DETROIT (Reuters) - Le directeur général de Stellantis a mis en garde contre la pression extérieure exercée sur les constructeurs automobiles pour qu'ils accélèrent le passage au tout électrique car elle risque de menacer l'emploi et la qualité des véhicules en raison du surcoût de production de cette technologie.

Les gouvernements et les investisseurs veulent une accélération de la transition vers la voiture électrique, mais à un coût qui "dépasse les limites" de ce que la filière automobile peut encaisser, a prévenu Carlos Tavares dans une interview publiée mercredi à l'occasion du sommet Reuters Next.

"Ce qui a été décidé, c'est d'imposer à l'industrie automobile une électrification qui ajoute 50% de coûts additionnels à un véhicule conventionnel", a-t-il déclaré. "Il est impossible que nous répercutions 50% de coûts additionnels au consommateur final, parce que la majeure partie de la classe moyenne ne sera pas capable de payer."

Les constructeurs peuvent augmenter leurs tarifs et vendre moins de voitures, ou accepter de voir leurs marges baisser, a poursuivi le directeur général du groupe né de la fusion entre PSA et FCA. Deux options qui conduisent toutes deux à réduire la voilure, et les responsables syndicaux en Europe et en Amérique du Nord craignent plusieurs milliers de pertes d'emplois.

Carlos Tavares a plaidé pour que les constructeurs automobiles se voient octroyer le temps dont ils ont besoin pour tester et s'assurer du bon fonctionnement de cette nouvelle technologie. Accélérer au contraire ce processus "sera simplement contre-productif. Il entraînera des problèmes de qualité. Il conduira à toutes sortes de problèmes."

Pour éviter de devoir tailler dans ses effectifs, Stellantis travaille à améliorer sa productivité à un rythme bien plus rapide que la norme du secteur. "Au cours de cinq prochaines années, nous devons digérer 10% de productivité par an (...) dans une industrie habituer à délivrer (des gains de) 2 à 3% de productivité", a poursuivi Carlos Tavares.

"L'avenir nous dira qui sera en mesure de digérer cela, et qui n'y parviendra pas. Nous sommes en train de pousser l'industrie à ses limites."

PRESSION POLITIQUE ET PRESSION BOURSIÈRE

Les coûts de production des véhicules électriques sont appelés à baisser, mais pas du jour au lendemain. Les analystes s'attendent à ce que la parité de coûts entre une voiture électrique à batterie et un modèle à moteur thermique soit atteinte au milieu de la décennie.

Comme les autres constructeurs historiques pour lesquels les moteurs essence et diesel contribuent encore largement aux résultats, Stellantis est confrontée à une concurrence inédite de la part de "pure players" de l'électrique, comme le nouvel entrant Tesla ou la start-up Rivian.

Les deux californiens restent bien plus petits en termes de volumes de ventes et d'effectifs, mais la Bourse leur donne des valorisations de marché supérieures aux acteurs historiques, notamment Stellantis, pourtant désormais le numéro quatre mondial du secteur et propriétaire de très rentables franchises de SUV ou de pick-ups comme Jeep ou Ram.

Cette pression des investisseurs vient s'ajouter à celle des gouvernements soucieux de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

L'Union européenne et la Californie figurent parmi les régions du monde désireuses d'interdire les ventes de véhicules à moteur thermique d'ici 2035. Le Royaume-Uni veut même aller encore plus vite, avec une date butoir en 2030 pour le passage au tout électrique.

Selon Carlos Tavares, les responsables politiques devraient aussi mettre l'accent sur la décarbonation du secteur de l'énergie et sur le développement des infrastructures de recharge.

Créé début 2021, Stellantis est en bonne voie pour atteindre son objectif de cinq milliards d'euros de synergies en rationalisant ses opérations, a poursuivi le directeur général du groupe franco-italo-américain.

Il a accéléré le développement des modèles électriques au sein du constructeur, promettant d'investir 30 milliards d'euros d'ici 2025 dans des nouvelles architectures de véhicules, des usines de batteries, l'approvisionnement en matières premières et les nouvelles technologies.

Stellantis a annoncé mardi avoir investi dans une start-up américaine de batteries dites "solides", Factorial, conjointement avec le groupe allemand Daimler.

"Nous pouvons investir davantage et nous enraciner plus profondément encore dans la chaîne de valeur. Il pourrait y avoir à l'avenir d'autres (investissements)", a ajouté Carlos Tavares.

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(Version française Gilles Guillaume, édité par Blandine Hénault)

par Joseph White