L'entrepreneur milliardaire américain Elon Musk, à la tête du géant des véhicules électriques Tesla, s'est forgé une réputation d'inventeur et de disrupteur, notamment dans le domaine de la construction automobile.

Son parcours montre cependant qu'il a su apprendre rapidement des autres en forgeant des alliances stratégiques avec des entreprises qui disposaient de la technologie dont Tesla avait besoin et en s'entourant de personnes talentueuses, sans hésiter à s'en affranchir par la suite.

Elon Musk s'apprête à faire un nouveau pas vers l'autonomie de Tesla le 22 septembre, jour de l'assemblée générale de la société et d'un évènement baptisé le "Battery Day" (Jour de la batterie), très attendu par ses actionnaires et fournisseurs alors qu'il laisse entendre depuis plusieurs mois qu'il devrait annoncer des avancées significatives dans la conception de nouvelles batteries.

Des batteries moins chères et à durée de vie plus longue, qui représentent une grande partie du coût d'une voiture électrique, sont au coeur de la méthode Musk et permettraient au constructeur de réduire sa dépendance vis-à-vis de son partenaire de longue date, le japonais Panasonic, estiment des sources proches du dossier.

"Elon ne veut pas qu'une partie de son entreprise dépende de quelqu'un d'autre", a déclaré un ancien cadre supérieur de Tesla qui a requis l'anonymat. "Et pour le meilleur ou pour le pire - parfois mieux, parfois pire - il pense qu'il peut le faire mieux, plus vite et moins cher."

"Il n'y a eu aucun changement dans notre relation avec Tesla", a toutefois déclaré une porte-parole de Panasonic.

DIRECT SUR MARS

Depuis qu'il est entré au capital de la jeune entreprise en 2004, avant d'en prendre les rênes en 2008, Elon Musk s'est donné comme objectif d'en apprendre suffisamment pour placer les technologies clés sous le contrôle de Tesla, estiment des personnes connaissant la stratégie du constructeur.

"Elon pensait pouvoir améliorer tout ce que les fournisseurs faisaient - tout", a déclaré Tom Wessner, ancien responsable de la chaîne d'approvisionnement chez Tesla, qui est aujourd'hui à la tête du cabinet de conseil industriel Imprint Advisors. "Il voulait tout faire."

Allié à la société allemande Daimler, l'un des premiers investisseurs de Tesla, Musk s'est intéressé aux capteurs permettant de maintenir les voitures dans les voies de circulation.

Jusqu'alors, la Tesla Model S, que les ingénieurs de Mercedes-Benz ont contribué à perfectionner, ne disposait ni d'appareils photo ni de capteurs et de logiciels d'aide à la conduite sophistiqués comme ceux de la Mercedes Classe S.

"Il l'a appris et est allé plus loin. Nous avons demandé à nos ingénieurs de viser la lune. Il est allé directement sur Mars", a déclaré un ingénieur senior de Daimler.

LA TOUPIE MUSK

Certaines collaborations ont connu toutefois une issue moins favorable. En 2014, Tesla approche Mobileye, le fabricant israélien de capteurs, afin d'apprendre, entre autre, à concevoir un système d'autopilotage qui deviendra le pilote automatique de Tesla.

Mais les liens entre les deux entreprises ont publiquement pris fin après qu'un conducteur a trouvé la mort en 2016 lors du crash d'un modèle S utilisant ce système.

À l'époque, Amnon Shashua, aujourd'hui PDG de Mobileye, avait averti que le système n'était pas conçu pour répondre à touts les scénarios potentiels d'accidents, car il s'agissait d'un système d'assistance au conducteur et non d'un système autonome.

Tesla a ensuite fait appel à l'entreprise américaine Nvidia pour lui fournir un pilote autonome, avant de rompre également avec elle.

" (...) Elon est très axé sur l'intégration verticale et voulait fabriquer ses propres puces", a déclaré Danny Shapiro, directeur principal de l'automobile chez Nvidia.

En plus des partenariats, Elon Musk a fait une série d'acquisitions il y a quatre ans, en rachetant une poignée de sociétés peu connues - Grohmann, Perbix, Riviera, Compass, Hibar Systems - pour faire progresser rapidement l'expertise de Tesla en matière d'automatisation.

"Il a beaucoup appris de ces gens", a déclaré Mark Ellis, consultant senior chez Munro & Associates, qui a beaucoup étudié Tesla. "Il a exploité beaucoup d'informations qu'ils lui ont fournies, puis il s'est efforcé de les améliorer".

(Avec Tina Bellon à New York et Yilei Sun à Beijing; version française Kate Entringer, édité par Jean-Michel Bélot)

par Paul Lienert, Norihiko Shirouzu et Edward Taylor