les deux partenaires de l'alliance ont lancé un audit indépendant de leurs finances communes le mois suivant.

Les résultats de l'enquête interne de Renault devaient être présentés au comité d'audit, risque et éthique (CARE) du groupe au losange, qui s'est réuni lundi après-midi, puis devraient l'être devant le prochain conseil d'administration du constructeur, qui se tient mercredi matin.

Selon les deux sources, le cash provenant des budgets du "bureau du CEO" de Ghosn, à la fois chez Renault et Nissan, a transité via les divisions régionales des ventes à destination de SBA, puis d'un intermédiaire libanais, "Good Faith Investments Holding".

Elles ajoutent que l'argent est ensuite parti vers des entités privées, parmi lesquelles un véhicule domicilié dans les Iles vierges britanniques qui a payé pour un yacht de 15 millions de dollars.

Un porte-parole de la famille Ghosn a déclaré que Carlos Ghosn n'a été inculpé pour aucun délit en relation avec les versements à SBA découverts par les deux constructeurs.

Le nouveau président de Renault Jean-Dominique Senard, qui cédera en mai les rênes de Michelin pour se consacrer intégralement à la présidence de Renault, s'est vu confier plusieurs tâches, notamment celle de mettre sur pied une nouvelle gouvernance pour tourner la page sur le PDG déchu.

Pour continuer de se familiariser avec l'univers Renault, il a poursuivi lundi, selon une source proche du groupe, sa tournée des sites avec sa première visite au Technocentre de Guyancourt (Yvelines).

(Avec les contributions d'Emmanuel Jarry, Alexander Cornwell, Tuqa Khalid et Norihiko Shirouzu, édité par Jean-Michel Bélot)

par Laurence Frost et Gilles Guillaume