PARIS (Reuters) - Les hommes d'affaires Léon Bressler et Xavier Niel ont remporté mardi une première bataille contre la direction d'Unibail-Rodamco-Westfield (URW) et le projet de renforcement des finances du groupe d'immobilier commercial, affaibli par la crise du coronavirus.

Les actionnaires ont non seulement rejeté le projet d'augmentation de capital de 3,5 milliards d'euros présenté en septembre, mais ils ont aussi approuvé l'entrée au conseil de surveillance des deux hommes d'affaires devenus investisseurs activistes.

URW a lancé mi-septembre un plan de renforcement de son bilan qui prévoyait à la fois une augmentation de capital, une limitation des dividendes et quatre milliards d'euros de cessions d'actifs.

Ce plan, dénommé RESET, s'est toutefois heurté à l'opposition du consortium d'investisseurs européens conduit par Xavier Niel, le patron d'Iliad et Léon Bressler, ancien dirigeant d'Unibail, qui contestaient le bien-fondé de l'appel au marché.

D'après eux, cette levée de fonds sur le marché aurait eu des "conséquences dévastatrices" pour les actionnaires alors même que URW dispose de liquidités qu'ils jugent suffisantes et qu'il a accès au marché obligataire.

Ils appelaient dans le même temps à une refondation du groupe pour en faire un "pure player" européen en cédant le portefeuille américain.

Une option réaffirmée mardi après leur élection au conseil, le consortium prônant dans un communiqué "une stratégie clair de recentrage sur le portefeuille d'actifs européens haut de gamme", tout en appelant la direction à "tirer les conclusions de ce résultat".

De son côté, la direction d'URW assurait que l'augmentation de capital était "indispensable et immédiate" pour renforcer le bilan du groupe dans un environnement volatil et risqué.

MAJORITÉ DES DEUX TIERS

L'assemblée générale d'URW était prévue ce mardi mais le vote a eu lieu à distance en raison de la pandémie et a été clôturé lundi.

Selon les résultats définitifs, la résolution autorisant le conseil d'administration à lancer une augmentation de capital n'a recueilli que 61,62% d'avis favorables, soit moins que la majorité des deux tiers requise.

Les nominations de Léon Bressler et Xavier Niel ont été approuvées respectivement à 63,26% et 60,99%. Les actionnaires ont aussi voté en faveur de la nomination de la femme d'affaires espagnole Susana Gallardo au conseil de surveillance.

Dans un communiqué, le président du directoire Christophe Cuvillier a déclaré que le groupe allait examiner "toutes les alternatives permettant de renforcer rapidement la structure financière du groupe". Mais il entend bien mettre en oeuvre les autres volets du plan RESET (cessions d'actifs, réduction du dividende en espèces, réduction des dépenses d'investissement), "qui restent indispensables à l'atteinte de nos objectifs de désendettement".

A la Bourse de Paris, l'action Unibail-Rodamco-Westfield s'envolait de 32,69% à 56,74 euros à 10h22. La valeur boursière du groupe accuse toutefois encore une chute de 60% depuis le début de l'année.

"Il y avait un gros risque que l'augmentation de capital entraîne une décote, comme c'est souvent le cas pour ce type d'opération (...) La valorisation repart et pourrait retrouver des niveaux plus conformes au business model", a commenté Mikaël Jacoby, responsable du trading Europe continentale chez Oddo BHF.

ESPOIRS SUR UN VACCIN

Le consortium mené par Léon Bressler et Xavier Niel a réussi à convaincre les actionnaires qu'une augmentation de capital menée en ce moment aurait été réalisée au niveau maximal de dilution, ont observé pour leur part les analystes de Jefferies, qui estiment toutefois que URW aura besoin tôt ou tard de lever des fonds.

"Si une grande partie de l'Europe est à nouveau confinée, la situation à court terme s'est améliorée grâce à l'annonce de Pfizer sur un vaccin et aux améliorations apportées aux tests rapides et de masse", ajoutent-ils dans une note.

Lundi, l'action Unibail-Rodamco-Westfield s'était déjà envolée de 24,3% après l'annonce par le laboratoire Pfizer que son vaccin expérimental contre le COVID-19 était efficace à plus de 90%, selon les premières données d'une vaste étude.

"Cette avancée médicale est une formidable nouvelle pour tous et marque une étape majeure dans la lutte mondiale contre la pandémie", Christophe Cuvillier dans le communiqué publié à l'issue de l'assemblée générale.

"Sous réserve de validation des étapes cliniques ultérieures, elle pourrait avoir un impact positif significatif sur l'immobilier de commerce en général, sur URW en particulier, et notamment sur nos opérations et la réalisation de notre plan de cession."

(Bertrand Boucey et Blandine Hénault, avec Patrick Vignal, édité par Marc Angrands)