DETROIT (Reuters) - De l'ascension fulgurante de l'action Tesla en Bourse à son entrée ce lundi dans le S&P-500, 2020 est véritablement l'année où le secteur automobile en général, et plus particulièrement américain, a pris le virage de l'électrique.

Jadis malmenée, la start-up fondée par le milliardaire Elon Musk pèse désormais plus de 600 milliards de dollars (493 milliards d'euros) en Bourse, soit une valorisation supérieure à celle cumulée des cinq premiers constructeurs automobiles au monde.

A l'orée de l'année 2021, tout porte à croire que le secteur va accélérer dans l'électrification, un tournant historique majeur comparable à la Model T de Ford au début du XXe siècle qui a marqué l'assemblage en série des véhicules.

L'ascension de Tesla s'est produite l'année où les fonds activistes et d'autres investisseurs ont intensifié la pression sur les entreprises pour lutter contre le changement climatique. Nombre d'investisseurs considèrent que le moteur thermique, créé il y a plus de 100 ans, vit ses derniers jours et devrait disparaître au cours de la prochaine décennie.

De Londres à Pékin en passant par les Etats comme la Californie, les responsables politiques ont également décidé de bannir le moteur à combustion des véhicules neufs dès 2030, dans un contexte de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

La pandémie due au nouveau coronavirus a également ébranlé le secteur automobile, amputant les revenus sur lesquels les constructeurs automobiles traditionnels comptaient pour financer leur transition vers la voiture "verte".

Le cabinet d'études IHS Markit estime que la production automobile mondiale ne retrouvera pas son niveau d'avant-crise avant 2023.

LES CONSOMMATEURS VONT-ILS PASSER À L'ÉLECTRIQUE?

L'année 2020 est également celle où les dirigeants du secteur, à l'image de Mary Barra, la directrice générale de General Motors, ont commencé à s'aligner sur les prévisions d'Elon Musk, selon lesquelles le coût des batteries pourrait bientôt être similaire à celui de la technologie des moteurs à combustion.

Reste à savoir si les consommateurs, notamment aux Etats-Unis, sont prêts à renoncer aux pick-up et grands SUV fonctionnant avec des moteurs essence ou diesel.

Ces modèles constituent toujours la majorité des ventes aux Etats-Unis et leur succès ont soutenu les ventes des constructeurs de Detroit après le déconfinement du printemps.

Selon l'intermédiaire Bernstein, les meilleurs fabricants de véhicules électriques et de batteries seront à même de proposer dès 2023 des modèles électriques au même coût que les véhicules thermiques.

"La partie est terminée pour les moteurs à combustion avec les véhicules électriques en 2030", écrivent les analystes de Bernstein.

La transition vers l'électrique accélère en parallèle la transformation du secteur vers le numérique, une grande partie de la valeur du véhicule étant désormais dans le logiciel, qui fournit non seulement des services via les écrans à bord mais aussi des fonctionnalités de conduite autonome.

Cette course vers la numérisation a poussé les principaux constructeurs traditionnels, à l'image de Daimler, à recruter des programmeurs et des experts en intelligence artificielle.

L'ingénierie automobile se mesure désormais à l'aune de la capacité du logiciel à gérer les systèmes de conduite autonome, l'autonomie de la batterie ou encore les flux de données.

Le système de mises à jour du logiciel des véhicules sans passer chez un concessionnaire, popularisé par Tesla, a été repris par les constructeurs traditionnels.

La pick-up Ford F-150, un modèle de la gamme la plus vendue du constructeur, a ainsi été repensée cette année pour offrir cette fonction.

LA PANDÉMIE ET LA CHINE

En novembre, le président du directoire de PSA, qui a choisi de fusionner avec le constructeur italo-américain Fiat Chrysler Automobiles (FCA), a dit s'attendre à d'autres mouvements de consolidation entre constructeurs automobiles pour pouvoir financer les importants investissements requis par l'électrification des voitures.

"Seuls les plus agiles, dans un esprit darwinien, survivront", avait alors prévenu Carlos Tavares, qui deviendra directeur général du groupe fusionné.

La pandémie a aussi renforcé l'importance de la Chine pour l'avenir du secteur au regard de son énorme marché et à la faveur d'une reprise plus rapide de l'économie qu'ailleurs.

Soucieuse de réduire son indépendance vis-à-vis du pétrole, la Chine pousse les constructeurs automobiles à réorienter leurs investisseurs vers les véhicules électriques et hybrides, à recentrer les activités de conception et d'ingénierie vers les villes du pays. Tesla a annoncé l'ouverture d'un centre de recherche et de développement en Chine.

"Nous devons revoir notre zone de production et la déplacer là où cela a du sens", a déclaré en octobre Ola Källenius, le président du directoire de Daimler, faisant référence à la Chine, son premier marché où le groupe a vendu l'an dernier environ 700.00 véhicules.

(Version française Claude Chendjou, édité par Jean-Michel Bélot)

par Joseph White